Précisons d'emblée que la réforme qui a été mise au centre de la politique de refondation de l'école n'est pourtant qu'une partie de celle-ci puisque les Ministres successifs, Vincent Peillon, Benoit Hamon et aujourd'hui Najat Vallaud Belkacem ont successivement porté d'autres pans pour réformer l'école en axant la priorité sur le primaire, en rétablissant une formation professionnelle pour les enseignants et évidemment en redonnant des moyens humains là où la droite avait sacrifié plus de 80 000 postes.
Pour autant, trois ans après, la réforme des rythmes éducatifs est mitigée, souffrant de maux originels tout en étant porteuses d'espoir.
Bilan mitigé car la réforme proposée par Vincent Peillon a, dès le départ, souffert de l'absence d'un véritable pilotage politique, le Ministre perdant deux arbitrages indispensables : celui du séquençage de la réforme, finalement étalée sur deux ans pour éviter la grogne des maires, et de son financement finalement très partiel avec la création d'un fond d'aide aux collectivités appuyé par les dotations de la CAF.
On comprend dès lors, avec notamment les contestations et les débats légitimes initiés par les syndicats et les parents, les difficultés d'une réforme à être totalement déployée dans la sérénité : doux euphémisme.
Bilan mitigé d'abord et avant tout car l'ambition était d'en faire une réforme scolaire et qu'elle a glissé, Vincent Peillon le reconnaissait peu avant son départ, en une réforme du périscolaire, les parents se focalisant sur leur temps de vie et ses conséquences sur celui de leur enfant : le temps passé à l'école quelquefois de 7heures à 19 heures.nouveauxrythmelome
Tous les modèles d'emploi du temps déployés par les communes étaient et restent ainsi interrogés par la vie professionnelle et familiale des parents, considérant que la fin de la semaine des quatre jours, assez consensuelle, n'était pas suffisante pour les contenter. Loin d'être une critique des parents, ce constat légitime le fait que la réforme des rythmes scolaires a progressivement et silencieusement muée en réforme du périscolaire, ce qui, nous y reviendrons, n'est pas si négligeable.
Bilan mitigé car la réforme est tombée dans un contexte budgétaire très contraint, l'Etat raréfiant, les dotations des collectivités alors que la réforme avait un coût, aujourd'hui estimé à moins de 250 euros par an et par enfant. 28 % des communes font donc en 2016 payer les nouvelles activités périscolaires confortant l'idée d'une réforme renforçant les inégalités éducatives de territoires.
Bilan mitigé enfin, car l'enseignement privé sous contrat a échappé à l'obligation de faire laissant en définitive aussi s'organiser sur le territoire la montée de la concurrence avec l'enseignement public et permettant au privé d'engranger de nouvelles parts de marché. De fait, seules 15 % des classes du privé ont adopté les nouveaux rythmes scolaires...
Pour autant il serait injuste de solder la réforme comme certains le souhaiteraient en vue des prochaines échéances présidentielles et des législatives à venir.
Près de 90% des communes en effet ont construit, même de manière différente, un projet éducatif de territoire, un PEDT, portant une concertation et une réflexion avec tous les acteurs éducatifs, direction et enseignants, associations, parents d'élèves et services municipaux.
Cette discussion et cette profusion répondaient aussi au souhait de faire rentrer d'autres acteurs éducatifs dans l'école pour la « désanctuariser » et rappelons sa finalité quand même, améliorer la double réussite scolaire et éducative là où notre école souffrait terriblement de moyens et de résultats.
Cette réforme fonde une nouvelle approche, déployée depuis longtemps, celle de la reconnaissance d'une politique éducative locale à l'image par exemple du projet éducatif global mené par la ville de Lille-Lomme-Hellemmes depuis plus de 10 ans !photo-1
« Forcés » à réfléchir ensemble, à travailler à des solutions innovantes, de proximité, les acteurs éducatifs locaux, et c'est le grand mérite de cette réforme, a produit de l'intelligence collective en essayant de lier les projets d'école avec les autres temps éducatifs, du périscolaire et de l'extrascolaire. Travailler la continuité éducative même si, reconnaissons –le, tous les PEDT sont inégaux dans leur démarche et pratique de terrain.
Les communes ont redécouvert l'importance des mouvements d'éducation populaires, la ligue de l'enseignement, les Francas, Léo lagrange..., ont initié des partenariats et passé des conventions avec des milliers d'associations dans le domaine de la culture, du sport, de la citoyenneté ou de la solidarité. Bref les communes se sont enrichies car elles ont bien compris, pour de nombreuses d'entre elles, plus de 70%, que cela était un investissement pour l'école, un investissement pour les familles, un investissement pour l'élève. Elles ont à ce titre assumé la gratuité !
Les communes sont aujourd'hui soutenues financièrement pour construire ces PEDT, plus de 372 millions d'euros ont bénéficié à près de 22600 communes alors que le ministre de l'éducation a fait pérenniser l'aide de l'Etat comme le réclamait de nombreux maires.
Trois ans après, la réforme est au milieu du gué. Installée mais avec un besoin impérieux d'être confortée notamment sur la question des maternelles pour veiller au respect de leur rythme propre, différent de ceux de leurs aînés. Comme nous en avions l'ambition, il faudra sur la durée au-delà des questions d'emploi du temps, questionner le sens de la réforme pour en faire pleinement une réforme éducative, utile, pour promouvoir l'appétit d'école et la réussite, là où les indicateurs PISA restent fragiles.
Il faudra enfin aller plus loin que les PEDT donnant aux collectivités, mairies et intercommunalités, les moyens légaux et financiers de leurs ambitions éducatives.
Il faudra aussi, je le souhaite, reposer la question de l'enseignement privé sous contrat afin d'entrer dans des dynamiques de territoires, là où la guerre scolaire fait encore rage de manière insidieuse.
Dernière modification le lundi, 30 mai 2016