1. Le vocabulaire choisi pour la dernière réforme française de l’éducation est révélateur1. “Refonder” (de fundationes en latin) fait référence à l’architecture, à la construction physique, alors que rien dans le texte n’y fait référence.
Alors comment refonder l’École sans refonder l’école ?
Autrement dit, est-il possible de penser autrement l’éducation sans réinventer le bâtiment où l’on éduque ?
Le dernier texte de loi abordant la question de l’architecture scolaire est ancien : c’est la loi dite Haby de 1975... Et pourtant, la forme scolaire est aujourd’hui questionnée comme jamais auparavant, par la pluralisation des socialisations juvéniles, par le tournant global et par l’explosion des technologies.
A l’heure du numérique, on peut désormais éduquer et s’éduquer en tout lieu.
Quel est dans ce contexte la pertinence du lieu physique ? La période ne nous invite-t-elle pas à recentrer l’école sur ce qu’elle était originellement, le lieu du rassemblement, de la rencontre, de la socialisation, de toute une génération. Enfermer le fait d’apprendre dans une forme scolaire unique ne serait-il pas un moment révolu de l’histoire de l’éducation ? Notamment, la salle de classe « normalisée et centrée sur la parole du maître (...) pourrait bien être obsolète, car les attentes des élèves comme de la société vis-à-vis de la construction des savoirs et des compétences ont changé » (Musset, 2012)2. Les architectures scolaires se différencient et se démultiplient, même en France (en hexagone et en outre-mer) où les résistances demeurent fortes.
L’architecture de l’école est à repenser, pour que les bâtiments soient à la fois des médias spatiaux, des artefacts et des nœuds de relations. Les points de vue croisés des chercheurs et des professionnels de l’architecture nous permettent ici d’ouvrir quelques chantiers.
2. Thibaut Hébert et Eric Dugas observent à travers une enquête menée dans différents collèges quels espaces scolaires sont ressentis par les élèves comme les moins et les plus sécurisants.
Anne Dizerbo met en évidence l’étroite relation entre l’architecture d’un établissement scolaire, son implantation dans une trame urbaine et la construction de figures d’élèves. Béatrice Mabilon-Bonfils et Virginie Martin interrogent la fin de l’école au sens où la forme scolaire est questionnée de toutes parts par des mutations qui en affectent autant la manière de penser, d’organiser et de dispenser les savoirs que la fonction sociale et politique.
Jean-Louis Durpaire et François Durpaire montrent à travers une enquête auprès de CPE, de documentalistes et de personnels de direction qu’il existe une attente de transformation profonde des espaces de vie scolaire qui irait de pair avec une autre Ecole.
Laurent Jeannin interroge également les effets d’annonce concernant la mutation des espaces, à l’ère du numérique. Luc d’Allarmelina consacre son étude aux espaces pour des écritures créatives numériques, tandis que Sofiane Issaadi et Alain Jaillet creusent l’idée de proxémie d’apprentissage, ou l’étude du positionnement spatial de l’apprenant. Jean-François Manil étudie le cas de la Maison des Enfants de Buzet (Belgique francophone), école fondamentale publique communale organisée dans une maison de village. Quant à France Roy, elle évoque le cas de deux écoles danoises qui ont bénéficié récemment de programmes ambitieux d’extension et de rénovation.
3. Les entretiens avec les professionnels de l’architecture apportent un éclairage différent sur le sujet.
Vincent Parreira, Lionel Formentelli, Dominique Seni, Danièle Niccoletti, Ivry Serres et Roland Castro se sont prêtés à la même série de questionnements.
Enfin, nous évoquerons le concours international d’idées ARCHISCOLA que nous avons initié en 2016. Il est destiné à promouvoir une nouvelle manière de penser l’architecture scolaire qui tienne compte des acquis des sciences sociales en éducation, et à rendre visible des projets d’architectes pouvant se déployer en France et à l’étranger.
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