C’est un sujet majeur qu’a complètement occulté
la Refondation (regardez attentivement le schéma "l’Ecole de la Refondation") du ministre Vincent Peillon, alors qu’il en avait largement la possibilité, et le temps. Au lieu de cela, il s’est englué, peut-être conseillé par ceux de ses conseillers qui ne voulaient rien changer en matière de fonctionnement du système dont ils sont issus, dans les rythmes scolaires, en affirmant haut et fort que l’élève doit être au centre de l’Ecole.
Si ce fait est bien établi et confirmé par toutes les politiques qui ont précédé, qu’en est-il de celui qui éveille l’enfant, l’élève, aux savoirs, aux savoir-faire, aux savoir-être et à leur analyse ?Pourquoi ne pas le placer lui aussi au centre de l’Ecole, dans le cadre de cette relation qu’il forme avec l’élève ? Pourquoi oublier l’un en consacrant toute l’attention sur l’autre ? Pour éviter de fouiller dans la malle que beaucoup préfèrent voir cachée dans le grenier commun ?
Les enseignants se plaignent de plus en plus de la manière dont ils sont « gérés ». La perte de leur pouvoir d’achat au fil des réformes budgétaires qui
congèlent leur point d’indice depuis 2009 continue de les dévaloriser, et leur salaire initial sera bientôt rattrapé par le SMIG, tandis qu’un animateur diplômé d’un BPJEPS gagne pour sa part dans certaines communes bien mieux sa vie. Depuis 1998, la perte de pouvoir d’achat des enseignants dépasse les 20% en comptant l’inflation. La France aime-t-elle ses enseignants ? A-t-elle envie d’en être fière, elle qui
se désole de les voir bouder les concours, en
délaissant certaines disciplines ?
L’administration ne paraît pas s’inquiéter de la manière dont elle gère ses effectifs, car elle met tout en œuvre pour étouffer autant qu’elle le peut ces attitudes vélléitaires qui consistent à se plaindre de ses excès, de ses abus,
alors qu’elle sait si bien agir contre le harcèlement des élèves à l’école. Le web fourmille d’exemples en la matière d’enseignants qui exposent à la vue de tous, ces courriers innombrables de leur administration pour les réduire au silence en annihilant chez eux toute capacité de résistance, en constituant contre eux un dossier à charge, le plus épais possible, pour lui donner la plus grande force, le légitimer (cf exemples concrets en fin d’article).
Entrer en conflit avec l’administration, pour un enseignant, c’est commencer à creuser sa tombe en prévision
de son éventuel suicide, le seul acte qui le sortira de l’ornière s’il ne s’est pas usé psychologiquement avant dans le contentieux qui l’oppose à ceux qui veulent professionnellement sa peau. Lorsqu’il aura compris que rien ni personne ne viendra le sauver, pas même un ministre - etc’est à se demander si ce personnage d’Etat a un réel pouvoir hiérarchique sur l’administration qu’il est chargé, quelques années, de piloter, avant de passer le relais – il n’aura plus que ses yeux pour pleurer, et commencera à compter ses amis.
Le harcèlement administratif est un mécanisme qui se construit à plusieurs et se poursuit inexorablement, comme un rouleau compresseur dont l’accélérateur se serait bloqué.
Ce n’est pas l’administration qui réclame la
réinvention de la GRH, puisqu’elle a conçu un système qui lui assure un immense pouvoir sur des centaines de milliers d’individus, et qu’elle fait tout pour le préserver, en créant toutes les directives possibles et imaginables chaque année pour en assurer la pérennité. Parler de réinventer la GRH dans l’Education Nationale, si ceux qui la pilotent n’y participent, pas, condamne par avance l’issue possible de la manoeuvre. Rien ne peut changer dans cette GRH de l’intérieur puisque les ministres choisissent pour conseillers des hauts fonctionnaires qui ont tout intérêt à ce que ce système perdure, étant donné qu’ils y retourneront bien plus hauts gradés, avec cette fois un pouvoir bien plus grand.
Tous les syndicats ne sont pas demandeurs non plus, si l’on considère
ces Décrets de 1950 toilettés à la marge, car certains craignent une perte de leur représentativité si la GRH lointaine et dirigiste devait laisser place à une GRH de proximité dont on ignore si elle en reproduirait les excès.
Nous en venons à nous demander si la GRH doit se décréter, ou si c’est un nouvel état d’esprit à inculquer à chacun dès le plus jeune âge, pour que la GRH, au lieu d’être dévolue aux services DRH, devienne un comportement individuel, chaque fois que survient un contact avec l’autre : savoir être à l’écoute, empathique, accepter son opinion, accepter d’échanger sur cette expression, communiquer, savoir se remettre en question l’un et l’autre pour mieux avancer ensemble et tirer les leçons de l’incommunication ponctuelle qui a pu se poser. Tous les hommes et les femmes en sont-ils capables ?
La GRH actuelle n’est-elle pas le reflet de ce que devient dans son ensemble notre société : conflictuelle, tendue, stressée, comme si la survie de son modèle traditionnel était en jeu ?
Comment Jacques Risso tiendrait-il psychologiquement s’il n’était pas soutenu par
autant de syndicats et d’enseignants, ce qui ne semble pas arrêter le zèle à le punir ? Mais le punir de quoi, sinon de la liberté de tout homme de talent de s’exprimer par son art, le dessin ?Sommes-nous encore dans un pays de liberté ? France, que devient ta démocratie ?
Mais de quel bois est faite la GRH actuelle ? Il devient temps de toutes parts de nous interroger sur les limites exactes du pouvoir d’un IEN, d’un DASEN, d’un IA-IPR, d’un Chef d’établissement, d’un DRH, d’un IGEN sur les masses d’individus qu’il est chargé d’administrer, pardon, de gérer.
Si la GRH en vigueur dans une administration, quelle qu’elle soit, avait été conçue dès le départ avec des garde-fous, des contre-pouvoirs,
des formes d’évaluation remontante pour faire évaluer au moins une fois par an les supérieurs hiérarchiques par la masse de ceux qu’ils gèrent,nous n’en serions pas rendus dans de telles impasses, parfois. Pourquoi notre société confie-t-elle à certains un pouvoir sans limite sur des milliers d’individus, sans accepter de faire son examen de conscience ?
De 2002 à 2012 les gouvernements de Droite qui se sont succédés ont diffusé un
modèle de management coercitif qui assoit son pouvoir de domination sur ceux qu’il gère par sa capacité à les sanctionner, par son zèle à supprimer des postes, sans qu’aucune remontrance ne puisse lui être faite. Mais ce modèle est-il imputable à la seule Droite, quand un sondage conforte la Gauche dans le fait que
73% des français se prononcentpour la baisse des effectifs des fonctionnaires (une RGPP 2, après avoir appelé de tous ses vœux la fin de la RGPP 1 ?), alors que seulement 983 personnes se sont exprimées ? Quelle est donc cette forme de démocratie qui gouverne à coups de sondages auprès d’une infime minorité que l’on affirme être représentative de l’opinion de 66 millions de personnes ?
Ce modèle dirigiste a conduit dans l’impasse la GRH, confrontée de plus en plus à la réaction des individus oppressés qu’elle conduit parfois sans en avoir conscience
à se suicider :
Combien de suicides relatés par la presse d’enseignants qui n’en pouvaient plus, en découvrant que le suicide succédait à un entretien avec l’inspecteur, ou avec le chef d’établissement, ou à la suite de l’annonce d’une affectation non désirée ? Cette GRH de plus en plus lointaine des réalités de la complexité du métier d’enseignant invoque systématiquement, pour se défausser de toute responsabilité quant à la persistance de ce système, les « problèmes personnels » que rencontrait l’enseignant. Il s’en faudrait de peu de considérer dans ce système de GRH que ceux qui osent contester une situation qu’ils estiment injuste sont en fait tous « perturbés psychologiquement », puisqu’ils n’ont pas réussi à intégrer que leurs droits se limitent au bon vouloir de ceux qui les dirigent.
Plus de 30% des 1200 à 1500 enseignants qui nous contactent chaque année sont affectés par des comportements similaires d’IEN, d’IA-IPR, de DASEN, de Chefs d’établissement, d’attachés d’administration aussi, qui se comportent avec eux
de manière inacceptable, en s’évertuant coûte que coûte à les faire taire dans leurs tentatives parfois désespérées de faire valoir leur point de vue, juste pour se défendre, dès lors que leur sort a attiré l’attention d’un système qui préfère qu’aucune tête ne dépasse, pour voir tous ceux qu’il dirige marcher droit, comme dans un régiment d’infanterie.
Ceux qui osent résister à cette GRH veulent disposer de leur droit d’exister. De d’exprimer. De faire valoir leur liberté d’hommes et de femmes, dans un système où le diktat des décisions qui les concernent devient difficile à endurer.
La
violente crise économique et financière qui secoue notre pays depuis trop longtemps n’est-elle pas responsable elle aussi de la diminution de l’empathie et de la qualité d’écoute de certains ? Où nous conduit cette crise de la communication entre humains ? Pourquoi ceux qui dirigent n’accepteraient-ils pas, de temps en temps, de se remettre en question, sans avoir pour le moins du monde à se sentir humiliés ? Enfants, on nous apprend que « l’erreur est humaine ». Adultes, on s’aperçoit que beaucoup d’être humains commettent des erreurs.
Quelques exemples, en-dehors de Jacques Risso :
Des ouvrages inquiétants à lire avant de devenir enseignant :
La loi protège-t-elle les enseignants contre le harcèlement ?
Dernière modification le jeudi, 05 février 2015