Anthony Lozac’h·propose sur le site de l’UNSA-SE une analyse du rapport n°2013-072 (juillet 2013) de l’IGEN, « La notation et l’évaluation des élèves éclairées par des comparaisons internationales », où l’on voit que cette obsession n’a rien d’universelle (rapport téléchargeable). Et le blogueur Christophe (Profencampagne) propose la reprise d’un compte-rendu de lecture réalisé par Aurélie Gascon, Professeur d’allemand, du livre de Félix Winter Leistungsbewertung. Eine neue Lernkultur braucht einen anderen Umgang mit den Schülerleistungen.
Tout ceci ma donne envie de replonger dans quelques documents anciens que j’utilisais au cours de mes stages dans l’académie de Versailles.
Conception de l’évaluation de Félix Winter
Je vous propose de confronter la liste de caractéristiques d’une évaluation remaniée et appropriée aux besoins de l’élève établie par Felix Winter et que j’extrais du compte-rendu cité plus haut à celle de Roch Chouinard.
• « Une évaluation moderne se concentre à la fois sur la production de l’élève et sur le processus d’apprentissage.
• Elle doit être davantage intégrée au cours et être au service des apprentissages, et non l’inverse (Felix Winter parle de didactiser l’évaluation)
• L’évaluation moderne se concentre d’abord sur les points forts de la production de l’élève (l’auteur part du postulat que c’est en s’appuyant sur ses propres qualités que l’élève peut réellement progresser) et ensuite seulement sur le type d’erreurs commis.
• Le feedback oral, précis et neutre, doit occuper une grande place dans l’évaluation et évacuer ainsi la comparaison avec les performances des autres.
• Une évaluation moderne ne peut être de la responsabilité exclusive de l’enseignant et doit être ouverte à d’autres : collègues, camarades de classe, et surtout l’élève lui-même. L’auto-évaluation doit être développée, afin de rendre plus visibles et clairs les processus d’apprentissage.
• Une évaluation moderne doit être réflexive et/ou dialogique et être entreprise sous plusieurs angles. Exemples : plusieurs correcteurs ou examinateurs, ou alors un seul correcteur qui parcourt alors plusieurs travaux de l’élève pour avoir une idée de son processus d’apprentissage.
• Une importance bien plus grande doit être accordée à l’évaluation diagnostique. Felix Winter fait remarquer que la prépondérance de l’évaluation sommative ne permet pas de comprendre les performances de l’élève et de dégager des pistes de progrès.
• Une évaluation moderne sort du cadre étroit de la situation d’examen familière aux évaluations scolaires et introduit plus de transparence : elle peut prendre la forme de présentations, garantit un contrôle extérieur (qui permet aussi d’évaluer les performances d’un établissement), et tout cela en pouvant conserver des éléments typiques d’examens (précision dans la quatrième partie).
• Une évaluation moderne doit être documentée (certificats, portfolios de productions d’élèves…) »
La conception de Roch Chouinard
De janvier à mai 2007, formateur dans l’académie de Versailles, j’ai mené un stage d’établissement dans un collège sur le thème de l’évaluation. A cette occasion j’ai trouvé sur le net la conférence deRoch Chouinard, ÉVALUER SANS DÉCOURAGER, Département de psychopédagogie et d’andragogie, Université de Montréal, Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES), conférence donnée sur invitation dans le cadre des sessions de formation liées à la réforme en éducation, offertes aux personnes-ressources, Ministère de l’Éducation, Québec, les 18 et 19 mars 2002.
Je vous propose le tableau récapitulatif des pratiques pédagogiques et évaluatives favorables et défavorables à l’engagement et à la persévérance à l’école.
Institution et pédagogie
Dans ces deux approches, les auteurs tournent le dos à la fonction de l’évaluation dans l’institution. Son utilité essentielle pour l’institution est la gestion de la circulation des élèves : avancer, recommencer ou sortir. Elle fonde ces décisions. Ces deux auteurs ce centrent eux sur la fonction de l’évaluation par rapport à l’apprentissage des élèves, ce qui devrait être la première attention de tout enseignant… En France, nous avons imposé en priorité aux enseignants une préoccupation institutionnelle au détriment de la préoccupation pédagogique.
Non seulement ces auteurs mettent en avant des pratiques centrées sur l’apprentissage, qui favorisent l’apprentissage, la motivation de l’élève, son implication, mais ils indiquent que les évaluations « classantes », ou normatives, sont contre productives par rapport à l’apprentissage.
Plus que la forme et les buts de l’évaluation, c’est la perception qu’en ont les élèves qui importe.
Les pratiques évaluatives mettant l’accent sur la comparaison sociale, tendent à diminuer les perceptions de soi et les attentes de succès des élèves quand ces comparaisons ne les avantagent pas. Ces pratiques conduisent un nombre considérable d’élèves à ressentir des émotions négatives et à s’engager dans des comportements d’autodépréciation et d’évitement peu propices au développement des compétences.
Au contraire, des pratiques évaluatives basées sur l’amélioration personnelle et la progression vers les buts de maîtrise que poursuit l’élève encouragent ce dernier à se centrer sur ses efforts plutôt que sur ses capacités. Ce type de pratiques encourage en conséquence l’engagement, le dépassement de soi, le recours au savoir stratégique et la persévérance devant les difficultés.
Une réflexion sur l’évaluation dans notre système scolaire, ne peut faire l’impasse d’une perspective plus large que la pratique pédagogique des enseignants. Chez nous, cette pratique est particulièrement liée au fonctionnement institutionnel. Question que j’avais déjà abordée dans un article précédent, à relire, Notation et orientation se tiennent la main.
Bernard Desclaux
Dernière modification le lundi, 29 septembre 2014