Un nouveau maillage des CIO pour leur survie ?
En septembre 2012, La Voix du Nord publiait un article : Regroupements des CIO : les conseillers d’orientation dans les cartons qui laissait supposer la situation exceptionnelle du département :
« Jusqu’à un passé récent, le conseil général du Nord était le seul de France à participer au fonctionnement des CIO. Cette particularité venait d’une politique volontariste qui, il y a plusieurs décennies, avait choisi d’étoffer la présence de ces centres sur son territoire. En 2010, sur les 22 CIO du Nord, seuls neuf étaient sous gestion directe de l’État ; pour tous les autres, soit le Département était propriétaire des lieux, soit c’est lui qui louait. Dans un contexte tendu entre les collectivités territoriales et les gouvernements de droite – les premières rendant les seconds responsables du « désengagement de l’État » – Bernard Derosier, ancien président du CG 59, et sa majorité décident, en 2010, de ne plus payer à la place du ministère de l’Éducation nationale. « Mais cette décision venait de François Fillon qui a voulu que la gestion des CIO soit assurée par le ministère, précise Bernard Baudoux, vice-président du Département, sans tenir compte de la spécificité du Nord. Nous, on aurait voulu que l’État poursuive l’effort que le Département avait consenti jusqu’alors. » »
Malheureusement, cette situation n’est pas unique. Depuis la création des services d’orientation en France au début du XXème siècle, ce sont les villes puis les départements qui ont fait fonctionner financièrement ces organismes. Il faut attendre 1970 et la création des CIO qui substituent aux centres d’orientation scolaire et professionnelle, pour que l’état prennent en charge le fonctionnement en créant des CIO d’état. Pour l’essentiel, les anciens centres restent sous la gestion financière des départements, et les nouveaux CIO créés par la suite le sont sous gestion d’état. L’implantation de ces CIO d’état suit les progressions urbaines du dernier tiers du siècle.
En tout cas pour l’académie de Lille, cette réorganisation est maintenant officielle par la publication le 20/09/2012 au BOEN, la circulaire Fermeture et création de CIO de l’académie de Lille.
Les réorganisations académiques proposées par les recteurs sont validées par le Ministère. Les Conseils généraux se désengageant partout en France du financement du fonctionnement des CIO dit départementaux, les circulaires de ce type vont se poursuivre (il y en a déjà eu quelques-unes).
Fermetures des CIO départementaux et des CIO d’états actuels, créations et implantation de nouveaux CIO d’état avec reclassement de l’ensemble des personnels d’orientation. Réduction des postes d’administratifs et interrogation pour l’implantation des directeurs de CIO.
L’inquiétude des personnels des Centres d’Information et d’Orientation se fait sentir. Ainsi les personnels des centres d’information et d’orientation du Rhône ont décidé d’une journée académique de grève, le jeudi 20 juin 2013, avec rassemblement à 11 h devant le Rectorat de Lyon.
Mais toute cette transformation se fait à bas bruit.
Des conséquences organisationnelles
Notons tout d’abord un avantage. On devrait aller vers une homogénéisation de la taille des CIO. Jusqu’ici régnait une disparité de celle-ci. À l’extrême, un CIO pouvait être constitué d’un conseiller et d’un directeur, de l’autre l’équipe pouvait rassembler une petite vingtaine de personnes. Le rôle de directeur était dans ces conditions très disparate ainsi que le rapport aux établissements et à la population. Dans les CIO de très petite taille, le service au public était de fait très réduit. Ainsi, l’ouverture au public serait plus assurée, mais pour quel public ?
Le territoire géographique de chaque CIO sera sans doute plus grand, et donc plus éloigné pour une partie de sa population qui ne pourra s’y rendre. Le principe du SPO (service public d’orientation) cherchant à coordonner l’ensemble des organismes d’orientation afin qu’ils assurent chacun un premier niveau de réponse réduirait en partie cette difficulté.
Reste la question pourquoi s’adresser à un organisme ? Aujourd’hui l’information se trouve sur le web pour peu que l’on sache chercher, ou qu’une aide à la recherche soit accessible. S’adresser à un organisme c’est rechercher une aide, un conseil pour décider. Ce n’est plus d’abord chercher une information. D’une certaine manière, l’auto-documentation a fait son temps.
Mais tenir conseil suppose du temps, du temps pour le professionnel, mais aussi du temps pour le demandeur de conseil. L’accueillant au CIO doit être capable d’estimer très rapidement où en est le demandeur dans le processus décisionnel, afin de proposer une modalité de réponse pertinente, si possible.
Ce conseil peut-il être tenu dans les établissements, et pourra-t-il être tenu dans les établissements ? Ceci renvoi encore sur le temps, la quantité de temps, et la répartition des actions. On peut espérer que le développement des activités d’éducation à l’orientation menées dans les établissements devrait réduire la demande individuelle de conseil. Certains n’y croient pas, et d’autres ne le veulent pas.
En tout cas la question du temps de présence dans l’établissement (et pour y faire quoi) se pose. L’éloignement du CIO de certains établissements de son territoire aura des conséquences sur le temps de présence, et la conception de ce temps. En particulier pour deux raisons peu connues : le temps de déplacement est compris dans le temps travaillé dans la plupart des cas, et surtout les frais de transport sont remboursés. Jusqu’à présent pour les CIO départementaux, le Conseil général remboursait assez bien ces frais. Par contre cela était beaucoup plus difficile pour les CIO d’état.
Un point ici doit être clarifié. Depuis plus de quinze ans, il n’y a plus de ligne budgétaire au ministère pour les CIO. Les crédits de fonctionnement sont globalisés dans le budget général du rectorat, qui détermine la part qui sera allouée au niveau académique pour le fonctionnement des CIO. Aucune norme n’existe. Ceci est donc très aléatoire selon les académies, et dans beaucoup de CIO, les frais de déplacement en fin d’année sont réduits.
Le regroupement de l’ensemble des personnels sur les CIO d’états va donc faire exploser les besoins en remboursement de frais, notamment, alors que loyers des CIO d’état vont également prendre de l’ampleur avec les nouvelles implantations nécessaires.
Dans la situation actuelle, comment augmenter la part allouée aux CIO dans le budget rectoral ?
Ajoutons que le nombre de postes reste apparemment stable, mais ils sont couvert de plus en plus par des contractuels !
La diminution des recrutements depuis plusieurs années fait que de plus en plus de postes sont occupés par des contractuels qui n’ont pas été formés spécifiquement à cette fonction. Ce sont de jeunes psychologues récemment sortis de leurs études, mais pas encore des conseillers d’orientation-psychologues. Difficile dans ces conditions d’assurer un conseil de qualité aux personnes, mais aussi d’investir le rôle de conseiller technique auprès des établissements. Sur la nécessité de ce rôle, voir mon article….
Il y a ainsi de grands risques sur la qualité du service au CIO et celle des activités dans les établissements.
Les nécessités financières vont donc modifier très profondément les conditions de travail dans les CIO et cela sans aucun texte nouveau sur les missions. Un texte supprimant l’ensemble des CIO départementaux n’est non plus nécessaire, il suffit de promulguer la fermeture au fur et à mesure. Donc peu de bruit nationalement.
Les personnels devront faire preuve d’une grande créativité pour faire évoluer leurs pratiques. Sinon la dégradation du service justifiera leur dernière évolution.
Et dans cette affaire, je ne suis même pas sûr que l’on veuille consciemment se débarrasser du chien. Mais c’est quoi déjà cette l’histoire ?
Bernard Desclaux