Le redoublement
François Jarraud dans le Café pédagogique résume la situation ainsi pour ce qui en est du secondaire (il y a également cette mesure pour le primaire, ce que nous ne discuterons pas ici) : « Pour le second degré, l’article D 331-62 précise qu’un redoublement peut être décidé par le chef d’établissement en fin de chaque année scolaire. Auparavant le redoublement n’était possible qu’en cas de rupture de l’apprentissage et avec l’accord écrit des parents. Là aussi la règle c’est un seul redoublement sur la scolarité du collège mais deux sont possibles. » Et il précise ! « Cette nouvelle rédaction a été étudiée par le Conseil supérieur de l’éducation qui a voté contre le texte le 14 décembre 2017. Ce qui n’empêche pas cette publication au J.O. »
En Marche donc vers … avant la situation qui prévalait lors de la réforme Haby. La réforme Haby avait supprimé le redoublement à tous les étages du collège, ce que ce nouveau décret réintroduit. Avec une nuance : « un seul redoublement sur la scolarité du collège mais deux sont possibles » est-il précisé. Sauf que la « menace » d’un redoublement possible chaque fin d’année est réintroduite. Le redoublement « fait travailler » et sa menace « motive le travail scolaire ». C’est ce qui ressort de l’enquête du Cnesco de 2015, cité dans l’article du Café pédagogique. Et si on rajoute les travaux de Hugues Draelants également cités par Jarraud, on pourrait comprendre que « le redoublement est une pratique plébiscitée par tous les acteurs en question ».
En juin 2016, lors de l’application du précédent décret cherchant à supprimer les redoublements, j’avais écrit un article, « Le redoublement sinon rien », dans lequel je citais également largement les travaux de Hugues Draelants, mais j’aboutissais à d’autres conclusions.
J’y rappelais ceci : « si les enseignants doivent faire réussir les élèves, le collège lui a toujours la fonction de triage vis-à-vis de la deuxième partie du secondaire. C’est toujours sur la base d’une différenciation dans les acquis scolaires que s’opère l’orientation en fin de troisième même s’il n’existe aucun texte réglementaire sur cette argumentation. Sous cette « contrainte » sélective, il est alors normal que les acteurs perçoivent le redoublement comme nécessaire car il permet en fait de mettre en œuvre un principe social classique, celui de la file d’attente : premier arrivé, premier servi ! Ainsi, la difficulté est essentiellement résolue par le demandeur et non pas par le service. »
Le Cycle
La conception du cycle introduite dans notre système scolaire lors de la réforme Haby supposait que l’évaluation de l’acquisition se faisait à la fin d’un cycle et non en cours, d’où la suppression de la possibilité de faire redoubler chaque année. Le nouveau décret de Blanquer fait voler en éclat cette conception. Chaque année une décision de redoublement peut être prise.
Mine de rien la déconstruction de la réforme du collège engagée sous le ministère précédent se poursuit.
De nouvelles procédures ?
Le nouvel article D. 331-62 commence ainsi :
« A tout moment de l’année scolaire, lorsque l’élève rencontre des difficultés importantes d’apprentissage, un dispositif d’accompagnement pédagogique est mis en place. A titre exceptionnel, lorsque le dispositif d’accompagnement pédagogique mis en place n’a pas permis de pallier les difficultés importantes d’apprentissage rencontrées par l’élève, un redoublement peut être décidé par le chef d’établissement en fin d’année scolaire. Cette décision intervient à la suite d’une phase de dialogue avec l’élève et ses représentants légaux ou l’élève lui-même lorsque ce dernier est majeur et après que le conseil de classe s’est prononcé, conformément à l’article L. 311-7. »
Deux conclusions à ce texte peuvent être formulées.
Des difficultés d’apprentissage pouvant se dérouler tout au cours de l’année, un dispositif d’accompagnement pédagogique[1] peut être mis en place. Jusque-là rien de réellement nouveau. La nouveauté vient après, car si ce dispositif « n’a pas permis de pallier les difficultés importantes d’apprentissage » alors « un redoublement peut être décidé par le chef d’établissement en fin d’année scolaire. » Dès lors, une décision de redoublement peut se faire en cours d’un cycle.
La formule « un redoublement peut être décidé par le chef d’établissement » est également un retour en arrière important. Depuis les « Nouvelles procédures d’orientation », le chef d’établissement formule une « proposition » sur avis du conseil de classe. Les familles acceptent ou refusent cette proposition, et des procédures diverses de recours ont été mise en places que nous ne détaillerons pas ici[2].
La dernière réforme plaçait des procédures d’orientation en fin de sixième et en fin de troisième. Ce nouveau décret mine de rien réintroduirait des procédures en fin de chacune des quatre années du collège ? Et encore il s’agit de bien curieuses procédures puisque celles-ci relèveraientt uniquement du chef d’établissement, sans période de dialogue, sans débat au conseil de classe, sans rencontre avec les parents, sans recours par la commission d’appel !
Retour au pouvoir absolu ? Je dois me tromper !
Et au lycée
Pour alimenter la plateforme Parcoursup il faut des vœux et des avis sur ces vœux. Ainsi au BOEN vient de paraitre le décret décret n° 2018-120 du 20-2-2018 – J.O. du 21-2-2018 ayant pour titre : Rôles du conseil de classe et du chef d’établissement en matière d’orientation et autres dispositions.
Reprenons les deux articles essentiels :
Art. D. 331-64-1. – En classe terminale des lycées, dans le cadre du dispositif d’information et d’orientation mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 612-3 qui s’inscrit dans un processus continu de dialogue entre l’élève, ses représentants légaux si l’élève est mineur et l’équipe pédagogique, le chef d’établissement émet, après que le conseil de classe s’est prononcé, un avis sur chacun des vœux de poursuite d’études de l’élève dans l’enseignement supérieur.
Article 3 – L’article R. 421-51 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En classe terminale des lycées, le conseil de classe se prononce sur les vœux de poursuite d’études de l’élève dans l’enseignement supérieur afin d’éclairer le chef d’établissement appelé à émettre un avis sur chacun de ces vœux conformément à l’article D. 331-64-1. »
On retrouve ici le système habituel : le conseil de classe « éclaire » et le chef d’établissement « décide ». Rappelons qu’en droit français une décision administrative doit être endossée par une personne ayant cette compétence, elle ne peut l’être par un collectif tel que le conseil de classe.
Mais reste quelques questions : qu’elle est la fonction administrative de l’avis du chef d’établissement ? S’il s’agit d’une « décision administrative » alors elle doit être motivée (et on peut se demander alors par quoi (au sens juridique), et d’autre part il doit y avoir un recours administratif possible (quel est-il ?). A remarquer de plus que rien n’est dit non plus dans ce décret si les élèves sont informés de ces avis, et à quel moment.
Y a-t-il un juriste au ministère qui relie les projets de décret ?
Bernard Desclaux
Article publié sur le site : http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2018/02/23/vers-de-nouvelles-procedures/
[1] L’accompagnement des collégiens http://www.education.gouv.fr/cid48653/les-dispositifs-d-accompagnement-des-collegiens.html
[2] J’ai consacré de nombreux posts à l’historique de nos procédures.
Dernière modification le jeudi, 15 mars 2018