Ainsi dès sa mise en œuvre, ce dispositif était placé en surveillance rapprochée. La série que j’ouvre va donc survoler les rapports produits à ce jour concernant Parcoursup.
Le premier rapport du CESP
Commençons donc par le premier rapport publié le 16 janvier 2019 par le Comité éthique et scientifique de Parcoursup et portant donc sur la première mise en œuvre de la plateforme et du dispositif[2]. L’introduction de ce rapport explique la création de ce Comité et son rôle selon la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE). Son rôle est également encadré juridiquement par la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), il tient compte du règlement général européen sur la protection des données, et il doit observer la participation de Parcoursup à la transformation digitale de la gestion des données. Vaste programme. On relèvera en fin d’introduction la formulation d’une protection : « Aussi les commentaires et suggestions du présent rapport doivent être resitués dans leur contexte qui est celui du système éducatif français, avec ses avantages, ses succès, mais aussi ses défaillances. Il importe de souligner avec force que la plateforme Parcoursup en tant que telle, pas plus qu’aucun autre système informatique, n’est en mesure de remédier à des défauts de conception ou des erreurs d’aiguillage relevant de choix politiques. » (p. 12)
Ce premier rapport parcours, c’est le cas de le dire… l’ensemble du processus, de l’accompagnement à l’orientation (mauvais) dans les lycées à la réussite des étudiants (en université pour l’essentiel). Quelques critiques techniques portent sur l’application informatique elle-même, mais dans l’ensemble ses résultats sont considérés comme meilleurs que ceux d’APB. Les vraies critiques portent en fait sur l’entour : la mauvaise préparation des lycéens, le mauvais fonctionnement des commissions de sélections dans les universités, le manque de places, le manque de moyens humains, etc.
Autrement dit, l’algorithme est bon, par contre c’est l’humain qui laisse à désirer.
Le deuxième rapport du CESP
Pour ce deuxième rapport[3], le CESP présente son rôle ainsi : « Placé auprès de la ministre, mais ayant toute indépendance pour mener ses travaux, le CESP intervient dans deux grands champs d’expertise : d’une part, l’algorithme national et le système qui l’accompagne ; d’autre part, les procédures mises en œuvre par les établissements dispensant des formations de l’enseignement supérieur sur le plan local. Dans les deux cas, le CESP exerce sa vigilance à la fois sur la dimension juridique de la procédure, c’est-à-dire le respect des fondements légaux et réglementaires qui s’attachent à la plate-forme numérique – un rôle rappelé dans le cadre de la loi Informatique et Libertés, modifiée par la loi du 20 juin 2018 pour tenir compte du règlement général européen sur la protection des données –, et sur la conformité de la plate-forme avec les exigences scientifiques et éthiques qui fondent sa transparence, son intelligibilité par les utilisateurs, ainsi que son respect des objectifs fixés par le législateur dans le cadre de la loi ORE. » (p. 3).
Et en conclusion de cette introduction du rapport figure cette précision : « Conformément aux choix retenus en 2018, le CESP n’a pas considéré que son mandat était de remettre en cause les choix politiques du ministère mais de vérifier si ceux-ci avaient, cette année encore, produit un dispositif satisfaisant en matière éthique et scientifique propre à rassurer nos concitoyens et à alimenter le débat sur l’encadrement des algorithmes. » (p. 5). Il faut dire qu’une bonne partie des membres du Comité avait démissionnés justement pour des raisons politiques.
On trouve dans les première pages de ce rapport une comparaison fouillée entre APB et Parcoursup, et la conclusion propose quelques pistes d’évolution de la plateforme.
Mais il n’est pas inintéressant de trouver à nouveau dans ce rapport la revendication d’une définition large de Parcoursup :
- le support informatique de la procédure nationale de préinscription dans l’enseignement supérieur instaurée par la loi ORE ;
- une procédure d’affectation, cadrée par un calendrier ;
- un processus d’orientation engagé en amont par les acteurs du système scolaire ;
- une procédure de soutien concrétisée par une aide en amont à l’orientation du candidat, avant même qu’il soit bachelier, et en aval, ainsi qu’il a été vu, à travers le « oui si ».
Le rapport s’intéresse donc à l’ensemble du dispositif Parcoursup, tant l’algorithme que l’humain, et formule des recommandations pour son amélioration. C’est ce deuxième rapport qui fut remis à la Cours des comptes pour établir le sien.
Le rapport de la Cour des comptes
Alors que les rapports du Comité éthique et scientifique de Parcoursup formulaient des recommandation, celui de la Cours des comptes[4] est plus critique. En tout cas les deux compte rendus que j’ai trouvés développent plus une présentation critique de Parcoursup.
Dans son analyse du rapport[5], François Jarraud, sur le Café pédagogique, écrit : « Le rapport que vient de publier la Cour des Comptes sur l’accès à l’enseignement supérieur montre qu’à côté d’une réussite technique, Parcoursup n’a ni réussi la démocratisation de l’enseignement supérieur, ni amélioré la réussite des étudiants et la qualité de l’orientation. La Cour n’en tire pourtant pas tous les enseignements. L’amélioration de l’orientation en lycée passe pour elle par son inscription dans les obligations professionnelles des enseignants (ORS). Elle demande à Parcoursup davantage de transparence , dont la publication des algorithmes locaux, et la création d’outils d’aide à l’orientation. Et elle assiste quasi muette à la montée de la concurrence entre les universités et de la sélection sociale qui l’accompagne. » et il précise : « La Cour adresse trois critiques graves à l’application de la loi ORE qui a bouleversé l’orientation post bac et mis en place Parcoursup. La première c’est que l’orientation au lycée est « la grande oubliée de la réforme ». La seconde c’est le manque de transparence et d’équité de la procédure d’affectation dans Parcoursup. Enfin les financements destinés à l’accompagnement des étudiants, ce qu’on appelle la réussite étudiante, ont souvent été détournés de leurs usages et ces programmes semblent avoir peu d’efficacité. »
Julien Gossa[6] sur son blog Docs en stock : dans les coulisses de la démocratie universitaire a publié une longue présentation[7], mais « Attention : ce billet ne vise pas à rendre intégralement compte des informations du rapport de la Cour, mais seule à mettre en perspective les promesses et éléments de langage du ministère avec la réalité constatée par la Cour. Ainsi, la plupart des critiques rapportées ici s’accompagnent de modérations et de propositions d’améliorations dans le rapport. De plus, certaines critiques, parfois très dures, notamment sur le système d’information, ne sont pas rapportées ici. »
Le procédé de présentation est intéressant. Il prend les déclarations de la ministre de l’enseignement supérieur, Mme Vidal, repérée par les médias, ainsi que ses déclarations sur Twitter, et les confronte aux conclusions du rapport de la Cours des Comptes… et c’est redoutable ! « Cassée » comme dirait l’autre.
Pour autant est-ce vraiment la fin du game, clôturant presque deux ans de débats ? Nous le verrons à l’occasion des prochains articles que je vous proposerai.
Bernard Desclaux
http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2021/03/30/vol-de-rapports-au-dessus-dun-parcoursup-i-ou-1/
[1] Accès à l’enseignement supérieur : premier bilan de la loi orientation et réussite des étudiants, COUR DES COMPTES 27.02.2020, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/acces-lenseignement-superieur-premier-bilan-de-la-loi-orientation-et-reussite-des (p. 5)
[2] Le rapport du CESP du 16 janvier 2019 https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Parcoursup/36/3/Rapport_du_CESP_1061363.pdf
[3] Comité éthique et scientifique de Parcoursup – rapport au Parlement, janvier 2020 https://www.vie-publique.fr/rapport/272665-rapport-comite-ethique-et-scientifique-de-parcoursup-cesp-2020
[4] COUR DES COMPTES, Accès à l’enseignement supérieur : premier bilan de la loi orientation et réussite des étudiants, le 27.02.2020 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/acces-lenseignement-superieur-premier-bilan-de-la-loi-orientation-et-reussite-des
[5] François Jarraud, Parcoursup déçoit aussi la Cour des Comptes, le vendredi 28 février 2020. http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2020/02/28022020Article637184715133613128.aspx
[6] http://blog.educpros.fr/julien-gossa/a-propos/
[7] Julien Gossa, Parcoursup : le rapport « Fin du game » de la Cour des comptes, 27 février 2020 http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/02/27/parcoursup-fin-du-game-cour-des-comptes/
Dernière modification le jeudi, 03 novembre 2022