Il rassemble des spécialistes d'horizons et disciplines différents autour de la thématique du ELearning et plus généralement du Numérique dans l'enseignement Supérieur. Cet événement unique en son genre traite de toutes les dernières évolutions des usages en matière d'E-learning. Le succès croissant de cette manifestation s'explique par sa dimension prospective sur les enjeux actuels et à venir du numérique pédagogique.
Yann BERGHEAUD, Directeur du Pôle d'Accompagnement à la Pédagogie Numérique de l'Université qui organise ces Journées apporte dans cet interview, de plus amples informations sur cet évènement.
Depuis le 1er janvier 2015, le SUEL (Service Universitaire E-Learning) de l'université Lyon 3 que tu diriges depuis 2008 a changé de nom et est devenu le PAPN - Pôle d'Accompagnement à la Pédagogie Numérique.
Comment interpréter ce changement d'appellation? Votre mission s'est-elle élargie au développement des nouvelles pratiques Pédagogiques que permet le numérique dans l'enseignement supérieur ?
Effectivement les missions de notre service sont aujourd'hui accrues par rapport à nos missions initiales. La stratégie numérique de l'Université nous a permis d'être mieux dotés en termes de ressources humaines : 3 nouveaux postes d'ingénieurs créés et fusion de deux services. Au total notre nouveau Pôle numérique comprend 15 agents pour l'essentiel spécialisés en ingénierie pédagogique. Nous sommes, à l'Université Lyon3, l'un des plus importants services de pédagogie numérique en France. Nous faisons en outre partie de la DSI de l'Université, ce qui nous permet de compter sur les équipes informatiques et audiovisuelles de l'Université. Les équipes de notre Pôle peuvent ainsi se concentrer sur nos missions fondamentales qui sont la gestion de projets (production) et la formation des usagers aux outils numériques (étudiants, enseignants et personnels administratifs). Il s'agit aujourd'hui pour nous de mettre en place une véritable approche systémique du numérique dans nos formations en utilisant tous les leviers qui sont à notre disposition.
Parmi les novateurs de l'usage des technologies numériques dans l'enseignement supérieur, l'université Lyon 3 a créé il y a dix ans les JEL, les Journées du ELearning.
Quels étaient alors les objectifs ?
Les objectifs des Journées du ELearning initialement, étaient de créer un évènement inter-disciplinaire qui nous permette de saisir globalement les enjeux du numérique pour la formation : droit, sciences de l'éducation, sciences de l'information,.... Aujourd'hui encore nous tenons à cette approche globale du numérique, cet aspect nous est parfois reproché : ne pas être assez spécialisés. Il faudrait rentrer dans les cases de la recherche universitaire mais nous en avons fait notre deuil et je crois que justement c'est ce qui plait à la fois aux auditeurs et aux conférenciers : être confronté à des praticiens du numérique et non à leurs pairs !
Les Journées du ELearning sont également un lieu de rencontres entre professionnels et novices de l'enseignement avec le numérique. Nous n'avons pas beaucoup d'autres moments dans l'année qui nous donnent la possibilité de confronter nos points de vue, d'échanges sur nos pratiques, et parfois de nouer des partenariats ou de fédérer des énergies sur des projets.
Sur le continent nord-américain il existe foison de manifestations de ce type qui traduisent une volonté d'approcher le phénomène du numérique dans son intégralité. Nous avons encore trop en France une approche sectorisée, nous regardons trop souvent le phénomène du numérique par notre propre prisme disciplinaire.
Depuis dix ans les éditions des JEL ont permis d'aborder toutes les modalités d'enseignement avec les technologies du Numérique. Cette année vous recentrez votre réflexion sur les valeurs de la République. Quel sens donner à cette nouvelle direction? L'actualité de ces dernières années voire de ces derniers mois a-t-elle influencé votre choix?
Le choix du sujet remonte déjà à plusieurs mois ; je ne crois pas que l'actualité récente soit réellement déterminante. Cette actualité nous a toutefois confortés dans le choix de la thématique. Avec Jean-Paul Moiraud, lorsque nous avons choisi ce thème, nous partions du constat que le Elearning et la formation avec le numérique étaient bien trop souvent considérés comme un simple produit de consommation. Il est vrai que l'éducation est devenue, bien malgré nous, un immense marché et c'est justement pour répondre à cet état de fait et éviter une dérive consumériste que nous devons mettre en avant les valeurs de l'éducation et du Elearning. Sinon, à quoi bon, autant remplacer tous les enseignants par des machines. Or le Elearning a deux objectifs selon la définition donnée par l'Union Européenne : améliorer la qualité de l'enseignement et la réussite des apprenants. Pour nous il est évident que le numérique doit permettre d'améliorer l'enseignement et non simplement le remplacer mais pour cela il convient de mettre en avant les valeurs qui nous guident.
Comment s'est déroulé le travail collectif que vous avez mené pour élaborer ce thème des JEL ?
C'est toujours une alchimie particulière que nous avons mis au point il y a déjà plusieurs années. Avec Gérald Delabre, qui est disparu l'été dernier, nous organisions des sessions de brain storming régulières souvent lors de déplacements pour des colloques. Je me souviens du programme de 6ème ou 7ème édition que nous avions élaboré lors d'un trajet en voiture de Lyon à Strasbourg.
Avec Jean-Paul Moiraud nous avons repris le même fonctionnement, sans cette fois-ci aller jusqu'à Strasbourg (rire).
Souvent nous listons les sujets de conférences ou les thèmes que nous voudrions voir traités. De plus, tout au long de l'année nous organisons des séminaires de retours d'usages numériques, les Matinées du Elearning, et ceci en inter-établissements sur la région lyonnaise. Ces séminaires alimentent également nos réflexions.
Vous écrivez sur votre blog "le E-Learning porte en ses gênes les principes de Liberté et d'Egalité." Peux-tu expliquer ?
Le Elearning nous donne la possibilité, en se mettant du côté de l'enseignant, d'expérimenter de nouvelles pratiques. Ceci nous permet de sortir des carcans parfois un peu frustrant de l'enseignement plus transmissif. L'enseignant retrouve une certaine liberté, la liberté d'entreprendre en pédagogie.
Toute personne, grâce à la profusion de ressources pédagogiques libres, aujourd'hui peut apprendre. Il n'est plus nécessaire de rentrer dans un dispositif formel d'apprentissage, école ou université, pour apprendre. C'est totalement révolutionnaire, nous n'avons jamais connu une telle période où nous étions aussi libres.
De la même manière nous sommes, avec les MOOC ou les autres ressources numériques, égaux face à l'accès au savoir.
Pour Hannah Arendt, que vous citez ; « l'objectif de la formation est de rendre les hommes libres. » Comment le Numérique peut-il mieux contribuer à cet objectif ?
Lorsque Hannah Arendt parle de Liberté, elle ne vise pas le libre arbitre mais la faculté de pouvoir créer et innover. Pour elle, nous ne sommes pas libres parce que nous avons la possibilité de choisir entre fromage et dessert mais parce que nous disposons des compétences pour innover, être inventif.
Le numérique nous ouvre de gigantesques perspectives pour pouvoir créer de nouveaux services, de nouvelles productions... Enseigner avec le numérique pour un enseignant cela revient à montrer le potentiel de ces technologies à ces apprenants. En cela, lorsque nous faisons du Elearning nous sommes exemplaires pour ces nouvelles générations et nous leur montrons qu'Internet ce n'est pas seulement FaceBook ou SnapChat et la possibilité de publier des selfies sur le web.
Une vision comptable du Elearning et plus généralement du numérique pédagogique fait imaginer à certains une école sans mur voire sans maître. Quelle place, quel professionnalisme nouveau pour l'enseignant ?
Sans mur et sans maître je n'y crois pas. A mon humble avis, les murs de l'école n'enferment pas l'élève à l'instar de ceux d'une prison, au contraire ils protègent l'élève du monde extérieur. Le monde numérique dans lequel rentre l'école aujourd'hui doit lui aussi comporter des murs protecteurs. Ils ne sont bien évidemment pas de même nature puisque nous sommes dans l'immatériel mais ils doivent avoir la même finalité, protéger l'élève pour qu'il puisse s'épanouir et expérimenter des pratiques sans craindre le monde extérieur.
Les maîtres seront toujours indispensables même s'ils doivent aujourd'hui bien souvent prouver leur utilité en intégrant des pratiques numériques dans leur enseignement. La figure tutélaire du maître et de l'enseignant en général est extrêmement importante. C'est un repère, un guide, pour l'apprenant. Mais le monde numérique nous oblige à réinventer les moyens d'arriver à ces objectifs, le défi auquel doivent répondre les enseignants est primordial et pas uniquement pour l'enseignement mais pour la société dans son intégralité.
Vous avez donc intitulé le thème des 10e JEL, Liberté et Egalité dans un monde Connecté. N'avez-vous pas oublié la 3e valeur de notre République, la Fraternité ? A moins que la connexion ne soit à vos yeux la forme aboutie de la Fraternité ?
Je n'arrive pas à faire de plan en trois parties (rire !)
Plus sérieusement, la notion de fraternité se retrouve effectivement instrumentée au quotidien par la culture numérique. Les communautés virtuelles, le travail collaboratif,... sont des formes contemporaines de la fraternité à l'heure du numérique.
Et finalement nous avions la volonté de nous écarter de la devise républicaine et donc d'un point de vue purement français qui pourrait passer, comme parfois, comme impérialiste. Nous pensons que le Elearning dans ses valeurs a une dimension universelle c'est pourquoi nous nous sommes limités aux deux premiers principes de notre devise républicaine.
Comment vont s'organiser ces deux journées pour étayer le thème Liberté Egalite Connecté ?
Les deux journées vont être déclinées selon 4 thèmes principaux pour les conférences plénières : la liberté d'apprendre, la liberté d'entreprendre, le numérique facteur d'égalité, l'égalité socle de la culture numérique.
Nous ferons également un focus important le premier jour sur les problématiques immobilières et mobilières : pour favoriser l'innovation avec le numérique nous devons disposer d'espace d'apprentissage adéquate.
Parallèlement nous proposons également des ateliers pendant les Journées du ELearning. Pour permettre aux auditeurs de préparer leur propre programme nous avons identifiés 4 parcours au cours de ces deux jours : innovation, pédagogie numérique, écosystème numérique et enfin plagiat
Autre nouveauté cette année vous vous installez à la Manufacture des Tabacs. Pourquoi ?
Le campus de la Manufacture des Tabacs est très proche de la Gare de la Pardieu ainsi, les non-lyonnais pourront plus facilement se rendre sur le lieu des Journées du ELearning.
L'intelligence collective telle que la promeut Pierre Levy que vous avez invité dans la conférence inaugurale est-elle selon vous une des formes abouties de l'égalité au service de l'efficience ?
Il y a effectivement cette dimension. Nous estimons que l'intelligence collective est une forme assez aboutie de l'intégration du numérique dans la formation. Elle traduit le fait que nous replaçons réellement l'apprenant au centre du dispositif de formation. Nous voulons également œuvrer, avec nos petits moyens, pour une prise de conscience de ce phénomène et une véritable reconnaissance. Je reprends ici ma casquette de juriste mais le fruit de l'intelligence collective, la création collaborative ; n'est pas ou mal reconnue par le droit. La commission européenne avait déjà déploré cet état de fait il y a plusieurs années malheureusement aucune réponse concrète n'a depuis été apportée par le législateur français ou européen. Les propositions du rapport de la parlementaire européenne Julia Reda vont un peu dans ce sens, et nous en parlerons lors des Journées du ELearning.
Venir aux JEL est ce ajouter à l'intelligence de la technologie du virtuel, le plaisir et l'humanité du présentiel ?
En quelque sorte oui ; j'aime en tout cas beaucoup votre formule. Venir aux Journées du ELearning c'est, il me semble, l'occasion de venir écouter des débats assez riches mais aussi de participer à des rencontres voulues ou fortuites. Nous tenons à ce que cet évènement ménage la possibilité de continuer les débats des plénières ou des ateliers. Pour m'essayer à une formule : c'est allier le formel à l'informel.
Entretien réalisé par Claude TRAN
Dernière modification le dimanche, 13 septembre 2015