Votre parcours est étroitement lié à l’historique de l’Espace Pasolini. Pouvez-vous y revenir et présenter les spécificités de cette structure ?
Il y a une histoire qui a précédé l’Espace Pasolini. C’est celle d’une jeune compagnie de théâtre née au début des années 1980. J’étais actrice dans cette compagnie dirigée par Philippe Asselin qui est auteur, comédien, metteur en scène. C’était une compagnie nomade et Philippe Asselin mettait en scène des textes dont ceux de Pier Paolo Pasolini (1922-1975).
On a été très rapidement soutenus par la Région du Nord-Pas-de-Calais et le Département du Nord. Et puis ce nomadisme nous a épuisés. Il y a eu le désir d’avoir un lieu de répétition et de travail où on pourrait rencontrer les gens. On a donc loué à Valenciennes un bâtiment industriel qui était en centre-ville. C’était assez incroyable avec une devanture XVIIIe, majestueuse. On y assemblait des vélos.
Après un moment de tâtonnement, l’Espace Pasolini a trouvé sa vocation par Alain Buffard. Il était venu présenter son emblématique solo Good Boy (1998), en lien avec cette terrible époque du SIDA. Il revenait après sept années d’arrêt de danse. Alain Buffard nous a dit : « C’est un lieu pour la danse. On a besoin de lieux pour que la danse se réinvente. » C’était la période de cette danse conceptuelle appelée non-danse. Les interprètes refusaient de danser de la belle danse. Ils ne voulaient pas être que des beaux corps, mais penser leurs corps.
Cette compagnie de théâtre au final a accueilli de la danse contemporaine.
Dans notre théâtre, le corps était essentiel. Les acteurs étaient très engagés physiquement. Ce rapport aux danseurs a été évident. On se sentait plus proches de ces nouveaux danseurs que des gens du théâtre.
Vous étiez tous comédiens de formation. La danse est un moyen d’expression dans lequel vous vous êtes reconnus.
On s’est tous reconnus dans ce mouvement-là qui était novateur. Il y avait un croisement entre la danse, la philosophie, le texte, les arts visuels, l’architecture. Les frontières entre les arts disparaissaient. On a décidé d’être acteurs de ce mouvement artistique. Et puis on était dans une démarche forte. A l’inauguration de l’Espace Pasolini, je me souviens que Philippe Asselin a dit : « Ici, il n’y aura pas de public mais il y aura des prénoms. Nous serons capables de poser un prénom sur chaque visage. » Dans ce lieu, il y a un état d’esprit particulier. C’est vraiment un lieu d’accueil, de travail où il y a une proximité entre les gens.
Espace Pasolini - Valenciennes © Fatma Alilate
La salle peut accueillir soixante-dix personnes et vous avez une politique active d’accueil des publics.
Nous travaillons dans le temps, en direction de tous les publics. On leur propose d’assister à des processus de travail pour qu’ils rencontrent les artistes dans les moments où ils construisent leurs projets. Et pas seulement quand le spectacle est ficelé. On les invite à des ateliers, des discussions, des expérimentations artistiques. L’idée c’est de proposer une aventure.
Quel est votre public ?
Jeune, 80 % a moins de trente ans. Il y a beaucoup d’étudiants. Nous n’avons pas un public d’institution.
D’où vient ce succès ?
Il y a le côté maison, on se sent dans un lieu à dimension humaine. Il y a le côté vivant, la qualité des relations qu’on a avec les gens. Et puis l’audace de ce qu’on présente, c’est toujours surprenant, un peu décalé. On travaille sur l’étonnement, l’émerveillement, la découverte.
C’est aussi un lieu qui s’est inscrit dans la durée, qui a pris sa place dans la ville.
Oui. Et il y a une persévérance chez nous car on a vécu dans une compagnie. On a dû se serrer les coudes, c’était compliqué au début. Il y a vraiment cet esprit : « On y va ensemble. » Il y a aussi le fait qu’on est dans une ville comme Valenciennes dont le Maire a été Jean-Louis Borloo. Il y a eu son soutien déterminant dans les années 1990. Il a voulu développer la politique culturelle qui était en berne avant lui. On a participé à ce mouvement. Le Phénix n’était pas encore ouvert. On est petit dans le volume, le budget, la jauge pour le public, mais on compte.
Vous avez développé un travail en réseau dans le cadre du Festival Next. Qu’a apporté ce partenariat à la dynamique culturelle de l’Espace Pasolini et au territoire ?
Next est né en 2008. L’Espace Pasolini, La Rose des vents, les Théâtres de Courtrai et la Maison de la Culture de Tournai ont décidé d’arrêter leurs festivals respectifs pour créer Next. L’idée était de proposer un festival des arts vivants contemporains au Nord de l’Europe. Nous voulions réunir nos territoires, nos diversités et missions pour construire un lien transfrontalier. Le Phénix est arrivé après. On a réuni nos compétences, nos carnets d’adresses, nos passions pour ce projet. Pour les équipes, c’est dynamisant avec des possibilités de développement enrichissantes. Pour les artistes, c’est une visibilité plus importante. Cette mutualisation de nos compétences est un atout pour ce territoire qui va de la France, la Wallonie et la Flandre.
Propos recueillis par Fatma Alilate
Espace Pasolini – Laboratoire artistique
2 Rue Salle le Comte - 59300 Valenciennes
Tél. : 03 27 32 23 00
Dernière modification le vendredi, 24 novembre 2023