Tout un symbole ! Et c’est bien un nuage - de tags - qui nous accueille à l’entrée de ce nouveau département ministériel, dont la genèse reflète parfaitement l’état d’esprit qui y règne. Elaborée par les collaborateurs, tous réunis en séminaire en juin dernier, cette carte de mots-clefs traduit les idées fortes qui animent l’équipe et symbolise à l’évidence autant le fruit que la méthode de management de cette direction crée en mars 2014.
Travaux pratiques de démarche de projet où chacun, à quelque niveau qu’il soit, partage et participe à la co-construction de cette culture collective nécessaire à la bonne réussite du projet ? Un mode de management qui permet pour le moins à l’évidence que chacun, ancien ou nouveau, chef de département ou simple collaborateur puisse mieux appréhender les contours du projet et mesurer comment il peut y contribuer.
Les maîtres-mots de créativité, innovation, collaboration, participation, dialogue, esprit d’équipequi jaillissent parmi les tags s’articulent bien avec ceux de l’école : solidarité, respect, bienveillance, confiance, et service public et en cela traduisent parfaitement ce qui se trame ici : faciliter l’essaimage, le maillage de réseaux …
Des mots nouveaux dans cette institution dont la structure pyramidale et hiérarchisée héritée d’une culture jacobine et plutôt standardisée se heurte aujourd’hui à l’émergence d’un nouveau paradigme porté par les technologies du Web. La transversalité des usages a remplacé la verticalité et avec elle s’impose la culture du partage et du décloisonnement.
Qualifiée de mammouth par un ancien ministre pour symboliser les difficultés à le faire évoluer, l’Education Nationale ressemble à un immense navire, certes porteur d’espoir, mais dont les manœuvres de barre ne peuvent avoir d’effet sur sa trajectoire qu’avec du temps, beaucoup de temps … Or la transformation de la société, avec l’irruption des technologies du numérique, est aujourd’hui très rapide.
C’est donc ici que se pense et s’élabore ce que peut être l’école d’aujourd’hui et de demain dans un ministère qui semble avoir bien compris que le top down n’est plus la seule solution à sa nécessaire évolution. Le chantier est considérable et le temps est compté.
Comme le proclame Luc Dall’Armellina dans son manifeste « ce pas qui nous élève » :
"Du top down au bottom-up ! Vite ! Le temps presse ! Les anciennes institutions peuvent encore prendre part aux mutations en cours et réinventer leur rôle, en s’appuyant, relayant, accompagnant les heureuses initiatives de leurs bases, en cherchant comment les fédérer sans les étouffer. Il y a urgence, les initiatives créatives ne manquent pas."
Catherine BECCHETTI-BIZOT, normalienne, agrégée de lettres classique, est docteur es Lettres et le sujet de sa thèse (sémiologie du texte et de l’image) l’a amenée avec l’équipe de recherche du CEEI, a des recherches sur l’histoire de l’écriture et de ses supports : de la tablette d’argile à l’écran numérique ; écriture, lecture et médias numérisés.
Elle connait bien également le Ministère de l’éducation nationale car après avoir été enseignante puis chercheur, elle devient à 37 ans conseillère au cabinet du Ministre chargée en particulier des relations internationales et de la coopération scientifique et universitaire et des bibliothèques.
Catherine BECCHETTI-BIZOT est nommée en 2000, Inspecteur Général de l’Education Nationale. Dans ce cadre, elle assure en particulier la coordination et le suivi, pour les Lettres, des développements du numérique et participe à la rédaction de nombreux rapports de l’IG notamment : « L’éducation aux médias, enjeux, état des lieux, perspectives » ; « Le manuel scolaire à l’heure du numérique », « Le recours à l’expérimentation par les établissements autorisé par l’article 34 de la loi du 23 avril 2005 » Elle a conçu et coordonné dès 2010 le Rendez-vous des Lettres, manifestation annuelle consacrée aux métamorphoses du livre, de la lecture, de l’écriture à l’heure du numérique, en relation avec de nombreux partenaires culturels, éditeurs et universitaires spécialistes de culture numérique (Bibliothèque nationale de France, Paris IV-Celsa, UTC Compiègne, Paris 8, Toulouse-Le Mirail, etc.)
Elle est chargée par Vincent Peillon en juin 2013 de la Mission de préfiguration de la Direction du numérique pour l’éducation. Dans cette première partie de l’entretien Catherine BECCHETTI-BIZOT développe les trois axes principaux de la stratégie numérique du Ministère de l’Education Nationale. Dans les suivantes elle abordera le projet Collèges connectés, la gouvernance partagée, la formation des personnels, l’apprentissage du code, l’innovation …
Comment « changer radicalement nos manières d’apprendre et d’enseigner, d’accéder aux savoirs, par une démarche de co-construction de ces savoirs, de mise en commun de nos productions, impliquant l’acquisition de compétences nouvelles par les élèves et par les enseignants » ?
Trois ministres se sont succédés rue de Grenelle depuis le 16 mai 201. Or la mise en œuvre d’une stratégie nationale pour faire entrer l’école dans l’ère du numérique nécessite un temps long et de la continuité. La création de la DNE s’inscrit-elle dans cette volonté ?
En quoi la réorganisation de la Centrale était-elle essentielle pour faire entrer l’école dans l’ère du numérique ?
Pour Catherine BECCHETTI-BIZOT le numérique est « un levier de transformation du système éducatif … un levier d’innovation pour la pédagogie et l’organisation de l’école ».
Il s’agit de « répondre aux besoins nouveaux d’une école transformée par un écosystème culturel et technique qui est celui du numérique ».
Pourquoi cette direction comporte-t-elle deux grands services qui en apparence ne semblent pas liées : un service plus pédagogique, celui du développement du service public du numérique éducatif et un autre en charge du pilotage et de la mise en œuvre des systèmes d’information et de communication ?
Dans son interview télévisée, le 14 juillet dernier le Président de la République souhaitant que la France soit exemplaire sur le numérique à l’école, annonçait un grand plan numérique pour l’école de la République. Applicable « dans toutes ses dimensions à la rentrée 2016 » ce plan qui doit associer l’Etat, les collectivités territoriales, la filière industrielle.. concerne tout autant la formation, les contenus, le THD …
Comment la DNE s’y prépare-t-elle ? Comment sont définis les axes de la stratégie de la Direction ?
Ce sont trois chantiers prioritaires :
1- Accélérer la production de ressources éducatives, pédagogiques numériques. C’est la mission du département du développement et de la diffusion des ressources numériques qui pourra intervenir par un soutien « à la transition numérique des éditeurs » et de façon plus générale « à la filière du numérique éducatif. »
2- Déployer les usages dans les classes.
Pour accélérer ce processus il faut renforcer la formation mais « le plus important c’est d’être au plus près de l’innovation pédagogique dans les établissements scolaires ». C’est la mission du département du développement des usages et de la valorisation des pratiques. « On part du terrain et on valorise ce qui s’y fait, on partage et l’essaimage se fait au fil des années »
3- Développer la culture numérique.
C’est la place de l’éducation aux médias et à l’information « augmentée » par le numérique prévue par la loi. Il s’agit en particulier « d’apprendre aux élèves à travailler et à étudier avec le numérique » et de « développer les compétences de littératie numérique ».
Dans le projet du Socle sont également prévus « une initiation au langage de programmation » et un enseignement « plus spécifique des sciences informatiques au collège ».
Dans la deuxième partie de l’entretien qui sera publié, Catherine BECCHETTI-BIZOT explique en quoi le projet « collèges connectés » constitue un maillon essentiel de la stratégie ministérielle et comment se met en œuvre la gouvernance partagée avec les collectivités territoriales, prévue par la loi de juillet 2013.
Dernière modification le jeudi, 16 octobre 2014