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Bienvenue dans la matinale Buissonnière, où nous avons le plaisir d'accueillir Éric Debarbieux. Éric est un éducateur, instituteur, et professeur émérite récemment retraité. Auteur de plusieurs ouvrages, il s'est particulièrement intéressé à la violence à l'école. Il a également été délégué ministériel auprès de plusieurs ministres.

Éric Debarbieux précise qu'il a été délégué ministériel auprès de trois ministres de gauche : Vincent Peillon, Benoît Hamon, et Najat Vallaud-Belkacem. Cependant, il a également collaboré avec Luc Châtel, ministre de droite, pour organiser les états généraux de la sécurité à l'école et les assises nationales contre le harcèlement scolaire.

Son engagement ? Éric explique que sa passion pour la non-violence et son engagement contre la violence à l'école viennent de ses expériences en tant qu'éducateur spécialisé et instituteur. Originaire du Nord, il a travaillé avec des jeunes délinquants et rencontré des situations de violence dès ses débuts.

Enquêtes et perspectives historiques

Éric a mené des enquêtes de victimisation auprès de plus de 20 000 élèves, offrant une vision objective de la violence scolaire. Il souligne que ce phénomène existe depuis des siècles, remontant aux cités grecques et latines. Il évoque Orbillus, un personnage historique surnommé "le fouettard", et l'évolution de la violence dans les institutions scolaires jusqu'au XXe siècle.

Éric aborde la figure du maître d'école, autrefois perçue comme le représentant du père de famille, et la transmission de l'autorité patriarcale. Il analyse le rôle du châtiment corporel dans l'éducation, une pratique qui persiste dans certaines régions du monde et pourrait resurgir dans certains contextes politiques.

Avant les années 60, le châtiment corporel était largement accepté. Éric partage des témoignages d'enseignants des années 60 et 70, ainsi que des enquêtes montrant la prévalence de cette pratique dans les écoles primaires jusqu'au début des années 80.

Le châtiment corporel était autrefois une pratique largement acceptée dans les écoles, considérée comme une norme sociale. Les élèves de cette époque n'auraient jamais pensé à se plaindre auprès de leurs parents, car cette violence faisait partie des mœurs de l'époque.

Évolution de la perception de la violence scolaire

Aujourd'hui, bien que l'on dise souvent que l'école est devenue violente, les enquêtes de victimisation menées depuis des années montrent que la majorité des élèves se sentent bien dans leur établissement scolaire. Environ 90 % des élèves, tant en primaire qu'en secondaire, déclarent être satisfaits de leur expérience scolaire. Cependant, il reste une minorité de 10 % qui subit des micro-violences ou du harcèlement, avec des conséquences parfois graves comme la dépression, l'échec scolaire ou, dans des cas extrêmes, des tentatives de suicide.

Les micro-violences, telles que les bagarres, les bousculades ou les insultes, sont souvent banalisées. Cependant, lorsqu'elles se concentrent sur les mêmes individus, elles peuvent évoluer en harcèlement avec des impacts dramatiques. Les campagnes médiatiques mettent parfois en lumière ces cas extrêmes, mais il est essentiel de ne pas généraliser ni minimiser ces phénomènes.

Approche politique et médiatique

 Les politiques publiques ont souvent réagi aux faits exceptionnels en mettant en place des mesures spectaculaires, comme des détecteurs de métaux ou des fouilles de cartables. Cependant, les chiffres montrent que la majorité des violences scolaires sont commises par des élèves eux-mêmes, et non par des intrus. Ces approches sécuritaires sont donc inefficaces et peuvent même avoir des effets pervers.

Autorité et pédagogie: L'autorité dans les écoles ne peut être restaurée que par des équipes pédagogiques soudées et un projet commun. Elle ne repose pas sur le charisme individuel, mais sur une construction collective et une idéologie partagée.

La violence scolaire, bien qu'elle ait évolué, reste un sujet complexe nécessitant une approche équilibrée.

Ni exagération, ni négation : il est crucial de mettre en lumière les phénomènes. On ne me parle presque que des conflits entre adultes. Entre adultes, alors... On va bien sûr penser aux conflits enseignants-parents par exemple, mais entre adultes professionnels dans les établissements. Donc là c'est un premier problème.

Le deuxième problème, qui est largement au-delà de l'école qui résiste plus ou moins bien à cette chose-là, plutôt mieux qu'ailleurs, mais quand même pas si bien que ça, c’est toute la fragmentation par rapport justement à la manière dont on voit l'autre. L'immigré, les différentes acceptations du terme LGBTQ +, etc. et toute cette transphobie-là, l'islamophobie, faut bien le dire aussi, comme d'ailleurs l'antisémitisme, ce sont des problèmes qui traversent maintenant totalement l'école et bien entendu ont des impacts dans les cours de la création.

Que voulez-vous, sur les réseaux sociaux, sur des émissions grand public, dans des repas de famille même, ou dans les transports, peu importe, partout, on trouve un message de rejet de l'autre, comment voulez-vous qu’il n’y ait pas un impact ? L'enfant apprend aussi par imitation, y compris l'imitation des adultes. Et là, nous, les adultes, parlons de décivilisation, d'ensauvagement de la jeunesse, mais enfin, regardons-nous dans un miroir. Bien sûr.

Est-ce que vous êtes, Eric Debarbieux, optimiste pour les années qui viennent ?

Combattif. Je crois qu'il faut l'être. Oui. Si vous voulez, je termine ce livre. Je cite Sisyphe, qui pousse sa pierre, et puis elle retombe.

 Mon premier travail...

C'était mon travail qui était le mémoire pour obtenir la sortie d'aptitude à l'enfance inadaptée en 1982 à Grenoble et je l'avais déjà fait sur autorité et violence dans l'école française. Donc vous voyez, ça fait quand même maintenant 44 ans, 45 ans que j'essaye de faire avancer un peu le chemin public sur les questions de violence à l'école, de mettre un petit peu de raison devant le débat. Je continue un petit peu, mais attention, je suis à la retraite !

Place aux jeunes aussi, si ma voix peut porter à ce moment-là, je la donne, mais si vous voulez, c'est vraiment aussi dans un combat intergénérationnel, dans un combat collectif qu'on peut y arriver. Évidemment que c'est difficile, évidemment qu'on ne pas être positif et qu'on ne pas être optimiste quand on voit la montée du masculinisme sur le plan mondial, quand on voit la montée des dictatures sur le plan mondial, quand on voit les dangers effectifs.

Mais je dirais raison de plus pour être combatif. Pessimiste, oui, peut-être combatif encore plus. Je rappelle le titre de votre dernier ouvrage, Zéro pointé, une histoire politique de la violence à l'école parue aux éditions Les liens qui libèrent. Merci beaucoup Eric Debarbieux !

Patrick Figeac 

Figeac Patrick

Proviseur honoraire, bénévole à https://radiobastides.fr/ en Lot-et-Garonne, président d’une association intermédiaire par l’activité économique, auteur. Pour retrouver les chroniques et autres actualités : https://radiobastides.fr/