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Louis Derrac anime lors du salon Educatech un grand débat qui propose de confronter des imaginaires. Le jeudi 1er décembre à 15h 15 en conférence plénière : Métavers ou" low tech" : que disent nos imaginaires numériques de la place de l’École dans la société ?

Inteview de Louis Dupain, Directeur des opérations - IMMERSIVE LEARNING LAB, en amont de la rencontre. "Quel est votre imaginaire de l’École en 2050, quels acteurs, quelles pédagogies et quelles technologies s’y imbriquent et dans quel objectif ?"

L’école, notre école française est une promesse d’émancipation, de savoir commun, et d’expérimentation. Elle permet aux nouvelles générations de se découvrir et de se construire. Cette mission est valable en tout temps, mais ces méthodes peuvent et doivent évoluer, afin de toujours préparer au mieux les élèves au monde qui les attend.

En ce sens, notre école doit sensibiliser les plus jeunes aux enjeux technologiques et leurs permettre de se les approprier.

Elle doit sensibiliser les plus jeunes aux enjeux de sociétés, aux crises présentes et à venir. Elle doit les préparer à gérer un monde en nécessaire décroissance. Mais décroissance ne veut pas dire tout arrêter, ça commence par dire faire mieux avec moins.


Les pédagogies qui seront celles de 2050 sont pour moi inimaginables, car je ne sais imaginer à quoi ressemblera notre monde à cette date. Je sais seulement deux choses, il y aura des enseignants et des élèves, et ils utiliseront des méthodes pédagogiques qui appelleront des outils pour faciliter la présentation, l’appropriation et la restitution des connaissances. Ces outils seront peut-être le métavers parfait, ils seront peut-être 100 % Low -Tech, ou très probablement un mix des deux. En ce sens nous devons nous préparer collectivement, nous devons réfléchir à ce que nous voulons pour nous même et les générations futures et devons préparer les mesures qui s’imposeront afin de garantir l’indépendance de notre école.


Quelle est pour vous la place de l’école dans la société ? Quelle est sa mission ? Commentdoit-elle évoluer dans les prochaines décennies, et quel rôle y joue le numérique ?

L’Ecole est une des expression de la République dans les territoires.

En ce sens, on y retrouve les valeurs et missions de notre société : Protéger les plus fragiles (terme préférable à l’égalité des chances), permettre à chaque apprenant d’expérimenter, de construire et de renforcer sa place dans la société (construction de sa citoyenneté), outiller chaque individu dans ses stratégies d’apprentissage et dans sa capacité à se réaliser (émancipation).


Au regard de ce triptyque énoncé (l’individu, le savoir, le collectif) le numérique joue un rôle différent.

Le numérique a mis en lumière des compétences très spécifiques (la coédition, la curation, l’éditorialisation, la sérendipité, ...), mais aussi donné un nouveau cadre d’expression de compétences essentielles (la collaboration, la modélisation et la prédiction [le codage], la création de contenus, le détournement et la réappropriation...).

Dans le champ des savoirs, le numérique est souvent associé à la bibliothèque universelle (avec le
fameux apprendre — désapprendre - réapprendre). En parallèle, il se développe des pratiques spécifiques (vérifier les sources, remixer les contenus, éditorialiser des contenus...).
Au niveau collectif les outils numériques ont démultiplié et varié les situations de collaboration via des
outils prédestinés (wiki, pad...) ou en détournant des outils populaires (minecraft, youtube, twitter, ...).

En ce sens, on ne parle pas de numérique, mais d’accélérateur de pratiques d’apprentissage et de collaboration.

Tous ces outils n’étant pas pensés initialement dans une stratégie de transmission, cela renforce la posture de l’éducateur à s’appuyer sur les situations et outils du quotidien et les détourner au sein de la classe.
Finalement rien de nouveau, hormis la formidable vitesse de diffusion des pratiques numériques et d’une diversité d’imaginaires dans la société.

Comment opposez-vous (ou pas) low Tech et métavers ? Comment définissez-vous ces deux termes, et comment les appréhendez-vous au regard des missions de l’École ?

D’abord, définissons Métavers puisque tout le monde en parle, mais trop peu d’acteurs de la filière française des technologies immersives en situation de transmission sont aujourd’hui présents à Educatech.

Je représente une structure qui fédère plus de 150 acteurs et crée les conditions d’émancipation de cette filière professionnelle. Je me permets donc de vous livrer la définition stabilisée par ces professionnels afin de vous éloigner de tout discours médiatique sans fondement.

Le métavers c’est internet en 3D et immersif.

En clair c’est un réseau unique spatialisé permettant l’accès à différents espaces et services. Ce réseau doit présenter plusieurs caractéristiques, persistance, interconnexion réelle et virtuelle, spatialité. Ceci n’existe pas aujourd’hui et reste un horizon d’attente.

Il existe une autre définition qui est très marketing, le métavers c’est toutes les applications collaboratives, en ligne, ou utilisant les technologies liées au web 3 (crypto, NFT, Blockchain, ...)

En un sens la notion de Métavers n’est qu’une locomotive médiatique qui n’a ni pilote ni horizon.

Toutefois, cela permet d’éclairer toute une variété de technologies immersives qui elles, existent et sont utilisées depuis longtemps (formation des pilotes d’avion par exemple). Ces technologies immersives permettent notamment la découverte et l’expérimentation, y compris la mise en danger, dans un cadre sécurisé.


Il s’agit maintenant de définir le lien qui peut unir les technologies immersives et l’école.

De notre point de vue, et loin de tout fantasme porté par les industries du loisir et du divertissement, les technologies immersives ont une haute valeur éducative en dose homéopathique.

De même qu’aujourd’hui aucun enseignant ne passe ses journées avec sa classe devant un écran, il n’y aura pas plus d’interventions avec les technologies immersives, toutefois, les situations que permettent les contenus immersifs, offrent à chaque apprenant une situation éducative nouvelle, engageant son corps et le mouvement dans les apprentissages, offrant une qualité d’immersion dans les contenus inégalés à ce jour.

Cela induit automatiquement deux corrélations :

Les contenus doivent être d’excellente facture (risque de distanciation avec l’acte éducatif...)

La communauté éducative doit prendre le temps et avoir les conditions de l’appropriation des contenus et nouvelles pratiques (création de nouveaux espaces et modalités de formation, création de nouveaux métiers et de nouvelles pratiques de curation).


Ces technologies s’appuyant sur des équipements individuels, imposent, plus que jamais les stratégies de coopération et de mutualisation sur un territoire ne participent à la trajectoire de réduction de l’impact carbone.

L’idée de créer des lieux d’accès publics à internet au milieu des années 1990 et d’y amener les publics est aujourd’hui supplantée par des équipements personnels qui vont naviguer entre les publics et les structures.

L’avenir est par nécessité LowTech, et les high tech peuvent sembler tout à fait antinomiques de cette approche. Cependant on peut y appliquer une mentalité LowTech, faire peu, faire réparable, produire utile, réutiliser. Il faut quand on recourt à ces technologies s’assurer de l’utilité de la démarche et de son impact positif.

En ce sens les utiliser dans des contextes éducatifs est un des usages les plus nobles que l’on puisse imaginer. Une immersivité raisonnée apporte des gains significatifs en termes d’implication, de mémorisation et donc de capacité à choisir son avenir et à influer sur le cours des choses.

Dernière modification le mardi, 29 novembre 2022
An@é

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