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Le Muz est un musée des œuvres d’enfants sur Internet.
Il a pour ambition de répertorier, conserver, valoriser et rendre accessibles leurs œuvres à tous. Plus qu’un simple lieu d’exposition, le Muz veut également être une plateforme qui favorise les échanges et l’organisation de projets interculturels. 
Nous vous invitons à lire cet entretien de Grégoire Solotareff avec Anne Josse à l’occasion de la présentation des œuvres de jeunesse de ses parrains dans un espace dédié à l’enfance de l’Art
 
Grégoire Solotareff inaugure cet espace en exposant 18 dessins d’enfance.
 

Pouvez-nous nous décrire l’auteur de ces dessins ?

G.S. : Un petit garçon heureux, entouré de ses frères et sœurs. A l’époque je vis à Beyrouth au Liban. J’y suis arrivé à l’âge de trois ans, après trois années passées en Egypte où je suis né. Ce n’est qu’à l’âge de huit ans que je découvre véritablement la France. Mon père est médecin. Ma mère est peintre. Chez nous, très tôt, les enfants sont invités à créer. Ma mère ne nous donne aucune directive. Sa seule présence nous inspire et avec elle nous découvrons le plaisir de dessiner, ensemble, tout simplement.

bulletpoint 9f90-06bbeJe suppose que c’est grâce à elle que nous avons aujourd’hui le plaisir de découvrir quelques-uns de vos dessins !

G.S. : Ma mère va en effet avoir le réflexe de conserver des productions de chacun d’entre nous dans des cartons distincts. Quatre cartons qui reflètent des univers très différents, car jamais ma mère ne nous a donné de directive. Ce qui me frappe par exemple quand je regarde mes dessins, c’est leur dimension humoristique déjà très présente. Je suis convaincu que l’on garde toujours en soi le même caractère.

bulletpoint 9f90-06bbePourtant, vous avez d’abord choisi une voie qui n’a rien de drôle...

G.S. : En suivant des études de médecine, comme mon père. Mais après cinq ans d’exercice, je dois me rendre à l’évidence : mon métier ne m’intéresse pas. Il faut que je retrouve ce plaisir et ce combat que j’ai abandonné : celui qui consiste à représenter les choses.

bulletpoint 9f90-06bbeQu’entendez-vous par « représenter les choses » ?

G.S. : Un retour en arrière s’impose. Jusqu’à mes dix ans à peu près je n’ai cessé de dessiner. Avec boulimie et bonheur. Sans complexe. Toutes les conditions étaient réunies pour créer : la présence de ma mère, les séances de dessin en famille, une grande liberté. Mais à 10 ans, je me suis complètement détaché de cela. Je suis devenu très critique envers moi. Je ne parvenais pas à représenter ce que je voulais. Je suis donc passé de la phase de création à celle de contemplation. Et plus j’admirais les œuvres des maîtres, moins je me sentais en droit de dessiner car je trouvais ce que je faisais trop éloigné de ce que j’imaginais pouvoir faire. Mis en situation d’échec par rapport à mes ambitions, j’ai choisi de ne plus dessiner du tout. Beaucoup d’enfants abandonnent le dessin à cette période de leur vie. Il me semble que cela vient du fait que leur rapport au dessin change. Ce qui les intéresse alors, c’est de reproduire ce qu’ils voient. Ceux qui ont conscience que le dessin est un espace de liberté, et non au contraire un espace de contraintes, persévèrent. Les autres se découragent et sont tentés d’abandonner. J’ai toujours été encouragé par mes parents mais je ne les écoutais pas. J’ai donc abandonné et repris le combat à l’âge de trente ans, dans la continuité d’un élan créatif impulsé très tôt, mis entre parenthèses pendant vingt ans, et ravivé avec la naissance de mon fils, encouragé une nouvelle fois - mais cette fois j’étais prêt - par Alain Le Saux.

bulletpoint 9f90-06bbeQue vous inspirent vos dessins d’enfant ?

G.S. : En conservant nos dessins, ma mère nous a fait un cadeau précieux. Mon carton contient une centaine de dessins. Quand je les vois, je suis un peu jaloux. J’aimerais retrouver cette spontanéité qui consiste à ne pas s’embarrasser des difficultés mais à les contourner par l’imagination. C’est un des ressorts de la créativité. Et puis, en grandissant, nous avons tendance à nous laisser envahir par notre environnement culturel au détriment de notre univers personnel. C’est le travail de l’artiste que de renouer avec cet univers et de le révéler.

bulletpoint 9f90-06bbeC’est pour cela que vous exposez vos dessins d’enfant sur le Muz ?

G.S. : C’est d’abord parce que vous me l’avez demandé ! Parmi les dessins exposés, il y en a un qui en dit beaucoup sur mon état d’esprit d’enfant créateur. Le dessin de l’ours est certainement inspiré d’une photographie. D’ailleurs je l’assume complètement en indiquant mes sources (la vie des animaux) et même la page, semble-t-il. Je me revois la copier. Copier n’est pas nécessairement imiter. La distinction est importante. Copier permet d’essayer de comprendre comment ça fonctionne. De comprendre surtout pourquoi telle ou telle image nous plaît. On copie rarement ce que nous n’aimons pas ! Moi, par exemple, j’ai tout de suite aimé dessiner les animaux. Cela n’a rien à voir avec l’imitation qui consiste à calquer, à reproduire. Je voudrais décomplexer les enfants qui copient. Je les encourage même à le faire car de cette manière, ils découvriront leur univers personnel et se mettront en confiance sur le chemin de la création.

Pour découvrir les dessins d’enfance de Grégoire Solotareff

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