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Le projet « DiscriminaStop »
Cet article a été publié sur Citoyens de demain. Accès à l’article. Témoignage de Joëlle Gerber, coordinatrice au Conseil municipal des enfants de Schiltigheim
 
La commission « Respect de l’autre » 2007-2010 du Conseil municipal des enfants de Schiltigheim a mis en place une série d’émissions de télévision pour sensibiliser le plus largement possible aux problèmes de discrimination et de racisme.
 
Pouvez-vous présenter le Conseil municipal des enfants de Schiltigheim ?
 
Le Conseil municipal des enfants de Schiltigheim est composé de 39 enfants de 9 à 12 ans. Les conseillers enfants se réunissent par commissions thématiques qu’ils définissent en début de mandat. Le projet d’émissions télévisées a été mené par la commission « Respect de l’autre » composé de 7 enfants.
 
Comment est née l’envie chez les enfants de porter un projet de sensibilisation aux discriminations ?
 
Les enfants de la commission « Respect de l’autre » étaient au départ intéressés par plusieurs thématiques : le respect des différences et la pauvreté. Leur objectif était d’avoir un véritable impact, c’est pour cela qu’ils ont choisi de mener une action contre les discriminations.
 
La question des discriminations est une question au centre de notre société, dans leur univers comme dans celui des adultes. A Schiltigheim comme ailleurs, la discrimination est une vraie problématique qui se pose et contre laquelle les enfants souhaitent spontanément se mobiliser. L’évolution des consciences est un véritable besoin. C’est ce que les conseillers enfants défendent dans ce projet.
Selon les enfants, la discrimination crée d’énormes conflits, cela conduit des personnes à ne considérer les différences que négativement, alors qu’au fond nous sommes tous égaux. Les enfants ont voulu montrer les impacts négatifs des discriminations.
 
Pour porter le plus largement possible cette voix contre les discriminations, les enfants ont décidé de parler publiquement du problème des discriminations, au travers d’une série d’émissions de télévision.
 
Comment ce projet a-t-il été mis en place ?
 
Les enfants ont travaillé autour de la méthode de projet en suivant les différentes étapes leur permettant d’atteindre leur objectif. Ils se sont impliqués dans chacune d’entre elles (à l’exception du montage).
 
Les enfants ont commencé par mener une réflexion de fond, durant plusieurs mois, afin de comprendre les mécanismes de la discrimination. Cette réflexion a permis au projet de prendre réellement du sens pour les enfants. Ils ont ensuite pu réfléchir aux moyens de lutter contre les discriminations. L’association ALDA (Association de lutte contre les discriminations en Alsace) et l’adjointe au Maire en charge du Handicap, Mme Wahl ont fortement aidé les enfants dans cette phase de réflexion.
 
L’idée de réaliser une série d’émissions de télévision autour de ces sujets est née de la volonté de porter le plus largement possible leurs messages. Deux émissions ont été réalisées durant le mandat des enfants de la commission « Respect de l’autre » 2007-2010 du Conseil municipal des enfants de Schiltigheim : la 1ère émission (fin 2009), porte sur le racisme en partenariat avec France 3 Alsace et la 2ème émission (fin 2010), porte sur les discriminations envers les personnes handicapées en partenariat avec Canal 26, la chaine de télévision locale de Schiltigheim, dans le cadre de la Charte « Ville Handicap » de la ville.
 
Au départ, les enfants voulaient parler de quatre sortes de discriminations qu’ils jugeaient les plus urgentes : le racisme, la discrimination envers les personnes handicapées, la discrimination envers les jeunes et les discriminations au quotidien. Le manque de temps ne leur a pas permis de réaliser les deux dernières émissions, ils ont ainsi choisi de traiter les deux thématiques qui leur semblaient les plus importantes : le racisme et la discrimination envers les personnes handicapées.
 
Les enfants ont défini les conducteurs des émissions pour les structurer. Les enfants ont interviewé des personnes durant ces émissions. Pour cela ils ont pris contact et pris rendez-vous avec eux, puis ils ont préparé les interviews et enfin ils les ont réalisé. Ils ont écrit les commentaires de leurs émissions et ont enregistrés les voix off. Ils ont également préparé les tournages, extérieurs et en plateau.
 
Seul le montage n’a pas été pris en charge par les enfants, bien qu’ils aient réalisé l’enregistrement des voix off, des commentaires et des annonces.
Pour la diffusion de leurs émissions, les enfants ont pris contact avec des chaines de télévision.
 
La 1ère émission, portant sur le racisme, a été préparée avec France 3 Alsace. La chaine avait envie de faire une émission de qualité avec les enfants, ils se sont donc fortement impliqués. Les enfants ont pu visiter les locaux de la chaine et surtout discuter et travailler avec les journalistes autour du conducteur de l’émission.
 
La 2ème émission, portant sur la discrimination envers les personnes handicapées, a été préparée avec Canal 26, la chaine de télévision locale de Schiltigheim. Les enfants ont travaillé avec le reporter pour préparer les interviews, les annonces et les commentaires mais aussi pour le tournage. Malgré le contexte différent de cette deuxième émission, les enfants n’ont pas renoncé pour autant à la qualité et l’exigence professionnelle.
 
Comment les enfants se sont-ils impliqués ?
 
L’implication des enfants a été très forte, notamment en termes de disponibilités. Ils ont été présents à chacune des phases du projet, travaillant en petits groupes pour faire plusieurs choses en même temps. L’ensemble des choix a été fait par eux, ils se sont ainsi trouvés confrontés à des questions techniques comme à des questions journalistiques.
 
Les enfants se sont impliqués jusque dans la prise de contact avec France 3 Alsace, pour leur demander de diffuser l’une de leur émission… Alors mêmes que les adultes les encadrant n’y croyaient pas. Leur volonté leur a permis de faire l’émission sur le racisme en direct sur France 3 Alsace.
 
Quelle a été la portée de ces émissions télévisées ? Avez-vous pu identifier des impacts ?
 
Il reste difficile de savoir sur un sujet de ce type l’impact que notre projet a pu avoir, ce n’est pas quelque chose de vraiment visible. Nous avons cependant quelques indicateurs de la portée de ces émissions télévisées.
 
Ces émissions télévisées ont été diffusées sur France 3 Alsace (site internet de la chaîne et reportage sur le projet des conseillers diffusé lors d’un JT) et sur Canal 26, la chaine de télévision locale de Schiltigheim. Ces émissions ont donc été regardées par un certain nombre de personnes via ces chaines. Les émissions ont ensuite été publiées en ligne sur le site de France 3 Alsace et sur Canal 26 via le site de la ville de Schiltigheim. D’autres personnes ont ainsi pu découvrir les émissions.
 
Le projet « DiscriminaStop » a été nominé, dans la catégorie « Commune moyenne » au Grand Prix Anacej des jeunes citoyens, ce qui a été pour les enfants, une vraie reconnaissance de leur travail.
 
Une copie des émissions télévisées est aujourd’hui utilisée à des fins pédagogiques dans des établissements (notamment au collège). Ces émissions sont aujourd’hui envisagées comme des ressources, ce qui est une preuve que le travail des enfants est d’une vraie qualité.
 
Ce projet a permis de prouver que la parole des enfants a vraiment sa place. Il a également permis de montrer que les discriminations sont un sujet de préoccupation pour les enfants et qu’ils ont des ressources inépuisables quand ils veulent se mobiliser. Ce projet est porteur d’espoir : il montre que les jeunes ont envie de se battre et de défendre certaines valeurs. C’est une manière de montrer que la mobilisation se poursuit face à des difficultés trop profondément ancrées. L’espoir est ainsi entretenu : on peut encore agir ! Ce projet donne à réfléchir à ceux qui ont perdu l’espoir du changement.
 
Ce projet et l’implication des enfants a été, pour certains adultes participant au projet, source de réflexion et de remise en cause sur leur propre engagement.
 
Ces enfants sont un exemple pour d’autres enfants. Ils ont réussi à se faire accepter en tant qu’individu dans un groupe et en tant qu’enfants auprès des adultes. Ils ont su se faire entendre, ce qui est un bel exemple de maturité.
 
Qu’est-ce que ce projet a apporté aux enfants ?
 
Ce projet a permis aux enfants de développer de nombreux savoir-faire et savoir-être. Ils ont appris à s’impliquer très fortement dans quelque chose qui leur tenait à cœur, tout en respectant une exigence quasi-professionnelle. Cette expérience fut pour eux un véritable don de soi.
 
En plus d’avoir fortement appris sur le sujet des discriminations et des différences, les enfants ont également appris à travailler ensemble. Malgré certaines mésententes personnelles entre certains enfants, cela n’a pas eu d’impact sur le projet. Chaque personnalité a su trouver sa place, ils ont ainsi appris à envisager l’autre autrement.
 
Ils ont appris le sens de la mobilisation et la nécessité de s’investir sans relâche. L’esprit d’équipe et le sens du partenariat ont été au cœur du projet. Ils ont appris à faire preuve de courage mais aussi d’humilité.
 
Quels sont les facteurs qui ont contribués à la réussite de ce projet ?
 
L’esprit d’initiative des enfants et leur énergie ! Les journalistes de France 3 Alsace ont été touchés par les enfants. Leur structure a su donner les moyens aux enfants (et au nom des enfants !) en leur ouvrant leurs portes sans la froideur de l’administration à laquelle nous nous attendions. Les enfants avaient envie de contacter France 3 Alsace pour leur proposer leur émission télévisée. En tant qu’élu, et en tant qu’adulte, nous encouragions les enfants tout en essayant de prévenir la réponse négative (voir même la non-réponse) à laquelle nous nous attendions. Nous avions peur qu’ils soient déçus, alors qu’ayant émis une demande ils étaient prêt à recevoir la réponse, qu’elle soit positive ou négative. Malgré l’énergie difficilement canalisable des enfants, ces professionnels ont tout de même continué à croire en ce projet et ont su donner de leur temps en tant que professionnels et ils ont réussi à les accompagner pour mener à bien ce projet. Ils ont compris les enjeux d’un projet d’enfant.
 
Les personnes qui ont été interviewées pour ces émissions se sont positionnées également de manière bienveillante et non naïve. Ils ont respectés les enfants en se donnant comme s’il s’était agi de professionnels.
 
Et de manière générale… Les encouragements de toutes les personnes que nous avons pu rencontrer nous ont permis de rester motivé !
 
Quelles ont été les difficultés / freins rencontré(e)s dans la mise en place de ce projet ?
 
Nous avons rencontré des difficultés d’ordres différents à deux stades du projet.
Pour la première émission, les enfants ont réussi à obtenir que France 3 Alsace accepte de diffuser la première émission. C’était vraiment très motivant, parce que concret ! Mais les délais étaient très serrés : nous avons appris en octobre que notre émission se tiendrait à la fin du mois de novembre suivant, alors que nous n’en étions d’à la trame de notre émission. Les délais étaient intenables, mais face à cette opportunité nous nous sommes mobilisés plus que jamais pour relever ce challenge… C’était ça ou rien ! Heureusement les vacances de la Toussaint et l’implication des enfants ont permis de terminer de justesse l’émission. 
Le plus dur c’était l’enregistrement de l’émission elle-même : on ne pouvait enregistrer qu’une fois, on n’avait donc pas le droit à l’erreur. C’était très stressant, les enfants avaient peur de ne pas y arriver.
 
Pour la seconde émission, France 3 Alsace, en pleine restructuration, n’a pas eu les moyens de renouveler l’expérience. Nous avons donc du rebondir, mais c’était difficile…. Le mandat touchait à sa fin et les enfants voulaient vraiment faire entendre leur voix. Ils sont restés mobilisés même après leur mandat. Contrairement à la première émission, la dynamique était différente, les enfants se sont trouvés confrontés à d’autres freins. On a dû s’adapter et faire autrement.
 
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un souhaitant mettre en place ce type de projet ?
 
Il est indispensable d’avoir une présence soutenue auprès des enfants afin de leur communiquer le plus possible l’enthousiasme des adultes et ainsi relancer les moments de baisse d’énergie. Les enfants sont très sensibles à la parole de l’adulte. Il faut également être attentif aux adultes qui entourent les enfants dans ce projet, veiller à ce qu’ils restent engagés et qu’ils adaptent leur langage.
 
Il est aussi important d’être attentif à ce que les enfants ne perdent pas le fil, qu’ils ne se dispersent pas. Même s’ils comprenaient bien les enjeux, il est facile de s’éparpiller.
 
Pour finir… La qualité doit rester une exigence ! Il ne faut pas baisser son niveau d’exigence parce qu’il s’agit d’enfants. Ils sont tout à fait capables de faire un travail de qualité professionnelle.
 
Ce projet a-t-il été l’occasion de mener une sensibilisation à l’éducation aux médias auprès des enfants ?
 
Au cours de ce projet, nous avons appris aux enfants à mesurer l’impact sur ce qui est dit par les médias et sur ce qui est montré.
 
Dernière modification le vendredi, 10 octobre 2014
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