Quand on regarde l’histoire du mot “esprit critique”, on s'aperçoit qu’il est un dérivé de kritikos “capable de juger, de décider” et tardivement, dans la langue médicale, décisif, critique… il est adjectivé en 1667 {année de création du Code Louis (équivalent du code civil) (Louis XIV)} et devient “esprit critique” : qualifiant ce qui est apte à porter un jugement intellectuel.”
Eveline Charmeux écrit sur Educavox, en février 2015 :
“L'esprit critique, tous les dictionnaires le rappellent, se reconnaît au fait de n'accepter aucune assertion sans s'interroger et se documenter d'abord sur sa valeur. C'est le doute méthodique cher à Descartes, celui qui refuse à la fois la certitude issue de la croyance, et la méfiance systématique. C'est le discernement, dont La Bruyère disait qu'il est aussi rare que les diamants et les perles. C'est le contraire de l'amalgame, des jugements spontanés et des idées reçues.”
Eduscol, le site de référence du ministère de l’éducation nationale propose un certain nombre de ressources pour développer les connaissances et compétences liées à la formation de l’esprit critique.
On y trouve une infographie claire déterminant les piliers de l’esprit critique : Écoute / S’informer / Curiosité / Évaluer l’information / Autonomie / Distinguer les faits et les informations / Lucidité / Confronter les interprétations / Modestie / Évaluer les interprétations.
Ce “thésaurus” induit le rôle et la circulation des informations, nourrissant l’esprit critique.
L’ambition de l’école de Jules Ferry était d’accompagner les enfants vers la prise en main de leur destin. Pour cela, leur fournir les éléments nécessaires à la critique, que sont culture, éléments de lecture et d’interprétation des faits.
Lorsque l’enfant ou le jeune adulte sort du circuit scolaire, il lui reste toute une vie pour se cultiver, développer sa pensée, forger son opinion, exercer son esprit critique.
L’histoire de la presse nous montre pourquoi et comment sa mission est ardue, compliquée de nos jours par des moyens d’accès démultipliés et en marche continue.
Et au final, quelle est la part d’information officialisée par un circuit professionnel comme celui de la presse, et d’information véhiculée au détour d’une conversation intime dans l’exercice de l’esprit critique des français ?
L’étude menée en collaboration avec OpinionWay souligne l’esprit d’ouverture des Français, qui est un préalable essentiel pour apprendre à vivre ensemble.
-
Les Français accordent une forte importance à l’esprit critique, qui pour 59% d’entre eux relève de la capacité à avoir une discussion franche et ouverte « avec des personnes ayant des opinions différentes ». Dans ce climat de tolérance, les Français se montrent à l’écoute des arguments des autres : ils sont 66% à déclarer avoir changé d’avis après avoir entendu ou lu des arguments dans le débat public ou échangé avec leur entourage.
-
Les résultats de l’étude soulignent la très forte homogénéité des opinions dans les cercles familiaux et amicaux.
Les répondants affirment avoir une opinion plutôt similaire à leur conjoint (74%) et leurs amis (64%), personnes délibérément choisis sur le partage de valeurs communes. Il est intéressant de constater que l’homogénéité des opinions se retrouve aussi au sein de la famille : 66% des Français estiment être en accord avec les membres de leur famille, qu’ils n’ont par essence pas choisis. Cela suggère qu’il est important de proposer des moyens pour s’ouvrir à des cercles de réflexion plus larges, et questionne sur la manière dont les Français aujourd’hui s’informent ou prennent part aux débats de société.
-
Les Français se montrent assez méfiants vis-à-vis des informations qu’ils lisent ou voient dans les médias.
En revanche, les Français ne semblent pas considérer les réseaux sociaux comme une source d’information en tant que telle ou en tout cas comme une source d’information leur permettant d’exercer leur esprit critique : ils sont plus de 60% à penser que prendre du recul par rapport aux informations disponibles sur les réseaux sociaux ne relève pas de l’esprit critique, alors qu’ils étaient 68% à déclarer soumettre les informations reçues des médias « classiques » au jugement de leur esprit critique.
-
Dans ce contexte, ils sont également 60% à penser que la sur-information ne les aide pas à affûter leur esprit critique.
Ce décalage entre la société et les médias souligne qu’il est compliqué de prioriser, de sélectionner la bonne information parmi le flot quotidien des informations et des faits portés à notre connaissance. Il semble alors important de renforcer la mise en avant des sources des informations diffusées par les médias, pour permettre aux Français de porter un regard critique sur les faits présentés.
-
L’enquête questionne aussi sur le rôle de l’école dans la formation de l’esprit critique.
Plus de 65% des répondants pensent que l’école ne favorise pas la formation de l’esprit critique. Or, c’est à l’école que le citoyen en devenir peut sortir des cercles d’opinion homogènes, de la famille et des proches, évoqués précédemment. C’est justement à l’école que le citoyen est censé apprendre à critiquer les sources et à se mettre dans une posture de réception active des informations portées à sa connaissance.
-
Face à la sur-information et à la montée en puissance du rôle des réseaux sociaux dans l’information des citoyen.ne.s, se pose la question de la réinvention du débat public.
Le sondage invite l’école, les médias, et l’ensemble des parties prenantes du débat public à agir ensemble pour clarifier les sources des informations diffusées, à favoriser la mise en contexte des faits relatés et portés à la connaissance des citoyen.ne.s.
Et si, ensemble, on allait plus loin ?
Il est impératif de rester à l’écoute mais surtout ouvert.e.s sur le monde dans lequel nous sommes. Avec la multiplicité des sources d’informations, former son esprit critique est indispensable. Tout le monde doit être capable de se forger sa propre opinion, sans se laisser influencer par son milieu. Alors, comment faire pour prendre ce recul nécessaire et sortir de notre bulle ?
Média créé récemment, le magazine “Le Drenche” propose toujours deux points de vue dans ses articles afin d’offrir à ses lecteurs et lectrices la possibilité de se former leur propre opinion sur la question traitée.
Remplissant son rôle d’instance éducative internationale, l’UNESCO effectue pour sa part un intense travail de plaidoyer auprès des États. Récemment, son action a été fructueuse puisque quatre d’entre eux se sont engagés à inclure une “éducation à la citoyenneté mondiale” dans leurs programmes scolaires. Il s’agit de l’Ouganda, du Cambodge, de la Colombie et de la Mongolie.
Au niveau national, l’Education nationale cherche à se réinventer en proposant notamment des séances de méditation dans un collège français. Ainsi, les élèves sont invités à réfléchir sur leurs comportements, plutôt que d’être punis sans en comprendre vraiment la raison. La méditation permet ainsi à l’élève une écoute profonde de son corps et de son esprit.
En ce sens, cette étude souligne la valeur ajoutée de TEDxChampsÉlyséesSalonED, qui permet aux citoyenne.s de prendre du recul un instant sur un thème de société.
Le 11 décembre, ce sont plusieurs opinions, plusieurs regards qui se sont s'exprimés sur la scène de TEDxChampsÉlyséesSalonED sur le thème de l’harmonie et la question du vivre ensemble avec l’objectif de nourrir le débat, et les réflexions critiques des citoyenne.s.
http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/histoire-education/RH042.pdf
http://www.bnf.fr/documents/dp_histoire_presse_expo.pdf
ARTICLE CO-ECRIT AVEC :
-Véra KEMPF
-Maylis CALLIER
-Charlotte SIMON
-Béatrice DUBOISSET
Dernière modification le lundi, 12 juin 2017