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Des fouilles archéologiques dans le cadre de Fort d’Odanak : le passé revisité - Depuis le 16 juillet dernier et jusqu’au 17 août 2012, le public est convié à vivre des moments de grandes découvertes archéologiques à Odanak, un village abénaquis du Québec. Avec l’aide des archéologues Geneviève Treyvaud et Michel Plourde des laboratoires de l’Université Laval (1), leMusée des Abénakis, dirigé par madame Michelle Bélanger, a bon espoir de mettre à jour les limites de la seule fortification française en Amérique du Nord commandée par le roi de France ayant été conçue au début du XVIIIe siècle par un contingent militaire français et abénaquis aux abords de la majestueuse rivière Saint-François.
Lors de la conférence de presse tenue sur les lieux récemment (2), les responsables du projet de recherche Fort d’Odanak : le passé revisité étaient accompagnés de trois membres du Conseil de bande, soit : madame Claire O’Bomsawin et messieurs Alain Robert O’Bomsawin et Jacques Thériault Watso. La rencontre réunissait aussi le personnel du musée, le député de Nicolet-Yamaska, monsieur Jean-Martin Aussant et, bien entendu la jeune équipe de fouilles recrutée pour la réalisation de ces excitants travaux.
 
Le présent article est l’ébauche d’une étude de cas illustrant la valeur éducative de l’expérience muséale, décrite plus tôt dans Éducavox (3). De prime abord J’ai distingué quatre objectifs pédagogiques qui chapeautent les fouilles archéologiques : à Odanak : a) documenter le savoir relié au passé des Abénakis et b) partager ces informations au reste du monde dans une formule d’éducation populaire. Plus important encore, peut-être, le projet vise à : c) faire vivre à un groupe de huit jeunes Abénakis une expérience d’apprentissage de l’archéologie en contexte de fouilles réelles et à d) offrir à tous les jeunes une alternative conviviale à l’apprentissage formel. 
 
Pour faciliter la lecture de mon texte, j’ai divisé celui-ci en deux parties, soit : Éducation populaire chez les Abénakis et Apprentissage expérientiel et pérennité de la culture.
 
 
Première partie : Éducation populaire chez les Abénakis
 
 
Pour cultiver le goût de la recherche et des études, rien de mieux que des découvertes tangibles et un peu de suspense. C’est du moins ce que semblent croire les protagonistes de Fort d’Odanak : le passé revisité, anxieux à l’idée de faire vibrer leur corde culturelle aux quatre coins du globe.
 

Documenter le savoir relié au passé des Abénakis

Sur le plan historique, les fouilles visent à documenter les modes de vie des Abénakis du passé, leurs techniques artisanales, la diète alimentaire de l’époque et des projets de réintroduction de la flore disparue. Une synthèse de l’occupation abénaquise et la mise en valeur des artefacts comptent aussi parmi les objectifs du projet. Pour ce faire, l’équipe est dirigée par deux archéologues passionnés : madame Geneviève Treyvaud, spécialisée dans les fortifications françaises et la période de contact entre les Amérindiens et les Français, et monsieur Michel Plourde, archéologue expert en préhistoire.
 
Madame Treyvaud s’intéresse au projet Fort d’Odanak depuis 2005, et croit au potentiel du site après la consultation d’écrits et de cartes anciennes montrant le village fortifié, unique pour la raison suivante : À Odanak, les Amérindiens vivaient à l’intérieur du fort, alors que les maisons des Français se situaient autour, à l’opposé des autres sites amérindiens. Les premières découvertes sur le terrain semblent confirmer l’importance des lieux. L’archéologue mentionne que l’équipe a mis à jour d’intéressants spécimens de cônes clinquants fabriqués à partir de vieux chaudrons de cuivre, des perles Wampum et leurs instruments de fabrication, des perles de verre, des pierres à fusil, etc., bref des indices témoins d’activités d’échanges plutôt intenses. 
 
L’expertise de monsieur Michel Plourde jouera un rôle majeur dans la validation des découvertes de l’équipe de fouilles, l’enregistrement des données et la prise de photos. À l’instar des travaux du professeur Claude Chapdelaine à Saint-Anicet (4), les marques de palissades laissées par des pieux aujourd’hui décomposées montreraient que l’on serait bel et bien sur le site du fort disparu. Un autre puits présente une surface de terre rougie par d’anciens feux et des ossements d’animaux retrouvés, ce qui soulève d’intéressantes questions : sommes-nous dans une Maison longue, l’une des habitations ? Est-ce une trace d’un incendie qui aurait ravagé les lieux ? Au cours de l’été de nouvelles tranchées seront creusées sur le site du musée selon un plan stratégique pour répondre à ces questions et à bien d’autres.
 

Partager ces informations au reste du monde

Tel que mentionné au début de cet article, l’accès aux fouilles est ouvert au grand public, curieux d’en savoir davantage sur le passé des Abénakis et sur l’archéologie. Madame Treyvaud et monsieur Plourde se feront un plaisir de répondre aux questions des visiteurs et de fournir toute explication sur la valeur des artefacts découverts pendant l’été.
 
De fait, le projet de fouilles s’inscrit dans la mission éducative globale du musée, qui a recours à divers moyens en vue d’instruire le grand public sur l’histoire et la culture des Abénakis. Pour ce faire, l’équipe de fouilles tiendra un blogue à même le site Internet du Musée des Abénakis (5). Des leçons d’initiation à l’archéologie, Archéologie 101 (6) s’ajoute au journal de bord des participants. Il est à noter que le site Web en question comprend aussi la liste des expositions actuelles et une visite virtuelle du passé d’Odanak. Jusqu’au 8 octobre 2012 y est exposée, entre autres, la gigantesque toile Les fibres du monde (7), une œuvre qui s’ajoute aux expositions habituelles et à un spectacle multimédia racontant des légendes.
 
À l’extérieur de l’immeuble, l’enceinte muséale comprend la visite d’une église et d’une minichapelle, les puits des fouilles réalisées au cours de l’été 2012, une vue sur un boisé et la rivière Saint-François. L’été dernier, j’ai assisté à un Sanda – un dimanche- des Abénakis (8) durant lequel les visiteurs pouvait savourer des mets traditionnels amérindiens et assister à des démonstrations de techniques artisanales, en plus de se laisser bercer par des contes et des légendes.(9) Ce dimanche culturel laisse place cet été au projet de fouilles archéologiques. De plus, chaque année, l’enceinte muséale reçoit aussi de nombreux visiteurs lors du célèbre Pow Wow estival des Abénakis, qui se tient le premier week-end de juillet. 
 
 
Deuxième partie : Apprentissage expérientiel et pérennité de la culture
 
 
Les huit jeunes Abénakis qui documenteront le journal de bord électronique, le blogue et la galerie de photos, sous forme de réflexion sur une expérience fascinante apprendront aussi des bases en marketing puisque leurs informations serviront à la promotion du Musée des Abénakis. Mais à la base, ils s’apprêtent à acquérir des compétences techniques et scientifiques, en plus de connaissances historiques reliées à leur nation. Pour monsieur Jean-Martin Aussant, le projet de recherche de madame Michelle Bélanger constitue également une excellente forme de lutte au décrochage scolaire et une manière stimulante d’amener des ados à poursuivre leurs études au premier cégep autochtone du Québec (10 et 11), situé à quelques minutes du musée et du site de fouilles.
 

Faire vivre à un groupe de huit jeunes Abénakis une expérience d’apprentissage de l’archéologie en contexte de fouilles réelles

C’est en mettant les deux mains à la pâte et de manière conviviale que la jeune équipe de fouilles s’apprête à acquérir des compétences techniques et scientifiques, estime madame Bélanger, experte en muséologie. Madame Treyvaud et Monsieur Plourde leur offriront un encadrement complet, leur montrant l’art des fouilles méticuleuses, les techniques de datation au carbone 14 en plus de les inviter aux laboratoires d’analyses scientifiques de l’Université Laval. Régulièrement, les jeunes classeront les artefacts mis à jour selon leur période historique et seront amenés à documenter le journal de bord électronique, qui sera tenu à jour par Coralie Dallaire-Fortier, une étudiante en archéologie. L’ouverture au public de leur œuvre conférera au groupe une notoriété non négligeable dans le cadre de futures recherches d’emploi.
 

Offrir aux jeunes une alternative conviviale à l’apprentissage formel

Le Musée des Abénakis est habitué de recevoir des élèves dans le cadre d’une sortie scolaire éducative et d’offrir à ceux-ci la même qualité d’expérience muséale qu’au grand public. Le sourire aux lèvres, madame Bélanger admettra que les jeunes visiteurs s’y divertissent sans se rendre compte des apprentissages réalisés en dehors des formations formelles.
 
En ce sens, c’est avec enthousiasme qu’elle annonce deux nouveaux projets. Le premier consiste en la tenue de week-ends archéologiques au cours de l’été, les 4, 5, 11 et 12 août 2012, invitant les familles à vivre une expérience éducative singulière en marge des études formelles de l’école. Le second porte sur l’ajout d’un programme éducatif pour les élèves du primaire en 2013.
 
 
Conclusion
 
 
Tel que mentionné dans mon article L’expérience muséale élargie : un pilier de la déscolarisation de l’apprentissage, le musée constitue un pilier important de l’autoformation, de l’apprentissage expérientiel et de l’éducation populaire. Le projet actuel en cours à Odanak, Fort d’Odanak : le passé revisité, illustre de manière éloquente la valeur de ces principes éducatifs. Des jeunes Abénakis sont appelés à participer de façon valorisante à des fouilles archéologiques uniques et utiles à l’atteinte de leurs propres objectifs personnels, scolaires et professionnels, en plus de servir à la promotion de la culture amérindienne aux quatre coins du globe. Cette extension des savoirs est rendue possible par la venue de nouveaux visiteurs sur les lieux historiques d’Odanak, mais aussi par le partage de connaissances dans un journal de bord électronique. De manière systémique, c’est donc à la fois l’individu, la communauté, l’apprentissage, le savoir et la vitalité culturelle qui sortent gagnants de cette belle aventure éducative.
 
Un reportage de Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation
Photos : Katia Hamel
 
 * Sur la photo : Monsieur Michel Plourde, mesdames Michelle Bélanger et Geneviève Treyvaud
 
 
Références
 

1. Composition de l’équipe de fouilles du projet Fort d’Odanak : le passé revisité

Supervision :
  • Geneviève Treyvaud et Michel Plourde, archéologues
  • Coralie Dallaire-Fortier et Benjamin Petit, étudiants en archéologie
 Apprentis- archéologues :
  • Janice Cardin-Boucher, Maxime Desrochers-Gill, Mathilde Gariépy, Cléophée Lachapelle, Mathieu O’Bomsawin-Gauthier, Alice Obomsawin, Dany Gill et Jennifer Mahé-Trudeau 

2. Renaud, L. (2012) L’expérience muséale élargie : un pilier de la déscolarisation de l’apprentissage

3. Renaud, L. (2011) Le trésor des Iroquoiens enfoui dans un rang de campagne

4. Site du Musée des abénakis : www.museedesabenakis.ca

5. Archéologie 101 http://fort.museedesabenakis.ca/?page_id=105

6. Renaud, L. (2011) Du Salon des métiers d’art à la luminothérapie près de Noël

7. Renaud, L. (2011) Le Sanda des Abénakis : un plongeon dans l’histoire et dans le mysticisme

8. Renaud, L. (2011) Présences autochtones : le rassemblement d’une grande famille

9. Diaporama sur YouTube : http://youtu.be/XwQucpS9_iE

10, Un cégep consacré à la culture autochtone à Odanak, reportage de Radio-Canada

11. Vidéo de TVA sur le cégep autochtone d’Odanak

Renaud Luc

Luc Renaud est spécialisé en technologie éducationnelle et enseigne le français langue seconde depuis plusieurs années auprès d’une clientèle adulte immigrante. Détenteur d’une maitrise en éducation, il a aussi été chargé de cours à l’Université de Montréal dans le domaine de l’intégration pédagogique des TIC, et a participé à des projets de recherche portant sur la formule hybride et le socioconstructivisme. Il possède également une solide expertise en développement et expérimentation de formations en ligne et s’intéresse vivement à la collaboration internationale. 
Mal à l’aise dans le milieu scolaire, il croit à une remise en question continuelle de l’école ; il tient d’ailleurs un blogue, L’éduc-acteur, le Blogue de Luc Renaud, sur des thèmes variés, qui mettent de l’avant l’importance de l’autoformation.
Il est aussi entrepreneur, ayant démarré récemment une entreprise de consultant en technologie éducationnelle, La boîte à idées E.T.L.R. Ideas Boxdans la région de Montréal.


Montréal, Québec (Canada)