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Cet échange IRASCA - Institut Régional Aquitain des Sciences Cognitives Appliquées -  s’est déroulé à l’École Nationale Supérieure de Cognitique,  le mercredi 16 mai et a eu pour objet d’articuler deux approches complémentaires sur les questions qui se posent sur l’observation que toute décision est de plus en plus basée sur des données numériques, à tel point qu’elle en devient très souvent tributaire.

Les deux intervenants, interrogés par Ernest PORRAS, Président de l’IRASCA :

Benoît Le BLANC, directeur-adjoint de l’ENSC qui travaille à la Mission Prospective du Ministère en charge de la Recherche sur la place de l’humain dans la modélisation des systèmes d’information, notamment dans les interfaces homes-machines et la gestion des connaissances;

Jean PETAUX, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, ingénieur de recherche, politologue à Sciences Po Bordeaux, dont il est depuis 27 ans le directeur de la Communication et des Relations extérieures, auteur d’une dizaine d’ouvrages, directeur des éditions " Le Bord de l’Eau " et la collection " Territoires du politique ".

Une problématique contemporaine :

Le choix des données utilisées, la transparence des méthodes appliquées et l’applicabilité associée aux outils employés sont trois points cruciaux dans le processus décisionnel.

De ses trois points découlera la confiance du décideur dans ce qui sert de socle à sa décision.

En même temps ce même décideur est-il alors prêt à assumer sa responsabilité ? En effet il est facile de reporter toute responsabilité sur les algorithmes et l’intelligence artificielle qui par définition ne sont pas solvables pour réparer un préjudice, ni condamnables devant un tribunal.

Par ailleurs, jusqu’à quel niveau d’instruction, les citoyens accepteront-ils que l’IA influence leur environnement, modifie les comportements humains, interagisse avec les individus, impacte sur les émotions, régule les liens hommes/machines – hommes/hommes – machines/machines, modifie l’orientation culturelle, etc., donc interviennent dans la transformation des organisations sociales en modulant les mouvements sociétaux au sein d’une cité qui est encore à définir ?

Cette problématique est présente depuis plus de 50 ans, bien évidemment adossée à l’informatique. L’IA est " l’horizon de l’informatique " et devient notre quotidien depuis effectivement 2015. Les machines devenant intelligentes la société et ses acteurs prennent en compte les capacités de l’informatique.

Une réflexion est nécessaire sur les mots et surtout comprendre le sens caché des mots.

L’artificiel signifiait avant que c’était conforme, en particulier conforme à l’art, déjà présent dans la nature (fleur artificielle, lac artificiel,…) et donc avec une connotation négative. On parlait de besoins artificiels, dont pas essentiels, psychologie artificielle d’un roman, par exemple. Le concept donc de l’IA, depuis des décennies était un concept avec une base négative.

Aujourd’hui l’IA s’adapte à toutes les situations donc elle devenue positive. On parle d’intelligence supérieure dont en particulier l’humanisation des comportements.

Jean Petaux rappelle les productions, les livres de Jacques Ellul dont " La Technique ou l'Enjeu du siècle "  un essai paru en 1954 qui pose le problème du changement de nature de la technique dans la société, outil permettant à l'homme de se dépasser.

Il expose également la dimension politique de l’usage des technologies, en s’appuyant sur les régimes autoritaires travaillant sur des modes de propagandes. Les mythes anciens s’appuyant sur l’histoire grecque et latine ne sont pas à oublier quand on traite du monde de demain.

Depuis les années 70 (1970) il ne faut surtout pas oublier les dimensions économiques liées à l’IA, au-delà des techniques du numérique, en particulier par la richesse des données informatiques. Les " capteurs " en sont les " absorbeurs " d’informations donc de pouvoir et de richesses.

Dans ce contexte dans "le plan IA",  le président de la République Emmanuel Macron a dévoilé un plan d'investissement de 1,5 milliard d'euros pour soutenir le développement de l'intelligence artificielle en France, en s'appuyant sur le rapport commandé au mathématicien et député Cédric Villani, en relation avec la Canada. Y ont été soulignées les valeurs humaines de la démocratie et des libertés individuelles. Une plateforme d’études est en cours de création.

Tout passe par l’éducation :

En effet il faut être attentif à l’évolution de notre monde.

Les machines vont-elles dépasser les femmes et hommes ? Vont-elles inventer des concepts d’ici 2030/2040 ? L’économie et les finances vont-ils diriger notre monde ? L’empathie cognitive et sentimentale va-t-il l’emporter sur un discours logique et organisationnel ?

En se libérant des mythes, comme celui du Golem, dans la mystique puis la mythologie juive, être artificiel, généralement humanoïde, fait d’argile, incapable de parole et dépourvu de libre-arbitre mais façonné afin d’assister ou défendre son créateur, il faut accompagner notre évolution technologique, mais en en restant " maître ". L’éducation en est la clé de voute.

En effet, l’IA peut-elle prendre en compte toutes les situations ? Avec l’utilisation des données de plus en plus disponibles il faut se battre pour l’équilibre entre les machines et les humains.

Les dimensions démocratiques sont essentielles et on ne doit jamais les oublier dans le monde numérique d’aujourd’hui et surtout de demain. Ne pas intégrer dans l’éducation notre futur " augmenté " serait une erreur stratégique que l’école, l’université, les associations, l’Etat ne doivent pas laisser aux machines, même intelligentes.

Notre autonomie doit nous obliger à être le négociateur de notre responsabilité civile. Les questions de droit et de responsabilité sont au cœur de l’IA, si nous souhaitons rester maitre de notre avenir.

Dernière modification le mardi, 12 juin 2018
Desvergne Marcel

Vice-président de l’An@é, responsable associatif accompagnant le développement numérique. Directeur du CREPAC d'Aquitaine,  Délégué général du Réseau international des universités d'été de la communication de 1980 à 2004, Délégué général du CI’NUM -Entretiens des civilisations numériques de 2005 à 2007, Président d’Aquitaine Europe Communication jusqu’en 2012. Président ALIMSO jusqu’en 2017, Secrétaire général de l’Institut du Goût de la Nouvelle-Aquitaine.