Quelles sont les réalités concrètes qui se cachent derrière ces deux mots ?
Claude Chauvet présente les technologies de l’intelligence artificielle.
En quelques mots, il distingue le « machine learning » du « deep learning ». Le premier utilise des algorithmes pour effectuer des tâches programmées à partir de paramètres et données rentrées dans la machine, le second met en jeu des réseaux de neurones pour réaliser des apprentissages complexes. A partir d’un très grand nombre de données, la première phase du deep learning, « training », conduit à la construction d’un modèle.
Dans une deuxième phase, « inférence », le réseau de neurones fait référence au modèle construit pour aboutir au résultat qui lui est demandé. Les succès historiques du deep learning touchent la reconnaissance d’images et la reconnaissance vocale, lecture de scanners, recherches minières, recherche de défauts, robotique agricole, classification automatique de documents…
C’est le deep learning qui ouvre les perspectives les plus prometteuses en matière d’éducation.
Les divers exemples d’utilisation présentés au cours de ces journées sont des prototypes en cours d’expérimentation, ils donnent une bonne approche de ce que l’IA peut apporter.
Un modèle d’apprentissage motivé
En lien avec les sciences cognitives, le recueil et l’étude de données en grand nombre permet d’observer les modalités de développement des compétences chez l’enfant.
Cette observation par la machine conduit à l’élaboration d’un modèle d’apprentissage motivé (la motivation étant un facteur important de réussite). L’IA gère un espace d’activité à partir d’une zone de développement proximal faisant référence aux acquis. L’extension de cette zone est fonction de la réussite aux activités proposées. Les progrès dans l’apprentissage sont repérés et conduisent à la mise à jour des paramètres pour extension progressive du champ d’activité et de sa difficulté avec désactivation des zones de réussite précédentes. Ce sont à la fois le résultat et le cheminement pour l’atteindre qui sont analysés.
La motivation provient de la validation des compétences acquises et de la progressivité de la démarche.
Une différenciation de l’apprentissage pouvant aller jusqu’à l’individualisation
A partir des données recueillies sur les élèves et de l’analyse de leurs acquis, l’IA permet de constituer des groupes cohérents sur lesquels des projets d’apprentissage sont particularisés. Le recueil continu de données assure la mobilité des groupes au cours du processus. La particularisation des parcours en fonction des groupes donne du sens aux apprentissages.
Une expérimentation dans un environnement virtuel ou augmenté
L’IA est un puissant auxiliaire à la construction des apprentissages par l’expérience ou par essai-erreur.
Elle permet la création d’espaces virtuels d’apprentissage auxquels l’élève ne pourrait pas avoir accès dans la réalité. Il peut s’y mouvoir, optimiser des parcours, des gestes, des comportements, prendre des repères… avec répétition et réinitialisation autant que de besoin. Le va et vient entre le virtuel et le réel assurera l ‘ancrage des compétences visées.
Les trois apports décrits ci-dessus peuvent évidemment être cumulés pour un même thème d’activité et un même champ de compétences.
Il est très important de souligner que dans ces dispositifs utilisant l’IA, l’enseignant garde toujours la main. Il est conseillé sur les groupes à constituer et sur les activités à proposer mais il reste maitre de ses choix
Comme pour tout nouvel environnement pédagogique, l’utilisation par les enseignants est soumise à deux conditions : la formation et la confiance.
La formation doit répondre impérativement aux questions : que peut-on en faire dans une classe ? Et quels bénéfices peut-on en attendre ?
La confiance ne pourra être établie que par la transparence des dispositifs et de leur construction et par la sécurisation des données d’apprentissage des élèves qu’il est indispensable de recueillir en masse puisqu’elles sont la « nourriture » de l’IA mais dont l’utilisation doit être clairement réservée et soumise au RGPD.
Pour être utilisables ces nouveaux outils doivent être co-construits dans une collaboration étroite entre chercheurs, enseignants, concepteurs, développeurs, diffuseurs.
Cela semble bien compris si l’on s’en réfère aux exemples fournis dans le salon. Le postulat d’exigence pour cette construction collaborative est la facilité de mise en œuvre pour un réel apport positif. En effet, l’IA ne doit pas occasionner une rupture dans les pratiques mais apporter une aide à faire mieux ce qui se faisait déjà.
L’IA pourrait permettre à terme d’optimiser des apprentissages c’est-à-dire, si on l’exprime brutalement : enseigner un maximum de monde avec un maximum d’efficacité dans un minimum de temps en diversifiant les modes d’enseignement par rapport au type de public. Est-ce souhaitable ? La réponse est aussi philosophique, sociologique et politique. En tous cas elle est un véritable espoir pour des publics en difficultés, elle est un atout de plus pour mener à une école plus inclusive.
L’espoir qu’elle fait naitre doit être au moins préservé en ne répétant pas les erreurs d’un passé récent du numérique : « l’enjeu principal ne doit pas être de diffuser l’IA à l’école, mais de mettre l’IA au service des enseignants, pour faire réussir les élèves ». « Il faut envisager l’IA comme un outil visant à développer les capacités et potentialités d’action des acteurs de l’éducation », il faut envisager l’IA comme un outil visant à développer les capacités et potentialités de tous les élèves et en particulier des élèves à besoins spécifiques. En outre, les solutions apportées par l’IA doivent être plus que compatibles avec la liberté pédagogique des enseignants. Enfin, plus que jamais, toutes les précautions doivent être prises avec une grande rigueur, technique, scientifique, pédagogique, éthique et sociale pour éviter toute perte de contrôle dans la démarche.
Sont intervenus dans ces tables rondes
Sophie de QUATREBARBES coordinatrice du projet Class’Code IAI visant à créer un MOOC sur le thème de l’intelligence artificielle
Bastien MASSE coordinateur de la chaire EO&IA pour l’Éducation Ouverte et l'Intelligence Artificielle, Centre de Développement Pédagogique, Université de Nantes ; et Coordinateur national du projet Class'Code
Thomas DENEUX l'Institut de Neurosciences Paris-Saclay (CNRS). Dans le cadre de ses missions, il développe un robot apprenant pour l'éducation à l'IA
Hélène SAUZÉON, professeure des universités en psychologie et sciences cognitives à l'université de Bordeaux, et membre de l'équipe Flowers Inria. Elle a participé au projet KidLearn qui vise à développer des algorithmes permettant de personnaliser des séquences d'activités d'apprentissage en fonction des progrès de l'élève
François BOUCHET, maître de conférences en informatique au LIP6, laboratoire d'informatique de Sorbonne Université, au sein de l'équipe MOCAH
Alain JAILLET, PROFESSEUR DES UNIVERSITÉS, UNIVERSITÉ DE CERGY PONTOISE
Claude CHAUVET, Directeur Technique, INTEL CORPORATION
Juan FERNANDES, CEO, PSI
Gaële REGNAULT, Fondatrice, LEARNENJOY
Jacqueline NADEL, Directrice de recherche émérite, CNRS
Marie-Helene FERRAND, Coordinatrice de l'Observatoire des Ressources Numériques Adaptées (Orna), INS HEA
Sonia OUADDA, Enseignante spécialisée
Christine FRANÇOIS, Déléguée académique au numérique, Inspectrice de l’ÉDUCATION NATIONALE DE NANCY-METZ
Jacques PUYOU
Dernière modification le mardi, 10 décembre 2019