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Cet article publié sur le site Fais-moi jouer ! a retenu notre attention. Les univers virtuels du jeu n’éclipsent en rien les pratiques des jeux de stratégie et de hasard, les usages s’ancrent dans des pulsions d’action, de partage et de plaisir.

Merci aux auteurs  pour leur autorisation

"Une fois n’est pas coutume, aujourd’hui, nous allons délaisser les univers virtuels et connectés pour remonter aux sources… Aujourd’hui, nous allons parler de l’histoire des jeux de stratégie et de hasard, de jeux typiquement humains en somme. Et oui, on n’a jamais vu un singe jouer aux échecs, ni une otarie pousser les pions d’un backgammon.

Ces jeux demandent un degré d’abstraction et de projection mentale dont seul l’homme est capable (si l’on reste au niveau du règne animal bien sûr). Ils font partie de ces choses que la mémoire humaine ne peut plus dater. Même l’écriture n’est pas d’un grand recourt tant ces jeux viennent du plus profond de notre civilisation.

Chers passionnés de jeux en tout genre, il est temps de connaître vos racines !

C’est en allant voir « Art du jeu, jeu dans l’Art » qui s’est tenue du 28 novembre au 4 mars 2013 aumusée national du Moyen-Âge (plus intimement, le Musée de Cluny) que je peux vous présenter aujourd’hui quelques éléments importants de l’histoire de ces jeux de plateau pour la majorité, et de cartes.

L’exposition était magnifique et les 250 œuvres reflètent autant la diversité des pratiques liées au jeu que leur valeur aux yeux des hommes tant leur esthétique est recherchée.

Pourquoi les jeux de stratégie et de hasard ont un tel succès depuis l’antiquité ?

Dans une société, le jeu a pour première fonction d’enseigner le fait qu’il existe des cadres et des règles qu’il est important de respecter pour pouvoir vivre ensemble. La vie est mise en parallèle avec le jeu aussi de manière plus métaphorique : les jeux ont un début, une fin, et la mort devient une opportunité pour recommencer son parcours.
Jouer, c’est notre façon à nous les hommes de vaincre la mort.

« Les dés sont jetés et roulent encore : et pourtant quand il s’arrêtent, ils désignent quelque chose qui n’est pas un jeu » Giorgio Colli, philosophe.

Les rois sont particulièrement friands de ces jeux car ils peuvent faire en virtuel ce qu’ils font d’habitude en acte : la guerre. Avancer ses pions, battre l’ennemi, c’est leur quotidien ! D’ailleurs, même si ces jeux étaient populaires parmi toutes les classes de la société, les pièces présentées lors de l’exposition ont pour beaucoup été trouvées dans des tombes de riches propriétaires, des caveaux royaux, et dans des endroits liés à la vie de l’élite.

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Dé Ier-IIe siècle Cristal de roche H. 0,9 cm © Courtesy of the Trustees of the British Museum

Le hasard est le ressort essentiel de ces jeux de poursuite, et il a un accessoire indispensable : le dé. Le premier objet dans lequel l’homme a décidé de confier son sort fut un osselet, un petit bout d’os issu de l’articulation du pied d’un animal. Le dé à 6 faces que nous connaissons est une œuvre géniale de l’artisanat du IIIème siècle av J.C. Le lancé de dé était dans l’Antiquité une pratique aussi ludique que sacrée. Il s’agit 

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de triompher de son destin plutôt que de son adversaire (les résultats étaient souvent interprétés par un devin).

Jeu de 52 cartes Pays-Bas du Sud, vers 1470-1480 © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MMA

Méfiant face au plaisir du jeu, les rois et grands dignitaires de l’Eglise interdisent les cartes, les dés et les jeux de tables du XIIIème au XVème siècle. Mais leurs tentatives répétées pour endiguer ces pratiques considérées comme débauchées montrent bien que leur entreprise était vaine. Les jeux de cartes connaissent un très grand succès en Occident à la fin du Moyen-Âge. Ils servent même à la conquête amoureuse… C’est un peu comme si aujourd’hui, on essayait de négocier un baiser avec une partie de Mario Kart.

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Plateau de mehen Egypte, 3100-2700 av. J.-C. Calcaire © Courtesy of the Trustees of the British Museum

Parmi ces jeux venus d’un autre temps, on retrouve bien sur les échecs. Leur origine est incertaine, certainement babylonienne, mais on sait qu’ils sont arrivés vers 950 dans le monde Franc.

Moins connu, le jeu Mehen ou le jeu du serpent, ressemble beaucoup à notre jeu de l’oie. Le nombre de cases varie chez les Egyptiens (qui l’inventairent) et chez les romains, mais le principe reste le même : c’est un jeu de poursuite, il faut finir premier  !

Plateau de la fin du XVe siècle Ivoir, bois et métal © Ministero per i Beni e le Attivita Culturali - Soprintendenza Speciale per il Polo Museale della citta di Firenze

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Pour finir, voici un plateau de jeu très particulier puisqu’il servait autant pour les échecs que pour le tric trac, l’ancêtre du backgammon. C’est un jeu très populaire dont la plus ancienne version fut trouvée dans une tombe iranienne 2000 ans avant J.C. Ce n’est qu’au Moyen-Âge que l’on voit apparaître la forme actuel du backgammon.

Dans certaines versions du jeu, les pions de tric trac narrent les exploits de Hercule et Samson. C’était alors pour nos ancêtres un moyen de raconter et de revivre cette histoire autrement que par le biais des livres. Les temps n’ont pas tellement changé à ce propos puisque aujourd’hui, un super héros de comics sans son jeu vidéo n’en est pas véritablement un ! Comme quoi, vouloir livrer des duels au dessus de la condition humaine n’est pas une exclusivité du XXIème.

Bien sûr, je ne donne que peu d’information par rapport à la richesse de l’exposition organisée par la RMN et le musée de Cluny. L’équipe de Fais Moi Jouer remercie d’ailleurs ce dernier pour nous avoir ouvert ses portes. Je vous conseille personnellement d’aller y faire un tour, vous y verrez le Moyen-Âge autrement !"

Sinon, retrouvez le musée de Cluny sur Twitter ;)

An@é

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