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L’intelligence artificielle apporte-t-elle des outils dans les espaces éducatifs ? C’est la question posée aux intervenants du troisième temps des rencontres organisées par l’An@é le 27 novembre à l’institut Universitaire de technologie Bordeaux Montaigne. En voici quelques échos avant les publications plus complètes, avec l’intervention de Charles Alexandre Delestage, Maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’institut Universitaire de technologie Bordeaux Montaigne, une création dans une classe terminale d’un EREA, des pratiques professionnelles en formation et au service des enseignants.

L’intelligence artificielle dans nos imaginaires.

1 philo 20241127 154538 002Charles Alexandre Delestage apporte une première réponse en invoquant l’intelligence artificielle dans nos imaginaires.

Il fait un rappel historique sur la naissance de l’intelligence artificielle ou plutôt des intelligences artificielles depuis les travaux de Turing et les décennies qui ont suivi pour créer « l’ancienne intelligence artificielle » faite de la puissance conjointe de la technologie et des algorithmes pour un résultat maitrisable et attendu …mais suscitant déjà les fantasmes de machines humanoïdes capables de remplacer ou même supplanter l’intelligence humaine.

Viennent ensuite les intelligences artificielles génératives qui ont envahi l’espace public avec l’avènement de ChatGPT il y a deux ans et qui sont grandes consommatrices de données avalées par des réseaux de neurones qui leur accordent des poids statistiques. Les modèles ainsi conçus fournissent des résultats affublés de probabilités (non communiquées) c’est à dire sans garantie absolue. Qui plus est, il n’y a aucune clarté sur la provenance des données utilisées.

Ainsi il est juridiquement impossible de parler de plagiat lorsque l’on évoque un texte produit par Chat GPT puisque des multitudes de documents ont été utilisés dans une même production. Dans tous les cas, il ne faut pas confondre les outils et ce que l’on fait avec…ce sont les usages qui peuvent être problématiques. Ces usages sont multiples au point qu’il est difficile de discuter sereinement d’intelligence artificielle : certains l’utilisent avec une malice assumée quand d’autres en font une utilisation décomplexée.

La bataille qui se joue nécessite plus de régulation et l’Europe l’a bien compris qui est en pointe sur le sujet : sans régulation, on court au devant de grandes difficultés.

La création artistique à l’épreuve de l’intelligence artificielle :

Sous la conduite d’Anouck Marchais, professeure documentaliste, les élèves de la classe de terminale de CAP Jardinier Paysagiste de l’EREA Le Corbusier de Pessac ont mené le projet « Faux-to » en interdisciplinarité avec les arts appliqués.

Le point de départ est une « photo », ou plus exactement une image crée par une intelligence artificielle générative et primée dans un concours. « L’auteur » a refusé le prix en dévoilant la supercherie de la genèse de l’image. L’interrogation qui en découle porte sur esprit critique et création artistique. C’est le travail fait par ces jeunes, un peu éloignés de la culture et de ses codes, à partir de questions posées à une intelligence artificielle générative et de l’analyse des réponses obtenues.

Intelligence artificielle et pratiques professionnelles :

Frédéric Dupuy, formateur à CANOPE Gironde, part d’une réalité : l’intelligence artificielle est là et la seule question qui vaille est : comment faire avec pour qu’elle ait un impact. A quelles conditions peut-elle modifier les pratiques professionnelles des personnels de l’éducation nationale ?

Quelques points de repère :

  • Utiliser l’intelligence artificielle pour répondre à des besoins identifiés
  • Respecter le cadre réglementaire et éthique dans les pratiques professionnelles en étant convaincu que le RGPD est fait pour protéger et pas pour embêter.
  • Comprendre les concepts liés à la pensée computationnelle. L’entrée par l’outil n’est pas pertinente ; il faut savoir ce qu’il y a derrière et pour cela avoir quelques bases capables de fonder une culture commune.
  • Faire le lien avec les expériences du quotidien vécues avec des intelligences artificielles déjà connues et utilisées. L’intelligence artificielle touche tout le monde dans les pratiques personnelles et professionnelles. Comment s’appuyer sur ces expériences ?
  • Passer de la théorie à la pratique : comment l’intelligence artificielle peut m’aider ?
  • Savoir rédiger les instructions à destination des intelligences artificielles génératives (prompts). Il y a des préceptes à suivre pour une meilleure efficacité.
  • Rencontrer des obstacles opérationnels et les surmonter pour devenir autonome.
  • Se poser la question : qu’est-ce que je gagne ? Qu’est ce que je perds à utiliser l’intelligence artificielle ?
  • S’adapter aux différents publics.
  • L’utilisation des intelligences artificielles ne se fera ni sans les élèves ni sans les parents. Il est question là de coéducation dans une communauté éducative élargie.

 L’intelligence artificielle au service des enseignants et de la classe :

Pierre Duplaa, chargé de mission innovation au SRANE et professeur de SNT et SNI pilote un groupe académique de travail autour de l’intelligence artificielle chargé de présenter des outils de formation.

Les mots qui reviennent constamment lorsqu’il est question d’intelligence artificielle sont magie et peur. Or, il n’y a rien de magique, ce sont des statistiques et il existe des plateformes pour comprendre et combattre la peur. Exemple : Vittascience qui peut être utilisée avec des élèves et dévoile la face cachée des intelligences artificielles. Mais aussi, MIA, module adaptatif expérimental pour les classes de seconde en mathématiques et en français  qui propose des exercices différentiés en fonction des réponses données.

L’intelligence artificielle peut être une des réponses aux problèmes d’inclusion, de différenciation et d’autonomie pour peu que l’on soit à même de reformuler consignes et questionnements. Le prompt est un langage nouveau qu’il faut maitriser : c’est un enjeu important de formation.

Pierre Duplaa revient en conclusion sur le thème central de la journée :

Les intelligences artificielles et l’esprit critique pour dire que la capacité à exercer son esprit critique suppose l’acquisition préalable de connaissances suffisantes. Il pointe les difficultés entrainées par l’intelligence artificielle utilisée avec des enfants car celle-ci décorrèle pensée et langage. Il réaffirme la nécessité d’une vigilance accrue sur les traces laissées par l’utilisation des intelligences artificielles en éducation sous forme de données dont l’exploitation doit être contrôlée.

 

Enfin les utilisations des intelligences artificielles doivent être ciblées : on n’utilise pas l’intelligence artificielle pour n’importe quoi ; et doivent être limitées : la sobriété numérique est un véritable enjeu. Il convient de choisir des applications de l’intelligence artificielle les moins consommatrices possible.

Dernière modification le lundi, 16 décembre 2024
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é