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Si vous pensez qu’écologiquement parlant, utiliser un manuel numérique est plus propre que de se servir d’un manuel papier…vous avez tout faux !

Si vous pensez qu’écologiquement parlant,  regarder une vidéo sur votre smart phone est plus propre que de se planter devant la télévision…vous avez tout faux !

Si vous pensez qu’écologiquement parlant,  utiliser sa boite mail est plus propre qu’utiliser sa boite aux lettres …vous avez encore tout faux !

Associée pendant longtemps à la transformation numérique de notre société, l’idée d’une « révolution écologique » liée à la dématérialisation des données semble avoir fait long feu.

Au contraire, l’augmentation exponentielle du besoin en énergie de gigantesques data centers dédiés à l’accumulation et la circulation des données sur internet interroge de plus en plus les vertus d’un tel modèle, tout comme l’exploitation polluante de ressources rares sur laquelle repose le système technologique.

Quelques chiffres pour s’en convaincre :

  • Internet représentera plus de 3 % de la consommation mondiale énergétique totale en 2020 (c’est-à- dire plus que le transport aérien) avec une croissance de 9% par an.
  • Un data center moyen consomme autour de 4 mégawatts par heure, ce qui équivaut environ à la consommation de 3 000 foyers américains (les plus gros, autant d’énergie qu’une ville de 200 000 habitants).
  • Le volume de données stockées en data centers augmente de 40 % par an.

Le mercredi 20 novembre dernier, dans le cadre du salon Educatec-Educatice, la Ligue de l’enseignement a organisé la rencontre d’une experte des enjeux environnementaux du numérique et d’un professionnel de l’éducation à l’environnement et au développement durable.

Emmanuelle Frenoux, Maîtresse de conférences à l’université Polytech Paris-Sud et Franck Beysson, Chargé de mission « environnement et transition écologique » au sein de la Ligue de l’enseignement de la Loire, et porteur du projet européen « conscience numérique durable » ont croisé leurs regards sur les évolutions du monde numérique.

Ils ont conclu à l’impérieuse  nécessité d’accélérer la prise de conscience des impacts environnementaux du numérique :

  • Le premier impact est celui de la phase de fabrication des dispositifs électroniques (smartphones, ordinateurs, objets connectés, puces), qui comprend l'extraction des matières premières, la production des composantes électroniques et l'assemblage des équipements. Ces procédés de fabrication sont très gourmands en métaux, certains rares, provoquant un épuisement des réserves non-renouvelables, impactant directement l'environnement par l'exploitation et pollution des terres.
  • Le deuxième impact est celui de l’utilisation : à titre d’exemples, si le cloud était un pays, il serait le 5ème plus gros consommateur d’énergie ; entrainer un modèle en deep learning consomme autant d’énergie que 5 voitures durant toute leur vie ; Le simple fait de regarder une heure de vidéo sur une tablette ou un smartphone consomme d’avantage d’électricité qu’un réfrigérateur pendant toute une année.
  • Le troisième impact est celui de la gestion des appareils en fin de vie : 40% des déchets sont bien recyclés, 30% sont recyclés tout court, 30% finissent dans des décharges à ciel ouvert principalement au Ghana.

Alors ce n’est peut-être pas la peine de changer de smart-phone tous les deux ans comme le font en moyenne les français. Par contre, c’est sûrement le  moment de se mobiliser contre l’obsolescence programmée même si elle est aussi vieille que les bas nylons fabriqués par Dupont de Nemours.

Cela ne suffira même pas ! Il faut aussi réduire les usages et penser « sobriété numérique » car la consommation énergétique du numérique a le vilain défaut d’être invisible tout en étant on ne peut plus réelle.

C’est fort de ces constats qu’est né le projet  européen « conscience numérique durable ».

  • Conscience que ce sont les pays développés qui sont les premiers responsables de la surchauffe numérique et font tout ce qu’il faut pour l’être encore plus (En moyenne en 2018, un Américain possède près de 10 périphériques numériques connectés, et consomme 140 Giga octets de données par mois. Un Indien possède en moyenne un seul périphérique, et consomme 2 Giga octets) ;
  • Conscience que l’explosion numérique suit des courbes exponentielles qui rendront son coût énergétique insupportable à court terme ;
  • Conscience que l’accroissement de la production d’énergies renouvelables ne résoudra pas les problèmes car leur consommation s’ajoute à la consommation d’énergie tout court sans la diminuer : c’est l’effet rebond.

Ce projet a pour objectif de développer de façon collaborative, un ensemble d’outils pédagogiques permettant une réflexion sur la durabilité du monde numérique et de ses impacts.

Trois types de production vont être créés en langue française, italienne et anglaise :

  • Guide européen de sensibilisation sur les enjeux environnementaux (et sociaux) du numérique et recommandations pratiques (à destination des enseignants, formateurs, éducateurs, techniciens territoriaux, gestionnaires d'établissement, grand public...)
  • Jeu éducatif sur les usages et "éco-usages" du numérique (à destination des publics de collège). A terme ces outils seront mis à disposition d'un public large et dépassera le cadre du collège (autres niveaux scolaires, mais aussi de toutes personnes intéressées à repenser à travers des outils de réflexion ses usages numériques).
  • Kits de formation pour une durée modulable de quelques heures à des journées entières (à destination des établissements scolaires, des enseignants et des adultes de manière générale).

Il ne s’agit pas de jeter le numérique et de se passer de son formidable potentiel mais d’en faire une consommation mesurée à l’aune de ses  besoins.

Dernière modification le jeudi, 30 janvier 2020
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é