La conception de la difficulté et du handicap a évolué au cours de ces dernières décennies.
Il y a quelques années encore parler de handicap c’était insister sur ce qui manque, sur les déficits, par référence à une norme et l’on parlait de déficiences, d’incapacités de désavantages suivant que l’on évoquait l’aspect lésionnel ou fonctionnel ou social du handicap. Ce sont les associations d’usager qui ont amené de substantielles modifications des conceptions et la notion de handicap est maintenant définie dans la loi de 2005 :
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. »
Nous passons ainsi d’un modèle individuel, où le handicap est conçu comme pathologie individuelle, à un modèle social où il est perçu comme pathologie sociale. Pour être plus précis, le glissement s’opère entre des approches biomédicale (curative) et réadaptative (fonctionnelle) à des approches environnementale (accessibilisation) et politique (droits de l’homme).
Le modèle social prend en compte ce qui semble être maintenant une évidence : avec une même limitation l’individu n’est pas handicapé de la même façon en fonction de son environnement. Au croisement des facteurs personnels et des facteurs environnementaux, il y a la participation sociale.
C’est cette conception positive qui évite de placer la « responsabilité » du handicap sur la personne.
Les objectifs d’accessibilité généralisée qui en découlent visent à concilier modèle individuel et modèle social.
L’accessibilité désigne « la conception de produits, d’équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous, dans la mesure du possible, sans nécessiter ni adaptation ni conception spéciale ». Dans le domaine scolaire : « le service public d’éducation reconnait que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser, il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction ».
Un autre mot clé de l’aide à l’autonomie est la compensation
La compensation se définit par l’aide ou l’ensemble d’aides de toute nature (humaine, matérielle, financière..) apportées à une personne subissant des altérations substantielles et durables dans son état physique, intellectuel ou psychique afin d’améliorer les activités de la vie courante et de la vie sociale. Celle-ci intervient lorsque la société n’est pas suffisamment inclusive.
Un troisième mot clé est l’évaluation.
Il s’agit ici de l’évaluation de la situation et des besoins de la personne. Pluridisciplinaire et multidimensionnelle, elle envisage tous les aspects de la situation : facteurs personnels et environnementaux, obstacles ou facilitateurs aux activités et à la participation à la vie sociale. Cette évaluation est fonctionnelle, elle tient compte du projet de vie et de l’environnement. Elle est convergente et cohérente car elle met en relation ce que le personne sait faire et ce que son environnement lui permet de faire. Elle s’appuie sur une échelle internationale et exhaustive.
La mise en pratique de ces principes doit s’appuyer sur une modèle dit BPS pour Bio Psycho Social qui induit une pratique transdisciplinaire seule à même de prendre en compte les informations de ces trois domaines et de les croiser. En effet la notion de bien être est à l’intersection de ces trois pôles
Et ce modèle impacte donc les politiques sociales même si la société et l’école en particulier ne sont pas toujours très à l’aise pour prendre en compte ces trois dimensions.
A ce propos, les questions de la salle ont permis à Robert Voyazopoulos de préciser quelques préconisations pour faire bouger plus vite des lignes qui sont en train de bouger.
L’école est encore trop centrée sur les programmes et les contenus : il est nécessaire de travailler davantage sur les processus d’apprentissage car tous les enfants ne sont pas armés de la même façon devant les contenus. Qui plus est, travailler sur les processus cognitifs est gratifiant pour les enfants. Enfin la mutualisation et la coopération de tous les acteurs éducatifs dont on a dit qu’elles sont indispensables nécessitent une circulation des informations autour de l’enfant. Le cadre pour cela existe et il convient de l’utiliser pleinement, mais il faut aller plus loin. Un exemple : les temps de concertation doivent être institutionnalisés car ils sont essentiels.
* Robert Voyazopoulos est psychologue et formateur à l’INSHEA (institut national supérieur handicap et enseignement adapté) de Suresne.
Dernière modification le vendredi, 14 octobre 2022