Voyons comment le modèle pédagogique centré sur les apprenants intègre implicitement ces dimensions …
Je vous avais présenté il y a quelques mois un modèle pédagogique centré sur les apprenants avec 4 strates : collaboration/communication, approche disciplinaire, analyse réflexive puis exploitation/partage. Il me semble maintenant important d’analyser l’impact que peut avoir ce modèle dans trois directions : la motivation des étudiants, le rôle de l’enseignant et enfin les outils que l’on peut mettre en œuvre. Ce sera donc l’objet de ce billet et des deux suivants.
La motivation
Roland Viau cadre la motivation en indiquant qu’“elle prend son origine dans trois perceptions qu’un étudiant a de l’activité pédagogique qui lui est proposée :
- la perception qu’il a de la valeur de l’activité : le jugement qu’un étudiant porte sur l’intérêt et l’utilité d’une activité pédagogique en fonction des buts qu’il poursuit,
- la perception qu’il a de sa compétence : la perception qu’il a de lui-même et par laquelle il évalue sa capacité à accomplir de manière adéquate une activité qu’il n’est pas certain de réussir,
- la perception qu’il a de la contrôlabilité : le sentiment de contrôle qu’il exerce sur le déroulement d’une activité et sur ses conséquences.”
(extrait de “La motivation des étudiants à l’université : mieux comprendre pour mieux agir “, R. Viau, 2006)
Il n’est pas nécessaire de faire une grande introspection pour accepter ces principes par rapport à l’expérience personnelle de chacun. Maintenant, il est plus compliqué de voir comment on va s’appuyer sur ces principes pour construire une formation motivante …
1 – La valeur de l’activité
Dans la suite de l’article précité, R. Viau précise que l’activité doit être signifiante (en phase avec les intérêts, projets personnels ou préoccupations de l’étudiant) et authentique (se rapprocher de situations professionnelles crédibles). Ces deux composantes permettent donc de définir le sujet de l’étude (qui n’est pas spécifique au modèle étudié) mais surtout son organisation : dans quelle entreprise est-il précisé qu’il faut travailler seul, sans copier sur internet et sans partager son expérience avec ses collègues ? Ce dernier point est spécifiquement en vogue avec la mode de l’entreprise 2.0 et du social learning. Comme le dit Michael Rose : “Pour que le social learning soit fonctionnel, chaque employé doit savoir qu’il est responsable autant de sa propre formation que de celle des autres”. Ces méthodes de travail, courantes en entreprise, doivent être intégrées dans nos formations, même si cela nécessite de faire évoluer nos critères d’évaluation. En centrant le modèle sur les étudiants qui communiquent et collaborent, on axe délibérément la formation sur le développement de ces compétences, de plus en plus recherchées en entreprise. Toutes les opportunités de rencontre avec des professionnels (stages, visites, interviews, …) permettent de renforcer, chez les étudiants, le sentiment d’alignement entre la formation et la vie professionnelle.
2 – La perception de compétence
Il ne suffit pas qu’un étudiant soit compétant, encore faut-il qu’il en ait conscience ! Cette conscience de sa compétence est aussi appelée auto-efficacité (cf. Bandura). Elle se construit dans l’action mais aussi par la relecture l’action. Cette phase de relecture est explicitée dans le modèle par la phase d’analyse réflexive où l’étudiant va prendre du recul par rapport à ce qu’il a vécu précédemment pour repérer et organiser ses apprentissages et découvertes. L’objectif est entre autre de :
- faire des liens avec les apprentissages antérieurs,
- repérer les nouvelles compétences acquises, ou les progrès faits vers l’acquisition de ces compétences,
- repérer les notions/informations qui doivent être mémorisées,
- repérer les documents qui doivent être archivés, dans l’optique d’une probable utilisation ultérieure (dans la suite de la formation ou en entreprise).
L’enseignant doit soutenir cette démarche, par exemple, en présentant une grille de relecture pour initier les étudiants à cette pratique.
3 – La contrôlabilité
On peut laisser beaucoup de latitudes aux étudiants : constitution des équipes, définition des thèmes d’études, des échéanciers. Ces différentes libertés donnent de l’air aux étudiants et leur permet de s’initier à la prise de responsabilité en entreprise ainsi qu’aux conséquences de leur choix. Cela nécessite de donner un nouveau statut à l’erreur. Seule la persistance dans l’erreur est une faute. L’erreur, elle, doit être considérée comme une occasion d’apprendre et de faire un travail de résilience (qui renforcera aussi l’auto-efficacité). Cette démarche d’analyse continue est aussi appréciée en entreprise (cela s’appelle hansei dans la méthode Lean)
Conclusion
Nous venons de voir que, même si la motivation n’est pas explicitement présente dans ce modèle, elle y est implicitement. Cela n’empêche pas d’exploiter d’autres modèles pédagogiques et de scénariser sa formation en intégrant des situations variées, représentant des défis, à base de problèmes, de projets, de recherches, etc… ou de travailler sur le cadre de travail de nos étudiants. Autant de facteurs qui soutiendront leur motivation !
Loin de moi l’idée de vous convaincre que ce modèle est LA solution à tous les problèmes, il apporte cependant un cadre aligné avec la réalité professionnelle et les attentes des entreprises. Cette cohérence de la formation qui permet de former des professionnels efficaces, voire des citoyens éveillés, est une source de motivation réelle pour nos étudiants et il serait dommage de s’en priver, non ?
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