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"Chaque élève devrait avoir un temps de parole et de participation en classe."  Quelles formes de pratique peuvent rendre cela réalisable durant vos cours ? Quels sont les facteurs inhibiteurs ?
Nous allons réfléchir à la manière de rendre les élèves actifs, notamment en leur accordant un temps de parole et/ou de participation minimal en cours.
 
En effet, nous avons tous vécu des cours où nous étions totalement passifs et durant lesquels aucune intervention ou participation ne nous étaient proposées. Je citerai en exemple, sans vouloir le stigmatiser, le cours de langue. Lorsque je regarde dans le rétroviseur de mon parcours scolaire, je ne peux que faire le constat que les cours de langue auxquels j'ai assisté étaient peu efficaces. La raison en est simple : mes collègues et moi étions passivement à l'écoute de l'enseignant qui passait la majorité du cours à parler.
 
Pour autant, entendre parler une langue est déjà un bon prélude à son apprentissage, certains l’ont bien compris en regardant des films en VO sous-titrée. Mais même dans cette situation on se sent davantage concerné : par l’action et la compréhension de l’histoire, par le défilé des textes du sous-titrage (lire est plus facile qu’entendre une langue étrangère), par la volonté intrinsèque d’apprendre une langue.
 
activitelangues2-60ecd-6d887-a801cPour en revenir à notre cours de langue, si nous mesurons le temps d’activité effectif de chaque élève (temps de parole en langue étrangère, temps d’activité), nous constatons aisément qu’il est très faible et souvent inférieur à une minute sur une heure. La question à se poser n’est-elle pas alors « comment rendre les élèves actifs et acteurs » ? Voyons en premier lieu les leviers puis dans une deuxième partie les freins à lever.
 
1. Les leviers permettant de rendre les élèves actifs :
 
Durant un cours de langue et avec une classe nombreuse, il est difficile de passer la parole plus de 1 mn/heure à chaque élève dans un mode de cours magistral. Nous pouvons envisager deux pistes d’amélioration de ce ratio :
  • Le changement de posture (ou de scenario) pédagogique
  • L’usage de la technologie en renfort de la présence de l’enseignant

a) Le changement de posture (ou de scenario) pédagogique
 
Nous devons envisager une pédagogie centrée sur l’apprenant et non plus centrée sur l’enseignant pour lui dégager du temps de participation et d’action.
Prenons un exemple : plutôt que de faire un cours magistral (ou transmissif) sur « la végétation en altitude », pourquoi ne pas lancer une activité de découverte et de recherche via des livres, photos et sur Internet ? Le travail pourrait être découpé en groupes de recherche, un groupe étudierait l’étagement de la végétation, un autre les espèces de chaque étage, un troisième l’influence de la météo, etc. Cette activité pourrait trouver un rendu intéressant et stimulant sous forme d’un poster réalisé collectivement avec les étages de végétations, des photos, des dessins liés à la météo. Des facultés communicationnelles pourraient aussi être travaillées sous forme de rendu à la classe par exposé, donnant un temps de parole important aux élèves. Ce cours gagnerait énormément en le débutant par une sortie en montagne.
 
Des centres relais proposent des accueils pédagogiques en ce sens*.
 
Ce type de posture pédagogique rend l’élève acteur de son apprentissage via des activités variées et stimulantes (démarche de projets) à faire seul ou en groupe. Les changements seront rapidement visibles car le temps de parole de l’enseignant va baisser au profit du temps d’activité et de parole des élèves. Le rôle de l’enseignant sera donc de concevoir les situations d’apprentissage en conformité avec le programme, d’installer les élèves dans ces situations et d’accompagner le travail en circulant auprès des groupes. Enfin un débriefing final sous forme de débat (« qu’avez-vous appris ou retenu de cette activité ? ») permettra de mettre en avant les points importants de la leçon.
L’enseignant veillera aussi à donner la parole à tous, sans préférence aucune. Il pourra aussi utiliser un système de questionnement qui impliquera tout le monde au lieu de ne faire réfléchir et travailler que l’élève questionné. Il suffira pour cela qu’il pose sa question à la classe en laissant un temps de réflexion en binôme. Ensuite il interrogera un élève au hasard. Ce protocole, pour être efficace, devra être expliqué à la classe avant de poser les questions.
 
b) L’usage de la technologie en renfort de la présence de l’enseignant
 
La technologie, correctement utilisée, permet de rendre actif chaque apprenant en lui proposant une activité individuelle, cadrée, potentiellement personnalisée et répétitive. En cela, elle démultiplie la présence de l’enseignant et rentabilise le temps de classe.
 
Reprenons l’exemple du cours de langue : l’usage d’ordinateurs, de tablettes ou d’un laboratoire de langue va permettre à l’enseignant de placer chaque élève en situation de parler et de comprendre une langue étrangère plusieurs dizaines de minutes par heure (11 minutes en moyenne basse et quelle que soit la taille du groupe : source Sanako**).
 
L’apprenant, étant autonome pour définir son rythme de lecture et d’écoute, pourra l’adapter à ses capacités de compréhension. Un mot non compris pourra être réécouté, recherché. Une erreur commise pourra facilement être corrigée sans mise en défaut collective car le programme de formation est capable de répéter vingt fois la même phrase sans s’impatienter et en toute discrétion !
 
Pour autant il reste important de toujours réserver une plage de dialogue véritable entre apprenants, en éliminant la technologie de l’équation. Un débat final sur ce qu’il faut retenir de l’activité est un bon moyen de fixer les éléments importants du cours, comme vu précédemment.
 
 Les freins à lever pour rendre les élèves actifs :
 
Les principaux freins à la participation orale, que nous pouvons rencontrer durant un cours sont les suivants :
 
  • Environnement d’apprentissage austère (classe, ambiance de groupe)
  • Défaut d’appropriation du lieu par les élèves (ne pas se sentir « chez soi », ou bien accueilli)
  • Pédagogie peu active, rigide, centrée sur l’enseignant
  • Enseignant peu avenant
  • Silence trop imposé
  • Méconnaissance des élèves
  • Vocabulaire inadapté (d’où incompréhension du cours, des consignes ou de la question)
  • Influence des pairs
  • Timidité
  • Situation familiale ou personnelle difficile
  • Problèmes de santé
  • Traitement cognitif plus lent
 
Un élève est rarement actif et participatif seul dans un milieu qui ne l’encourage pas. Un cours qui se déroule dans une ambiance rigide, directive, magistrale, silencieuse ne se prêtera donc pas à une participation active et volontaire. L’enseignant devra donc créer une atmosphère propice à la collaboration, à la participation, au débat.
 
Pour se sentir un peu « chez eux », les élèves devront pouvoir s’approprier le lieu dans la mesure du possible (aménagement de la salle pour l’activité visée, affichage de travaux aux murs, utilisation du tableau, du matériel…).
 
L’enseignant devra connaitre au mieux les élèves pour cerner toute évolution de comportement anormale, signe d’un obstacle à l’apprentissage pouvant révéler des problèmes familiaux ou de harcèlement par exemple. Il devra aussi être vigilant à l’influence des pairs sur le développement de chaque individu, en limitant l’impact des remarques négatives, en canalisant les tensions et en encourageant les plus timides.
 
Personnellement je porte également une attention toute particulière au vocabulaire que j’utilise pour qu’il soit compréhensible par tous. Trop souvent, notre volonté de faire de « belles phrases » nous éloigne de notre rôle de pédagogue. Pour autant enrichir le vocabulaire de nos élèves est important, n’oublions pas alors d’expliquer les mots nouveaux que nous employons, ou même de leur faire expliquer pour vérifier…encore un moyen de faire participer vos élèves !
 
L’article est téléchargeable au format pdf avec mise en page : http://www.slideshare.net/jf.ceci/essay-2-fr1
* Le relais de Lans en Vercors [en ligne] : http://www.ouloiret.fr/lansenvercors/les-ramees-etude-de-la-flore-du-vercors-2 (consulté le 27/02/2014)
** Sanako, concepteur de labo de langues [en ligne] :http://www.sanako.fr/laboratoire_de_langues/(consulté le 27/02/2014)
Dernière modification le lundi, 16 janvier 2017
Céci Jean-François

Jean-François CECI est enseignant en Humanités et culture numérique à l'UPPA (Université de Pau et des Pays de l'Adour) et responsable pédagogique du DUTM (Diplôme d’Université Techniques Multimedia). Il encadre également une option « Ingénierie de l’éducation et de la formation » en licence 3 professionnelle « Métiers de la Formation des Jeunes et des Adultes ». Au sein de cette licence, il dispense un cours intitulé « enseigner à l’ère du numérique » à de futurs enseignants. Praticien-réflexif, il expérimente les pédagogies actives, l’évaluation par les pairs et l’usage efficient du numérique éducatif.

Il mène des recherches en sociologie du numérique et de l’éducation au sein du laboratoire PASSAGES. Il s’intéresse plus particulièrement à l’hyperconnexion et l’apprentissage, du collège à l’université.

Dans le milieu associatif pour la refondation de l’école, il est administrateur à l'An@e (Association nationale des acteurs de l'école), éditrice du site http://www.educavox.fr

Comme directeur du service numérique, chargé de mission TICE puis conseiller numérique, il a participé à la vision stratégique et au pilotage politique et technique de son université, en matière de numérique éducatif.

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