1 – Vous avez dit culture ?
On peut envisager le mot “culture” selon deux sens complémentaires. D’un côté, la culture regroupe tout ce qui touche au patrimoine, que ce soit les arts, les langues, les traditions, les sciences… Et de l’autre, la culture correspond à nos modes de vies, nos usages. On parlera par exemple de la culture jeune qui intègre le langage et le vocabulaire utilisé, la mode vestimentaire, les rites gestuels, les loisirs privilégiés, etc. Mais on peut aussi bien parler de la culture d’une entreprise pour regrouper les valeurs portées, les habitudes de travail, les modes de relations, les règles de vie, …
2 – Comment les outils informatiques impactent-ils notre culture ?
Toutes les données peuvent se retrouver dans un format numérisé ‘homogène’. Que ce soient des textes, des vidéos, des relations, des événements d’un agenda, des opérations bancaires ou des localisations, nous pouvons les coder en une succession de 1 et de 0. Ce format générique permet d’y accéder n’importe quand et n’importe où, mais aussi de générer des critères pour caractériser et quantifier ces données numérisées. On peut ainsi chercher à savoir combien… ? A quelle fréquence… ? Quand… ? Où… ? Autant d’informations complémentaires qui caractérisent notre utilisation de ces outils et de ces données.
D’un autre côté, ces outils transforment radicalement nos modes de communication et notre relation aux autres. Nous pouvons, à tout moment, entrer en relation avec nos ‘amis’, même les plus éloignés géographiquement, de façon synchrone ou asynchrone, par message textuel audio ou vidéo. Cette opportunité révolutionne le concept de proximité géographique en introduisant une possibilité d’ubiquité qui est “la possibilité d’être à la fois simultanément présent ici et ailleurs” (cf. Retour sur la notion de proximité géographique de A. Torre) sans développer systématiquement des interactions avec nos voisins géographiques (notion de mobilisation des potentialités de la proximité géographique).
3 – L’image d’un monde idéal
Ces outils informatiques nous donnent l’impression que tout est facile, tout est accessible en un clic !
On peut consommer et trouver n’importe quel objet, en choisissant la taille, la couleur, le délai de livraison, le mode de paiement, … Il en va de même pour la consommation d’informations. Enfin, la participation et l’expression personnelle dans l’agora d’internet est facile : on like, on partage, on diffuse, … presque sans s’en rendre compte.
Pour compléter cette vision, l’accès à toutes ces ressources (que ce soient des informations, des services ou des personnes) nous permet de travailler de façon plus efficace : on peut collaborer à de nombreux projets, qu’ils soient personnels ou professionnels sans forcément connaître tous les acteurs impliqués. Wikipédia en est l’exemple emblématique. “Pris individuellement, les wikipédiens sont bien moins savants que les savants, mais en s’imposant à chacun de demander aux autres s’ils ont vérifié, sourcé, équilibré, etc., leurs productions, bref, en veillant à ce que les autres aient fait l’effort de découvrir, et ceci, sans jamais interroger le savoir de ceux qu’ils pressent de chercher, ils font advenir une forme de production de connaissance plus solide que celle des savants” (Dominique Cardon et Julien Levrel,
Réseaux 2009/2, La vigilance participative. Une interprétation de la gouvernance de wikipedia).
Enfin, nous avons une vision d’un monde équitable. L’accès aux informations est ouverte à tous, sans discrimination. Le web 2.0 a offert à chaque internaute un espace d’expression avec une portée potentiellement mondiale.
Chacun a la possibilité d’émettre son point de vue et d’afficher ses convictions librement.
Cette légitimité à s’exprimer déborde de l’espace en ligne et influe sur les relations interpersonnelles dans le quotidien, que ce soit en famille ou dans le contexte professionnel, pour ne prendre que ces deux exemples.
4 – Une lourde responsabilité sur les épaules de chaque utilisateur
Dans ce monde d’apparence facile, efficace et équitable, tout n’est pas si rose. Il incombe à chaque utilisateur d’avoir conscience de l’impact de chacun de ses actes et cela nécessite des efforts non-négligeables qui se répartissent dans trois grandes directions. Le premier effort se situe au niveau des informations que nous recevons. Nous sommes tenus de les filtrer, les traiter, les croiser, les comparer, vérifier les sources pour les comprendre et les analyser. Ce travail ne cherche pas la vérité mais une vision nuancée et équilibrée, intégrant les différents points de vues.
Le deuxième effort à fournir se rapporte à la mise en place réelle d’une démarche collaborative et consiste à s’engager ‘en aveugle’. Il faut en effet commencer par donner, sans savoir si un retour arrivera et persévérer pour que le collaboration se diffuse au sein d’un collectif. Afin de soutenir cette persévérance, un regard bienveillant sur l’erreur est essentiel : l’erreur n’est pas une faute mais une étape normale du processus d’apprentissage.
Tous ces éléments correspondent à un changement de mentalité et représentent un effort réel.
Enfin, il nous faut prendre conscience de l’impact de nos choix, en prenant en compte leur aspect éthique, social, écologique, … (et on peut allonger la liste).
Cela commence par la maîtrise de ses données personnelles et se prolonge rapidement par le choix des outils que l’on utilise.
Tous ces choix ne peuvent être qu’un compromis entre le coût financier, l’aspect social et écologique, l’ergonomie, la maîtrise des données traitées, la fiabilité, …
Tous ces éléments nous imposent de toujours chercher l’équilibre entre l’idéal que l’on nous propose et l’effort à fournir pour en avoir un usage raisonné. Nous avons les épaules bien chargées et la responsabilité d’initier nos élèves, mais aussi nos proches à toutes ces évolutions.
C’est un vaste programme et un enjeu critique … Un beau défi !
PS : Lien vers le diaporama qui a servi de support à cette présentation
Jacques Dubois
http://dane.ac-dijon.fr/2019/03/28/culture-numerique-contours-et-enjeux/
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Dernière modification le vendredi, 26 avril 2019