Comment conduire les élèves à l’acquisition d’une véritable culture informationnelle dont les objectifs sont de réussir à Réaliser, Réfléchir et Résister dans le contexte du numérique ?
La lecture des travaux de Louise Merzeau[1] a été pour moi éclairante. Avec le numérique, l’un des bouleversements majeurs à prendre en compte dans notre enseignement est la mémoire de nos activités sur le web et leurs enjeux sociétaux. Cette mémoire est une mémoire totale au point de pouvoir parler de l’hypermnésie du web. En effet, le web est devenu un vaste entrepôt de données dont beaucoup sont des données personnelles.
Toutes nos activités sur le web laissent des traces, on parle aussi de traçabilité de l’individu qui estdevenu une collection de traces. Certaines de ces traces sont intentionnelles (un mail, un commentaire, etc.), d’autres ne le sont pas. Elles sont techniques, automatiques (IP, cookies, navigation, requêtes) ou proviennent d’un tiers.
Par ailleurs, ces traces sont combinables par les grandes firmes : les données stockées, dupliquées, croisées par elles, forment alors des métadonnées qui permettent de profiler l’individu, on parle deredocumentarisation de l’individu.
Pour exemple, avec la géolocalisation :
- les données sont la longitude, la latitude, l’horaire et le nom du lieu
- les métadonnées sont comportementales : quel lieu pour faire quoi ?
- la donnée est la requête
- la métadonnée produite peut être, entre autres, l’historique de toutes les requêtes
Dans ce contexte, il faut alors surveiller son identité, verrouiller la confidentialité des données. Ce que regrette Louise Merzeau qui déplore par ailleurs une dimension individualiste dans ce concept réducteur d’identité numérique, conduisant à une défense de soi, à une défense de la réputation de soi. Or, il faut aller au-delà de la surveillance de son identité numérique et exercer une présence numérique dans un espace public en se réappropriant ses traces. Il faut aller vers une intelligence mémorielle, passer du stockable au mémorable, bref, anticiper sa traçabilité.
Le document ci-dessous permet de percevoir selon la nature des traces déposées le degré de traçabilité que l’on atteint, le plus haut degré à atteindre étant celui de la présence numérique lorsque nous parvenons à nous réapproprier les traces.
Avec l’autorisation de l’auteur qui mentionne à son tour la source d’origine qui l’a inspirée : Silvère Mercier « La pyramide d’un projet de médiation numérique » In Bibliossession accessible sur http://www.bibliobsession.net/2011/04/08/la-pyramide-dun-projet-de-mediation-numerique/ <consulté le 29/03/2012>).
La question qui se pose alors est comment mettre en œuvre des apprentissages pour exercer cette intelligence mémorielle ? Certainement cela doit-il passer par :
- la connaissance des outils : leur histoire, leurs usages, leur économie
- la connaissance de leur fonctionnement pour savoir interpréter leurs résultats
- l’acquisition de compétences en matière de lecture et d’écriture de ces outils
L’analyse des différents documents demandés pour l’évaluation, ainsi que les questionnements individuels lors des situations d’apprentissage montrent que les élèves ont bien pris conscience des traces de leurs activités sur Internet. Je regrette cependant que cette prise de conscience porte davantage sur les traces qu’ils publient que sur celles prises par les services du Web utilisés, ou laissées par leurs machines. Peut-être cela montre-t-il la nécessité d’enseigner davantage les aspects technologiques de ces services en ligne pour parvenir à une véritable culture technique nécessaire à l’acquisition d’une culture informationnelle.
Ces deux séquences m’ont fait prendre conscience d’un autre objectif devenu important dans mes situations d’apprentissage : apprendre aux élèves le concept de publication dans le contexte du numérique, et son corollaire de notions afférentes (auteur, source, chaine éditoriale, économie de la publication, autoritativité, support-logiciel, propriété intellectuelle, etc.).
[1] Louise Merzeau est Maître de Conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense. On trouvera sur son site les axes de ses recherches, notamment l’axe « la question de la mémoire ». http://www.merzeau.net/index.html <consulté le 29/03/2012>. Le support de son intervention au 9e Congrès de la Fadben est en ligne à cette adressehttp://www.slideshare.net/louisem/reconstruire-la-mmoire-de-nos-traces-numriques <consulté le 29/03/2012>.
[2] Pour chaque séquence je décris dans les documents joints les objectifs, le déroulement des séances, et les modalités d’évaluations auxquelles j’ai procédé à différents moments des situations pédagogiques construites. La séquence niveau 1ère est moins détaillée puisqu’en cours de réalisation. les éléments d’évaluation sont donc moins nombreux.