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Depuis la réforme Haby et la fin des orientations ouvertement différenciées dans le parcours éducatif, le système scolaire a fondamentalement intégré la valeur centrale de l’inclusion/intégration des élèves comme sa dimension à la fois constitutive et la plus consensuelle.

Nul ne peut aujourd’hui remettre en cause en droit cet axiome de l’école qui se doit d’intégrer tous les élèves, de soutenir et d’accompagner les plus fragiles à une réussite scolaire adaptée à leurs profils.

Et le corolaire de cette fin vertueuse est bien entendu la lutte contre le décrochage scolaire : point focal de toutes les réformes du collège depuis quelques années.

Oui, le « primaire supérieur » n’est plus qu’un lointain souvenir de notre histoire éducative, aux relents désuets de vieux cahiers aux feuilles épaisses et d’encre d’écoliers, de buvards à la surface cotonneuse, de blouses et de coupes au bol. Mais cette « école de l’ancien temps » n’est pas seulement présente par la nostalgie formulée explicitement dans le verbe de quelques-uns.

Elle s’affirme encore, par ses exigences et ses travers élitistes dans la majorité des esprits éducateurs.

Elle se dit et se pratique également dans nombre de gestes professionnels encore inchangés : de la correction des copies à l’orientation des élèves, de la manière de concevoir l’excellence scolaire et de faire cours à celle d’envisager le métier d’enseignant.

Et c’est bien ce décalage, historique et culturel, qui se lit dans les cœurs et parfois se dit à demi-mots, à parole comptée, dans les salles des professeurs et les conseils de classe. Qui n’a jamais entendu résonner cette formule d’oracle concernant un élève : « il n’a pas sa place ici ». Cette phrase encore très commune, énoncée quotidiennement des centaines de fois par jour dans les établissements de France, traduit de manière lapidaire et définitive l’idéologie dominante de notre système éducatif, signe l’échec concret de l’école inclusive.

L’idée que tous les élèves – y compris les plus fragiles, y compris les handicapés – ont bien leur place dans l’école de la république n’est pas encore majoritairement intégrée – et loin s’en faut.

Il est même certain qu’elle laisse la quasi-totalité des équipes dans le plus grand scepticisme. C’est une formule encore vide de tout sens, privée de toute réalité incarnée et signifiante.

On la lit et l’entend, mais l’esprit reste comme déconnecté et vide au moment de son énonciation. Les mots sonnent creux, la résonance ne fait pas et ne vaut pas raisonnement. L’école du socle commun, qui est supposée constituer et instituer cette réalité de l’inclusion en ouvrant un droit opposable aux élèves, est emblématique de ce désarroi général.

Le ministère a en effet impulsé une tentative de mise en application de cet objectif en construisant un outil : le livret personnel des compétences.

Ce dossier individuel est supposé enregistrer tout au long de la scolarité du collège (surtout) les compétences acquises par les élèves selon la grille des compétences établies. Et les établissements sont supposés corriger les défaillances et les manques au fur et à mesure qu’ils sont mesurés : pour au final ne laisser aucun élève sortir du système sans avoir acquis l’ensemble des compétences du socle.

Voilà pour la philosophie générale. Mais dans la pratique, le livret personnel des compétences est devenu une « usine à cases » (formule bien sentie des syndicats enseignants) dont le remplissage occupe et prend beaucoup de temps : pour une majorité d’élèves pour lesquels la question ne se pose d'ailleurs pas de manière pertinente. En revanche, les 5 à 10% d’élèves qui, en moyenne par collège, n’ont pas acquis les compétences du socle sont laissés à eux-mêmes : sans réellement d’accompagnement ni de prise en charge instituée.

Cet exemple du socle commun est très révélateur de l’incapacité administrative à gérer authentiquement les problèmes et à identifier les véritables objectifs. Car la finalité du socle commun ne se réduit pas à évaluer tous les élèves, mais bien à leur faire acquérir à tous les bonnes compétences.

Toute l’énergie et l’intelligence fabricatrice dont l’école est capable fut concentrée – et même dispendieusement engloutie – dans une tâche de Sisyphe qui consistait à cocher des cases dans un tableau – sans qu’il ne soit jamais envisagé sérieusement de donner la moindre suite à cette activité de bureaucrate.

L’élève disparaît comme par enchantement derrière ses croix et ses bannières numériquement orchestrées, avantageusement identifiées par souci comptable de tout noter. L’intelligence pédagogique du dispositif comme du projet initial disparaissent. Seules restent des petites croix dans des colonnes, des tâches vides de sens : remplir des tableaux que presque personne ne lit et ne lira jamais – le LPC, encore un bel acronyme qui donne bonne conscience et sonne comme un label – et qui ne présentent d’intérêt que pour une institution bureaucratique qui se donne ainsi bonne conscience ; mais qui reste totalement oublieuse des élèves.

Cette histoire du socle commun continue de sa belle vie. Personne ne semble se rendre compte que le cadavre ne bouge plus et que les difficultés des élèves ne sont pas rangées dans ce placard. Un jour viendra où une sage décision ministérielle finira par abandonner le dispositif formel : enterrant, il faut le craindre, avec elle la finalité visée d’une remédiation pédagogique – il faut le reconnaître bien éloignée de cette tâche besogneuse et insignifiante de scribe éducatif que l’on a assignée aux professeurs.

La prise en compte sérieuse de la thématique de l’inclusion scolaire nécessite en effet que l’on intègre – et c’est ce qu’on a tenté de faire, il faut le reconnaître, très maladroitement avec le socle commun – une évaluation par les compétences : pratiquée dans le primaire depuis fort longtemps, difficile à transposer dans le secondaire pour diverses raisons – qui tiennent à la fois à la culture enseignante, à la nécessité des examens et à des habitudes acquises.

L’évaluation par la notation est en effet constitutive de la culture éducative du secondaire.

Les enseignants sont imprégnés jusque dans leur modalité de sélection par cette logique de l’excellence qui consiste fondamentalement à mesurer une performance scolaire comme on indique une performance sportive.

L’échelle de notation se construit ainsi selon une norme idéale de réussite, celle d’une perfection à atteindre qui donne en même temps un chemin à suivre, une voie unique de laquelle décrochent les moins méritants. Et pour ceux qui atteignent le sommet, l’ivresse du succès s’apprécie en proportion de ceux que l’on a laissés derrière soi. La satisfaction narcissique est comparative ou elle n’est pas. Et il faut bien éduquer les élèves à cet esprit de compétition qui reste et restera celui de la société.

Mais l’école n’est pas la société. Et la société elle-même possède des pratiques qui ne sont pas nécessairement vertueuses et dont les manières pourraient être corrigées ou estimées inappropriées.

Le fait n’est ici pas le droit – encore moins la règle éducative. La notation est faite pour classer les élèves les uns par rapport aux autres. Elle sert également à leur permettre d’estimer quelle est leur place dans une logique de pure performance. Pour ceux qui réussissent, elle n’a que des effets bénéfiques : les conforter dans leur estime de soi, encourager leur motivation personnelle, établir objectivement les échelles de progression… Pour un système éducatif méritocratique, elle constitue l’outil indispensable à la sélection des meilleurs.

Mais toutes ces qualités de l’approche par notation n’ont strictement rien de pédagogique.

Pour les élèves les plus fragiles, pour les « derniers de cordée », elle écrase et anéantit impitoyablement toute velléité de progrès, toute estime raisonnable de soi-même, toute énergie – y compris celle du désespoir. La mauvaise note est une déprise : la cordée n’est pas solidaire. Les meilleurs ne « tirent » pas les autres vers le haut mais les regardent en surplomb.

Comment ne pas tenir compte de cet effet psychologique sur les élèves ? Et pour ce qui concerne les vertus pédagogiques de la notation, elles sont quasi inexistantes. L’élève comprend-il par la note ce qu’il a mal fait ? Est-il capable à travers l’évaluation rendue de corriger ses erreurs ? En aucun cas, puisque telle n’est pas la finalité recherchée. La note le classe, le répertorie, identifie la mesure de sa performance que l’enseignant ensuite interprétera à sa guise et selon ses propres grilles d’analyse. Mais l’élève, lui, reste avec sa note et la coloration psychologique qu’elle induit en lui.

Toute autre est l’approche par les compétences.

Il s’agit alors d’estimer le travail de l’élève en lui-même, de mesurer ce qu’il a acquis selon une grille de lecture qui ne se réfère ni à une performance ni à une comparaison.

L’élève est seul devant son travail, sous le regard bienveillant du professeur qui juge son travail sans le juger lui-même, en tant que personne et pour des qualités non scolaires. Car tel est l’autre travers de la notation : passer incidemment du travail et de l’exercice scolaire à la caractéristique individuelle de l’élève pour ensuite classer cette qualité personnelle comparativement aux autres. Certes, l’objectif pédagogique n’est jamais celui-ci. Mais la frontière n’est pas très loin, ses lignes de démarcation restent parfois discrètes et ténues. Il leur arrive d’être franchies : dans le feu des pratiques, sous la pression parfois du stress professionnel des enseignants confrontés à l’un des effets pervers de la « violence symbolique » exercée par les notes : la contre-violence, souvent moins symbolique, des élèves en difficulté et qui le manifestent par les voies d’un comportement déviant.

Oui, la notation est une aberration pédagogique, une faute humaine, un obstacle à la prise en compte sérieuse et responsable de la difficulté scolaire. Faite pour une école d’un autre temps, elle génère par elle-même des dysfonctionnements qui sont à la fois scolaires en contribuant à alimenter le flot continu du décrochage, et tout simplement humains en dégoutant nombre d’enfants de l’école et en contrariant leurs chemins éducatifs. Faite pour trier et sélectionner les élèves, elle « n’a plus sa place » dans l’école d’aujourd’hui et de demain.

Et la notation renvoie alors, comme en un prolongement naturel, aux modalités d’orientation des élèves.

Jusqu’à l’actuelle réforme du bac qui entend mettre un terme aux filières, la logique de l’orientation est celle d’une gare de triage : les trains arrivent, on en vérifié les contenus et les cargaisons, et ils sont ensuite ventilés selon les voies correspondantes.

Certaines voies ont des destinations enviables, d’autres moins. Et d’autres encore sont purement et simplement des voies de garage. Telle est très exactement la réalité de notre système éducatif qui est théoriquement acquis à la cause de la massification et de la démocratisation, mais structurellement gagné par la prégnance d’un élitisme qui ne se dit jamais. Car l’excellence est bien, encore et toujours, l’effet recherché. Peu importent les élèves fragiles : le système et ceux qui le font vivre tirent satisfaction de la réussite des meilleurs.

Le bac S est ainsi ce qu’il convient de suivre quand on a quelques ambitions, les autres filières restant majoritairement choisies par défaut et dans une claire hiérarchie des moyens et des fins. Au bas du tableau du professeur chargé de l’orientation, on trouve les filières professionnelles : véritablement sinistrées et tellement délaissées par l’administration centrale que des formations n’ayant depuis plusieurs décennies déjà plus aucune débouchée professionnelle – comme par exemple la majorité des bac pro du tertiaire – sont encore proposées aux élèves – par manque de courage d’abord puisqu’il faudrait supprimer en nombre des postes d’enseignant, par manque de considération aussi et ensuite pour ces élèves qui sont parmi les plus fragiles et pour lesquels on se dit cyniquement qu’après tout et en dépit de leurs difficultés on leur « donne » un bac.

Il convient de souligner ce fait remarquable : la massification des publics scolaires s’est accompagnée dès ses origines d’un traitement administratif des flux visant à préserver l’ancienne logique de la sélection par un tri sélectif des élèves en genres et en espèces. On peut ainsi authentiquement parler de taxonomie scolaire : tant le système s’est sophistique en créant des sous-catégories – par exemple avec les jeux des options et des spécialités. Ainsi, un bac S avec une spécialité « mathématiques » et une option « Latin » ou « Chinois », associées qui plus est à une langue vivante Allemand ou à une section internationale, font entrer l’élève dans l’espèce dominante de l’évolution scolaire. Véritable roi de la création, toutes les portes de l’enseignement lui sont alors ouvertes.

Il importe ici de bien cerner le double discours qui entoure ces pratiques : l’orientation par filières est bien entendu faite pour l’intérêt de tous les élèves et toutes les voies, théoriquement, se valent et conduisent à une réussite. Mais la réalité dément ces discours : au point que la voie d’excellence pour une poursuite d’études littéraires reste également celle du bac S. L’orientation, là encore, est secondairement faite pour bien orienter les élèves selon leurs profils (puisque de bons profils littéraires « doivent » faire S), et prioritairement faite pour les classer et les trier selon des perspectives de réussite et d’excellence graduées. La massification n’est donc pas une démocratisation. L’école de la république reste structurellement marquée par un élitisme qui organise et régit les parcours sans réellement déclarer ses intentions – même si celles-ci n’échappent à personne, et certainement pas à ceux qui aspirent à l’excellence.

Et au-delà de ces réalités organisationnelles et administratives qui viennent contredire la philosophie de l’école inclusive comme l’accompagnement sincère et équitable de tous les élèves vers leur réussite, il existe une dimension plus prégnante encore qui est celle de la culture enseignante.

Eux-mêmes formés pour la plupart à l’aune de l’excellence scolaire théoriquement définie, ils attendent de leurs publics cette même réussite et l’évaluent selon les mêmes critères. La difficulté scolaire n’est pas ainsi perçue comme ce qu’il faut corriger mais d’abord comme ce qu’il faut mesurer, quantifier, puis « orienter ». L’essentiel du travail pédagogique, comme la satisfaction professionnelle légitime qu’il est possible d’en tirer, se structure du côté lumineux des pratiques : celui des élèves qui réussissent et avec lesquels tout est plus facile.

A la décharge des enseignants, l’effet le plus manifeste de la massification est quantitativement celui des effectifs dans les classes et de l’hétérogénéité des publics au sein de ces effectifs pléthoriques.

Il y a logiquement plus d’élèves, et davantage d’élèves en difficulté puisqu’ils se trouvent désormais accompagnés là où ils « n’auraient pas dû ni pu être » il y a de cela quelques années. La conséquence mécanique et pédagogique de la situation est alors simple et imparable en l’état : le professeur fait cours pour ceux qui suivent ; les autres sont laissés là où ils sont, puisqu’ils n’y sont à l’évidence « pas à leur place ». Et contre un tel mal, il n’y a point de remède. Tel est le constat, mi fataliste, mi élitiste, de bon nombre d’enseignants. Et leur impuissance à agir se trouve une bonne conscience dans la logique – portant caduque – de la méritocratie scolaire. La pédagogie reste fondamentalement organisée autour des bons élèves : logique des programmes à tenir coûte que coûte, des examens à faire passer et des taux de réussite à atteindre pour les établissements. Jusqu’aux modalités de la pédagogie, inchangées depuis des décennies, descendantes et verticales et allant des maîtres dispensant des savoirs vers les élèves ignorants de tout et passivement récepteurs de l’éternel message professoral.

Mais tout cela ne tient plus, infrastructure et superstructure scolaire prises dans une logique méritocratique et sélective ne permettent plus aux acteurs éducatifs de faire face à la masse grandissante des publics accueillis.

Le vaisseau éducatif craque de toutes parts, les voies d’eau sont ouvertes et la ligne de flottaison gagne la cabine de commandement. Les objectifs proclamés d’inclusion et de démocratisation n’ont pas encore affecté le cœur du dispositif : celui des pratiques dans les classes, de l’évaluation des élèves, de la prise en compte authentique de leurs besoins.

Mais pour faire face malgré tout à ces publics mal profilés et étrangers aux dispositifs en vigueur, on a développé des corrections marginales. Puisqu’on ne peut former correctement ces élèves pourtant là, on modifie les niveaux d’exigence aux examens, on crée et on entretient des filières « au rabais », on sectorise et circonscrit le mal à défaut de le soigner. Faute de guérir sa fièvre, on casse donc le thermomètre : la solution est connue et a fait ses preuves.

Tout va donc très bien, puisque les taux de réussite au bac ne cessent de monter – et le nombre de mentions avec lui – et puisqu’on a atteint l’objectif formulé dans la loi de 1989 de scolariser 80% d’une classe d’âge au niveau du bac.

Mais la crise éducative est là, cela ne dupe personne.

Le mal est dans le corps, il s’attaque aux organes vitaux : aux programmes enseignés qui balbutient et ânonnent des réformes en cascade sous lesquels croulent les enseignants, aux notations des élèves qui perdurent et les font errer sans repères au sein de publics de plus en plus inappropriés et de moins en moins dociles à la violence symbolique des enseignements, aux relations pédagogiques enfin qui se crispent et se tendent au point de décourager des vagues de nouveaux professeurs.

Jamais l’éducation nationale n’a enregistré autant de démissions, aussi peu de candidats aux concours. Le bateau coule, l’équipage quitte le navire. Les femmes et les enfants d’abord. Mais non, les élèves doivent rester à bord, sont condamnés à couler avec le vaisseau éducatif qui les embarque à leur insu dans la consternante histoire de la massification avortée, refusée, méprisée, bafouée… Et en attente de sa libération.

Celle-ci ne peut venir, d’abord, que de la pédagogie.

La différenciation est la voie à suivre, aidée par les nouvelles technologies qui individualisent et responsabilisent naturellement les élèves devant leurs apprentissages.

Le cours magistral n’est plus et ne peut plus être : modèle hérité d’un temps où le professeur et les élèves se comprenaient à demi-mots, parlaient le même langage d’une méritocratie scolaire et d’une aristocratie des savoirs. Mais on a décapité ces rois, les savoirs n’ont plus de tête pensante : seulement des membres, infiniment déployés en réseaux sur la toile numérique, envahissants et disponibles. Le professeur est alors celui qui raccorde ces éléments disparates entre eux, qui aide l’élève à reconstituer le corps de cette araignée des connaissances qui tisse sa toile dans les têtes. Le cadavre bouge encore, certes. Mais l’enseignant n’est plus, lui, la tête. Il ne peut plus l’être. Cette autorité-là lui est refusée. C’est triste, c’est injuste : mais c’est l’indépassable réalité de notre temps.

L’enseignant n’a plus d’autorité parce qu’il a perdu celle que lui conférait la maîtrise des savoirs : non parce qu’il ne les maîtrise plus, mais parce que chacun estime que les savoirs ne sont à personne et que leur mode de transmission n’est plus seulement celui de l’école.

Mais c’est aussi parce que les savoirs ne sont plus l’unique objet à transmettre : on parle de compétences, c’est-à-dire de savoir-faire, de savoir-être, de savoir-devenir.

Le savoir n’est plus seul, on lui adjoint un compagnon de route, un mot-relais qui lui donne plus d’assise et de sens comme pour le rassurer et lui permettre de mieux affronter un monde où ils sont les uns vis-à-vis des autres en forte concurrence – qui le relativise aussi. Il y a désormais des « savoirs-machin » pour autant de champ du réel à appréhender. Et l’enseignant est de nos jours un enseignant des savoirs-machin. Cela en impose moins, c’est certain. Et comme tout savoir possède sa place dans le grand inventaire de « ce-qu’il-ne-faut-pas-ignorer », tout élève doit également avoir sa place dans l’école de la république.

Il existe donc bien un conflit entre deux écoles, entre deux fins éducatives. Et ce conflit des valeurs, entre logique d’inclusion et logique d’excellence, est incontestablement l’un des plus essentiels – et sans doute même le plus important par ses incidences – dans la crise que traverse aujourd’hui notre système éducatif qui se cherche encore un centre – celui-ci n’étant pas pour l’heure, à l’évidence, l’élève lui-même.

Jean-Christophe TORRES

Dernière modification le dimanche, 20 janvier 2019
Torres Jean Christophe

Proviseur au lycée Léopold Sédar Senghor à Evreux (lycée campus des métiers et des qualifications - biotechnologies et bio-industries de Normandie). Agrégé de philosophie, auteur de plusieurs essais dans les domaines de la philosophie morale et politique, de la pédagogie et de la gestion éducative.