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Publié par Michel GUILLOU sur son blog cette réflexion essentielle sur les temps et les espaces...

François Lermigeaux, sur son blog, signe hier un billet qui évoque les bouleversements induits par le numérique dans l’espace de la classe. Quelle disposition, quelle organisation ? Comment faire travailler les élèves avec chacun un ordinateur ou une tablette, quelle est la place du professeur ? Quelle posture, quelle médiation, quel accompagnement ?

Ce sont là des questions essentielles qui émergent aujourd’hui. En classe numérique, la parole est au travail autonome, alternativement personnel puis collectif, la parole est de moins en moins au professeur…

De fait, ce ne sont plus les classes — le temps des sempiternelles 55 minutes, comme les traditionnels espaces rectangulaires — qui doivent s’adapter aux architectures mais ces dernières qui doivent proposer aux classes numériques d’autres modes d’organisation spatiale et temporelle.

Déjà, depuis quelques années, un certain nombre de dispositifs, IDD, TPE, accompagnement personnalisé, enseignements d’exploration, etc. avaient déjà bouleversé les rythmes et les structures. Ces changements profonds avaient proposé aux professeurs, dans les collèges et lycées, notamment, des rencontres transversales, des thématiques partagées, des modes d’évaluation nouveaux, des parcours collectifs et exploratoires.

Avec le numérique, tout risque d’aller plus vite encore…

Des espaces déstructurés.

Pour pouvoir utiliser les outils numériques et leur potentialités, il faut pouvoir être mobile. Ce nomadisme pédagogique dans les établissements scolaires est alors grandement facilité par l’ouverture des espaces appelés traditionnellement salles de classe afin de permettre d’investir des espaces plus petits, plus dispersés, plus ouverts, ouvrant la possibilité d’un travail individuel comme d’un travail collectif en groupes réduits. Partout, dans ces espaces, les élèvent doivent pouvoir trouver des terminaux d’accès à Internet et aux outils de recherche, d’autres terminaux pour construire, élaborer, écrire, échanger, parcourir des espaces d’information ou des séquences pédagogiques. 

Y sont disponibles bien sûr tous les outils numériques — je ne veux pas les nommer car je ne sais pas ce qu’ils seront quand tout cela sera en place — mais aussi toutes les autres formes traditionnelles d’accès aux savoirs, livres, manuels, médias de presse magazine ou quotidienne, matériels d’expérimentation divers…

Tout l’espace doit être disponible pour toutes les formes d’organisation spatiale pédagogiques possibles, à l’initiative des professeurs mais aussi des élèves, dans le cadre d’un travail en autonomie. Le mobilier lui-même doit être modifié pour qu’il soit allégé et rendu aisément mobile et donc mobilisable.

Le débat qui agite, depuis quelques années, le microcosme de la documentation et de l’information, avec la proposition de l’inspection générale de réfléchir à l’évolution des CDI en learning-centers — décidément, je ne me ferai jamais à ce mot si laid — est évidemment fort salutaire, au-delà de l’éventuelle évolution des missions confiées aux professeurs documentalistes. Il tend justement à déstructurer et réorganiser les espaces dans l’objectif de les ouvrir davantage et de rendre les acteurs mobiles.

Des rythmes modifiés.

Il y a bien longtemps que tout le monde sait que l’heure traditionnelle de classe, 55 minutes, en fait, ne convient généralement pas ni aux élèves tels qu’ils sont aujourd’hui, ni aux formes d’enseignements telles que la plupart deviennent à l’heure du numérique. Déjà, dans certaines disciplines, des tentatives de faire bouger ce cadre ont eu lieu, soit pour raccourcir la séance, si elle est pour l’essentiel magistrale, soit pour l’allonger si elle inclut de nombreux moments de travail en groupes de recherche, d’observation ou d’expérimentation.

La mise à disposition permanente, en tous lieux, à tous moments, de savoirs bruts ou de dispositifs en ligne d’acquisition de ces derniers, sous forme d’exercices construits ou de tutoriels d’apprentissage, conduit à devoir modifier profondément les rythmes des séquences pour les adapter aux objectifs et aux progressions.

Par ailleurs, et c’est un sujet sensible, l’aide aux élèves en difficulté ne peut, ne doit pas s’arrêter sitôt que la cloche qui indique la fin de la classe a retenti. Il faut prolonger l’acccompagnement — je n’ose parler de tutorat — en ligne de manière synchrone ou asynchrone même quand l’élève est dans les transports scolaires, à la maison des jeunes ou au domicile familial.

Des groupes éclatés.

Dans un univers pédagogique essentiellement numérique, les moments de travail collaboratif sont nombreux et les échanges dans et entre ces groupes sont la règle. Naturellement, la composition de ces groupes doit varier, selon les sujets d’étude, selon la nature des travaux, pour faire correspondre au mieux les compétences de chacun des éléments du groupe et les rendre complémentaires.

Le groupe classe tel qu’il est prédominant dans les structures actuelles des établissements ne correspond plus aux besoins et doit évoluer pour permettre plus de souplesse et d’échanges transversaux.

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Des professeurs plus présents et plus nombreux.

Tous les modes d’enseignement décrits supra obligent à un accompagnement de proximité renforcé et, sans doute, à la présence de professeurs disponibles en plus grand nombre, sur toute la longueur de la semaine. Je sais la difficulté qu’il y a à évoquer l’idée d’un aménagement ou d’une redéfinition des missions et des services des professeurs, je sais que c’est là un sujet extrêmement sensible et j’avance sur ce sujet à pas feutrés.

Mais, chacun le perçoit bien, la mise à disposition permanente de l’information et des savoirs contraint chaque professeur à faire évoluer sa posture immémoriale de maître instructeur. Bien évidemment, les disciplines sont confrontées de manière différente à ces enjeux et certaines sauront s’adapter plus vite que d’autres. Les professeurs de l’enseignement professionnel et technique, habitués à mettre à disposition des élèves, centrés sur leurs projets, les connaissances, méthodes et référentiels dont ils ont besoin pour leur travail, le plus souvent collectif et autonome, n’auront sans doute aucun mal à s’adapter. Les maîtres qui enseignent dans ces disciplines ont déjà commencé depuis longtemps, utilisant de manière massive les outils numériques dont ils ont compris toute l’importance pour les apprentissages dont ils ont la charge. Il faut s’inspirer de ce que font déjà admirablement ces collègues et faire évoluer peu à peu les programmes, les contenus d’enseignement et les méthodes d’évaluation.

Il en va de la capacité de l’école à évoluer et à rentrer résolument et avec confiance dans l’ère numérique. Il en va aussi, soyons-en certain, de la compréhension complice de l’école à l’égard des jeunes élèves qu’elle accueille et de leurs pratiques numériques massives.

Je veux rappeler, pour s’en convaincre, deux des débats qui agitent l’école en ce moment :

  • les téléphones portables, dans la poche et sur le cœur de tous les adolescents, au sujet desquels j’ai déjà demandé s’il était bien raisonnable de les bannir ainsi de l’école et de l’enseignement, de manière parfois très stupide et irrationnelle.
  • le bavardage, symptôme supposé d’une attention défaillante, au sujet duquel on semblaits’alarmer récemment de sa recrudescence et qui n’est sans doute que l’inévitable contrepartie à cette évolution qui voit les élèves moins disponibles pour écouter que pour produire et échanger.

Il faut être confiant et cesser de fantasmer l’école idéale qu’on a connue et qui n’a évidemment plus rien à voir, dans le contexte social et fortement numérique qui lui est proposé. Les jeunes ne sont plus les mêmes et l’Internet est arrivé. Rien de moins.

Alors, tout changer demain, c’est possible ? Ne rêvons pas, les modifications spatiales, architecturales, structurelles, temporelles, organisationnelles, humaines qui sont proposées vont mettre beaucoup de temps à s’imposer… Il faudra convaincre et former les acteurs. C’est un enjeu de première grandeur !

Ce n’est pas demain, par exemple, qu’on abattra les murs des classes des lycées juste pour permettre aux élèves de s’ébattre dans une école définitivement numérique. Il faudra sans doute largement plus d’une génération.

Pourvu qu’il ne soit pas trop tard !

[Mise à jour du 7 février 2012] J’avais oublié de mentionner l’existence de cette école suédoise qui illustre bien mon propos. Il y a ici un article récent avec de superbes photos. Une vidéo ci-dessous aussi pour mieux comprendre :

Michel Guillou @michelguillou

Crédits photos : Stuck in Customs et Júlia Risi (primeiro) via photopin cc.

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