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La guerre en Ukraine puis l’escalade des conflits au Moyen-Orient ont brutalement révélé les menaces qui pèsent actuellement sur la sécurité  énergétique et sur la poursuite les actions engagées pour la transition énergétique. Après la brève accalmie qui a suivi la crise de 2021-2023, le risque de perturbations des marchés persiste qu’il s’agisse des ressources fossiles et des matériaux destinés à la production énergie propre.

Les transitions énergétiques se sont nettement accélérées ces dernières années, encouragées par des politiques publiques et des stratégies industrielles au dynamisme variable selon les régions du monde. Toutefois, l’évolution future de ces politiques et stratégies reste plus incertaine à court terme compte tenu de l’évolution des rapport de forces géopolitique.

Par ailleurs, la sensibilisation des populations (par la flambée des prix de l’énergie et les phénomènes climatiques extrêmes) et les politiques énergétiques décarbonées ne sont pas les seuls moteurs du développement des énergies propres. La forte baisse des coûts liées à la surcapacité de production de ressources fossiles (pétrole et gaz naturel liquéfié) et des systèmes de production d’énergies renouvelables (solaire notamment) ainsi que la concurrence acharnée entre les différents acteurs du marché impactent aussi le tempo de la transition.

Transition énergétique en chiffres

2023 année record pour le déploiement des énergies propres

Les énergies propres intègrent le système énergétique mondial à une vitesse sans précédent. L’accroissement des capacités de production d’énergies renouvelables a atteint 560 gigawatts (GW) en 2023 tiré par leur développement en Chine (60 % de l’accroissement), dans l’Union Européenne et aux États-Unis.

Cependant, ce déploiement n’a couvert qu’un tiers de la croissance de la demande énergétique totale et les énergies renouvelables (ENR) ont représenté 15 % de la production d’énergie dans le monde en cette année 2023 où les émissions de CO2 liées à l’énergie ont atteint un nouveau sommet.

Les investissements dans le secteur des énergies propres devraient atteindre environ 2 000 milliards de dollars par an dans le monde en 2024 , soit près du double de ce qui est alloué aux nouveaux approvisionnements en pétrole, gaz et charbon réunis. Mais

…La part des investissements dans les énergies propres dans les pays émergents et en développement (hors Chine) ne représente que 15 % du total, alors que ces pays accueillent les deux tiers de la population mondiale et génèrent un tiers du PIB mondial. A ce jour 750 millions de personnes, majoritairement en Afrique subsaharienne n’ont pas encore accès à l’électricité et plus de 2 milliards de personnes ne disposent pas de combustibles non polluants pour cuisiner.

A ce niveau d’investissements dans les pays en développement, la mise en place de nouveaux modèles économiques soutenus par la volonté politique de certains d’entre eux permettront à 550 millions de personnes de disposer d’appareils de cuisson propres et près de 200 millions à l’électricité d’ici à 2030. On est encore loin des objectifs d’accès universel.

Horizon 2030-2050

Pic de la demande en vue

D’ici à la fin de la décennie, le gros de la croissance de la demande énergétique est attendu en Inde, en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient et en Afrique. Parallèlement, la part croissante des énergies propres dans la production d’électricité* ainsi que les transformations structurelles de l’économie mondiale, notamment en Chine, sont de nature à atténuer la hausse globale de la demande énergétique.

*Un système davantage alimenté par de l’électricité décarbonée est plus efficace qu’un système dominé par la combustion des énergies fossiles (charbon, gaz notamment), où une grande partie de l’énergie consommée est perdue sous forme de chaleur.

L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) estime que l’augmentation de la puissance renouvelable installée de 4 250 GW aujourd’hui à 10 000 GW en 2030 sera suffisante pour satisfaire la croissance de la demande énergétique mondiale et qu’à cette date les ressources énergétiques à faibles émissions (ENR et nucléaire) devraient générer plus de la moitié de l’électricité mondiale . Dit autrement, on s’achemine vers un pic de la demande en énergie fossiles.

La demande mondiale en électricité s’envole

Depuis les années 2000 la consommation mondiale d’électricité a augmenté de 3 % par an en moyenne. Sa progression a été deux fois plus rapide que la demande énergétique globale au cours des dix dernières années entraînée par la Chine qui est à l’origine des deux tiers de cette hausse.

Au cours des cinq dernières années, la progression annuelle de capacité solaire a quadruplé, atteignant 400 GW en 2023, tandis que les capacités de production annuelles devraient être multipliées par six sur la base des projets en cours, et dépasser 1 100 GW (AIE).

Si l’augmentation de ces capacités pouvait continuer et si elles pleinement déployées, leur production pourrait couvrir les besoins futurs. En effet, la croissance des besoins en électricité devrait continuer de s’accélérer dans les prochaines années. Elle est principalement imputable à l’accroissement de la consommation dans l’industrie, au développement de la mobilité électrique, à l’augmentions du stock de systèmes de climatisation (à cause vagues de chaleur plus fréquentes et intenses), ainsi qu’à l’expansion des centres de données et de l’IA.

Selon que l’on se tient au scenario de la poursuite des réglementations actuelles ou du scenario « Net Zero » la demande en 2050 atteindra 46.000 TWh ou 64.000 TWh respectivement, soit +55 % ou + 115 % par rapport à la consommation mondiale en 2023 (29.500 TWh).

Outre l’indispensable augmentation des capacités de production d’électricité propre la transition énergétique ne pourra se faire sans relever d’autres défis  qui portent sur les chaînes d’approvisionnement des technologies propres et des minerais critiques, la sécurisation des réseaux de transport et l’augmentation des investissement dans les pays en développement

Défis

Déconcentration des chaînes d’approvisionnement en technologies propres et minéraux critiques

On observe aujourd’hui une concentration des chaînes d’approvisionnement en technologies propres, qui bénéficie surtout à la Chine qui détient 80 % du marché du solaire photovoltaïque et réalise plus de 50 % des ventes mondiales de batteries lithium-ion en 2023.

La demande globale de minéraux critiques pourrait tripler d’ici à 2030 et quadrupler en 2040 (AIE,2024). Les croissances les plus fortes sont attendues pour le lithium à cause de son utilisation dans les batteries et pour le cuivre qui devient un constituant essentiel des véhicules électriques.

Les principaux fournisseurs de ces matériaux sont l’Amérique Latine, l’Indonésie, la république démocratique du Congo et la Chine. Cela dit la concentration de ce secteur doit être mesurée à l’aune de la répartition de la propriété des infrastructures d’extraction. Les entreprises américaines et européennes sont à la manœuvre pour les approvisionnements en cuivre et en lithium, tandis que les entreprises chinoises ontrôlent la majeure partie production de nickel et de cobalt, bien que ces minéraux soient extraits hors de leurs frontières.

Un telle concentration n’est pas neutre et la diversification des chaînes d’approvisionnement qui a timidement commencé (dans l’UE notamment). Elle doit être amplifiée pour éviter à la transition énergétique d’être ralentie par des goulots d’étranglement ou/et des rivalités géopolitiques.

Résilience des infrastructures de transport d’électricité

Produire plus ne suffit pas, le développement d’un système énergétique plus propre nécessite de renforcer et de sécuriser les réseaux d’approvisionnement en électricité.

En effet, la progression de la demande associée à une accroissement de la fluctuation de la production augmente le besoin de flexibilité opérationnelle des systèmes électriques, que ce soit pour gérer des besoins de court terme ou pour réagir aux variations saisonnières, Par ailleurs la vulnérabilité des infrastructures et de leur fonctionnement due à l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes et des cyberattaques requiert une mise à niveau régulière.

Cela nécessite un fléchage des investissements dans le secteur de l’électricité au profit des réseaux et du stockage par batteries. Actuellement pour un dollar investi dans des systèmes de production d’électricité renouvelable, 60 cents sont engagés dans les réseaux et le stockage.

Un nouveau système énergétique doit être construit pour durer : cela implique de donner la priorité à la sécurité, à la résilience et à la flexibilité, tout en garantissant que les bénéfices de la nouvelle économie de l’énergie sont justement partagés entre les parties prenantes publiques et privées.

Pays en développement

Comme cela a été mentionné plus haut les investissements dans les énergies propres dans les pays émergents et en développement (hors Chine) sont encore très faibles (15 % du montant total).

Pour autant la transition énergétique n’a pas de frontière et requiert un accroissement du soutien financier international vers ces pays afin d’aider les communautés et les ménages les plus pauvres à supporter les coûts de la transition par l’extension de l’accès à l’électricité et la réduction de l’utilisation de combustibles polluants pour la cuisson des aliments.

A ce égard, l’adoption lors de la COP29 d’un objectif mondial de financement visant à tripler les investissements climatiques pour les pays en développement est un premier pas : d’ici à 2035, ces financements devraient atteindre 300 milliards de dollars par an, contre 100 milliards de dollars précédemment alors que les besoins sont estimés à 1000 milliards de dollars par an.

En conclusion

Les effets de plus en plus marqués du dérèglement climatique, l’essor de la transition énergétique ainsi que le progrès des performances des technologies décarbonés sont autant d’atouts pour faire évoluer les systèmes énergétiques vers plus de sécurité et moins d’émissions de gaz à effets de serre.

Toutefois l’accélération des transitions dans le monde est encore trop faible pour suivre une trajectoire conforme à ses objectifs climatiques de la COP de Paris. Les politiques des gouvernements, les stratégies des investisseurs et le comportement des consommateurs sont insuffisants pour corriger les défauts du système énergétique actuel et le réorienter vers une voie plus propre et plus sûre.Ainsi les politiques publiques en vigueur orientent toujours la planète vers une augmentation de 2,6 °C de la température moyenne mondiale d’ici à 2100 (ONUE, 2024), avec pour corollaire une aggravation des risques liés au réchauffement climatique.

Tous les acteurs doivent prendre conscience que sans une rapide et puissante transition énergétique les coûts d’une action climatique timorée vont croître, à mesure que les émissions de gaz à effet de serre s’accumulent dans l’atmosphère et que les conditions météorologiques extrêmes imposent leur propres dégâts imprévisibles.

Xavier Drouet

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Dernière modification le vendredi, 20 décembre 2024
Drouet Xavier

Xavier DROUET, 63 ans, est ancien élève de l'École Normale Supérieure où il a étudié la Physique et la Biochimie. Il est aussi Docteur en Médecine.
Après une carrière scientifique dans la recherche académique, appliquée et industrielle, il a dirigé plusieurs sociétés à fort contenu technologique pendant 15 ans et consacré 8 années à soutenir la recherche, l'innovation et le développement économique au niveau régional et national à des postes de direction au ministère de la Recherche et dans les services du Premier Ministre en France.
Depuis 2015 il exerce une activité d'expertise et de consultant pour accompagner des projets de créations ou de croissance d'entreprises de la microentreprise unipersonnelle à la start-up «techno».
Il est également auteur et conférencier (sciences, économie, stratégie) pour le compte d'entreprises, d'organisations de diffusion de la culture scientifiques et de media d'information pour les professionnels ou le « grand public ».

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