Leur objectif est simple : prévenir et lutter contre le décrochage scolaire. Face à des situations complexes, les actions mises en œuvre sont personnalisées et associent de multiples acteurs. Avec un seul mot d’ordre : être à l’écoute du jeune en difficulté. Rencontre avec Gabriel Dagyaran et Séverine Bernard, deux membres de l’équipe ACCROJUMP.
Les chiffres sont sans appel : dans l’enseignement secondaire, un nombre assez important de jeunes sont en pré-décrochage ou en décrochage scolaire. Ce qui se manifeste par des problèmes d’absentéisme, de retard scolaire et de comportement. Face à ces situations complexes, les équipes éducatives constatent trop souvent les limites des démarches qu’elles entreprennent auprès de ces jeunes en difficulté.
" De nombreuses recherches mettent en évidence que le décrochage scolaire (au sens restreint de quitter l’école sans diplôme) est l’aboutissement d’un long processus de désengagement qui résulte de l’interaction de facteurs familiaux, individuels et scolaires », explique l’attachée pédagogique Séverine Bernard, qui assure la coordination d’ACCROJUMP avec Suzanne Collet, Sous-Directrice de l’Institut Provincial d'Enseignement Agronomique de La Reid. Les composantes socio-économiques et culturelles peuvent également renforcer la situation de décrochage.
C’est pourquoi les actions à développer auprès du jeune en difficulté doivent s’inscrire dans une dynamique collaborative entre les différents acteurs impliqués, afin de pouvoir agir sur plusieurs niveaux : l’individu, la famille et l’école. "
De l’état des lieux au plan personnalisé
Positionné à l’École Polytechnique de Seraing, Gabriel Dagyaran est l’un des huit éducateurs aux profils très variés recrutés pour mener le projet sur le terrain.
" La majorité des prises de contact se fait suite à une demande du Conseil de classe, d’un enseignant ou d’un éducateur concernant un jeune en situation d’échec, avec des problèmes comportementaux ou mal orienté ", précise-t-il. Il convoque alors l’élève et procède à un état des lieux en allant à la rencontre des éducateurs, des professeurs et de la direction.
Assistant en psychologie de formation et spécialisé en médiation, Gabriel adopte une attitude qu’il qualifie de médiante :
" J’ai une position neutre vis- à-vis des élèves, je ne gère pas l’autorité et je ne suis pas là pour les punir. Ils peuvent d’ailleurs refuser l’aide qu’on leur propose, il n’y a pas d’obligation. "
Si l’élève accepte cette aide et désire s’impliquer dans le processus, Gabriel établit un plan personnalisé avec lui. Car c’est bien le jeune qui propose les objectifs à atteindre, dans une perspective d’autonomisation. Il peut s’agir de s’engager à prendre ses affaires de gym, mettre ses cours en ordre, ne plus avoir de notes ou d’arrivées tardives, prévenir en cas d’absence… " Il faut lui faire comprendre l’importance du cadre, des contraintes ", résume l’éducateur.
Orientation, parents : redonner un sens
Une bonne orientation de l’élève joue évidemment un rôle primordial dans sa motivation :
Je pose toujours ces questions : "est-ce que tu te sens bien dans ta section ? Quel est ton projet ? "
Ce travail d’orientation s’effectue bien entendu avec le Centre Psycho-Médico-Social. De manière générale, les éducateurs d’ACCROJUMP interviennent en première ligne et passent le relais aux associations locales partenaires pour gérer les problématiques plus profondes ou spécifiques.
Quant aux parents, parfois démissionnaires ou démunis, " il faut eux aussi les accrocher dans le processus ", indique Gabriel. Je leur dis :
" Regardez, votre enfant fait un pas, aidez-moi à l’accompagner ! La tâche n’est pas forcément aisée… " Ils peuvent se sentir remis en cause, jugés. Mais tout le monde commet des erreurs, les parents comme l’école. L’essentiel est d’aller de l’avant ! " Comme leur enfant, les parents signent une lettre d’engagement : " ils doivent reprendre leur place de parents ".
Bien être à l’école
La démarche menée avec les éducateurs d’ACCROJUMP n’est pas facile pour les élèves : ils ne disposent pas toujours des outils communicationnels, n’ont pas tout de suite conscience de leur réalité. " Mais, confie Gabriel, ils voient qu’on est là pour les aider et la relation s’établit. On constate que ça leur fait du bien, que ça leur apporte un apaisement. " Cela reste cependant un chemin difficile, avec des hauts et des bas. Certains ne sont pas encore prêts et « lâchent » en cours de route, tandis que d’autres parviennent à mettre des choses en place.
S’il est encore trop tôt pour tirer les conclusions de cette expérience, on peut déjà en esquisser un premier enseignement, pas forcément si évident que ça : il est important qu’existe dans l’école un lieu où les élèves peuvent dire que quelque chose ne va pas, un lieu où ils sont écoutés et entendus. C’est assurément une condition nécessaire pour accomplir le grand saut de l’accrochage scolaire.
Nom de code : ACCROJUMP
ACCRO pour accrochage et JUMP pour le saut attendu vers la certification, l’insertion socio-professionnelle.
ACCROJUMP, ce sont quatre projets menés au sein de nos établissements d’enseignement secondaire. Lancés en novembre 2015, ils se termineront en juin 2018. Grâce au cofinancement du Fonds Social Européen, huit éducateurs ont été engagés à Seraing, Flémalle, Herstal, Liège, Huy, Waremme et Verviers.
Leur mission : accrocher le jeune à l’école au travers d’un maillage entre tous les acteurs concernés. Leur méthode : mettre en œuvre un Dispositif Interne d’Accrochage Scolaire (DIAS) dans le but de développer un outil d’accompagnement individualisé des élèves en difficulté.
Ce dispositif participe à la prévention du décrochage scolaire et de l’abandon précoce. Il vise ainsi à aider le jeune à recouvrer la confiance et l’estime de soi, à développer avec lui un projet de formation à travers un plan personnalisé et, plus largement, à élaborer un projet professionnel, un projet de vie.
En première ligne, les Conseils de classe décident de faire bénéficier certains élèves d’un plan personnalisé pour un temps déterminé. Une décision prise en collaboration avec l’équipe du Centre PMS (Psycho-Médico-Social) et avec l’accord des parents pour les élèves mineurs. Le plan est alors élaboré avec les différents partenaires (les Centres PMS gérés par la Province de Liège bien entendu, mais aussi les services d’Aide en Milieu Ouvert « CIAJ », « La débrouille », « SAS », « Le Cap » et les Services d’Accrochage Scolaire « Compas Format » et « Aux sources » appartenant au réseau Espace Tremplin).
Les quatre projets ACCROJUMP sont étroitement liés : les membres de l’équipe se rencontrent régulièrement pour partager leurs expériences et échanger leurs points de vue. L’objectif à long terme est de pérenniser ACCROJUMP au sein des différents partenaires.
Dernière modification le lundi, 19 novembre 2018