Sur les huit productions rendues sous cette forme, je n’ai trouvé qu’une adresse URL, ce qui ne constitue pas à proprement parlé un hyperlien. Par ailleurs, j’ai récupéré un groupe d’AP seconde après un changement dans les emplois du temps. J’ai donc décidé de travailler avec ces dix élèves, que j’ai réparti en groupe de 2. Originellement, nous aurions dû mener cette activité sur une séquence de quatre séances qui vont finalement être réduites à trois (aléas des EdT…).
La première séance s’est déroulée sous la forme d’une évaluation diagnostique. Je suis resté sommaire sur les objectifs de l’activité tout en demandant aux élèves s’ils avaient pour habitudes d’explorer les liens hypertextes. Ce à quoi ils m’ont répondu par l’affirmative. Je leur est donc proposé de réaliser un portrait, d’une personne réelle ou fictive, de quelques lignes en y incluant 5 ou 6 hyperliens. Une nouvelle fois je n’ai pas voulu être trop explicite sur la qualité des liens hypertextes pour éviter de les influencer. D’un point de vue pratique, je leur ai ouvert un compte rédacteur sur Cactus acide. A la lecture de leur production j’ai été surpris de constater que sur 30 liens hypertextes, 16 renvoyaient vers une images et 8 vers des pages de « Wikipédia », soit 26 occurrences sur 30. Bien que le résultat soit marqué, je ne crois pas devoir en tirer de conclusions trop définitives.
Il me semble hâtif de conclure que l’image et « Wikipédia » forment une culture de référence des jeunes, ou des élèves. D’abord parce que ces résultats ne sont pas exhaustifs. Ensuite, comme me l’a souligné Pascal Duplessis, parce que la simple évocation d’un « portrait » peut avoir suffit à orienter leurs choix vers des images et des pages « Wikipédia » présentant la biographie de la personne choisie. En revanche, cette évaluation diagnostique m’a permis de dégager des objectifs pour répondre aux enjeux éducatifs posés par la navigation hypertextuelle et donc, ce faisant, d’ajuster ma séquence.
My navigation stamps Licence Creative Commons photo credit : Aniol
Je vais pouvoir, au début de la prochaine séance, évoquer leurs choix avec les élèves, en insistant sur l’unicité des liens hypertextes choisis, de sorte que nous allons pouvoir entamer une typologie d’hyperliens tant du point de vue des supports documentaires (page web, image, son,…) que de l’objectif discursif (informer, argumenter, convaincre,…).
Sur ces bases, je leur demanderai d’écrire un article sur Vannevar Bush, ou le Memex, qui préfigure l’hypertexte. L’objectif est ici d’apporter des savoirs déclaratifs (savoirs) sur la notion d’hypertexte, qui est aussi abordé en qualité de savoir procédural (savoir-faire), puisque les élèves auront appris à intégrer un lien hypertexte. Pour compléter le triptyque, j’entends faire acquérir aux élèves des savoirs conditionnels (savoir-être) en leur demandant une écriture collaborative de l’article. Par ailleurs, ce qui constitue un objectif majeur, j’attends des élèves qu’ils s’efforcent de choisir les liens en considérant leur projet d’écriture, mais aussi les attentes de leurs lecteurs potentiels.
L’objectif est ici de venir compléter la typologie débutée au début de la seconde séance. Du moins au sujet des supports documentaires pour lesquels un élément de consigne peut être d’éviter les redondances. En ce qui concerne l’objectif discursif, pour des élèves de seconde (de troisième en collège), et compte tenu du projet d’écriture, je pense préférable d’insister sur l’apport informatif des hyperliens choisis. Ce qui peut être un bon moyen d’aborder la notion de pertinence avec les élèves puisque leur choix doit être guidé par leur propre recherche, mais encore pouvoir répondre aux recherches de leurs lecteurs.
A ce niveau, au sujet de l’évaluation, la publication de cet article peut donner lieu à une observation des statistiques de consultation des liens qui auront été suivis par les lecteurs. Par ailleurs, à moyen terme, ces élèves peuvent, selon leur orientation, être suivis lors de leur TPE afin de voir lesquels ajoutent des liens hypertextes pour ceux qui choisissent une production sur un site internet. Notons, enfin, qu’après avoir insisté sur le caractère informatif des liens en seconde, le caractère argumentatif peut être abordé dans le cadre des TPE, puisque c’est là l’une des caractéristiques de la problématique [1].
Imagining links Licence Creative Commons photo credit : Will Lion
En complément, pour préparer cette séquence, je vous soumets ce texte d’Alain Giffard, en particulier les passages sur la pré-lecture (praelectio), où il distingue navigation et lecture numérique, ainsi que celui sur les différents types de surcharge, opératoire, cognitive et informationnelle qui peuvent générer des déficits d’attention chez le lecteur. L’évocation de ces surcharges porte en elle l’idée d’une nécessaire progression dans l’acquisition des savoirs. Nous trouvons là tout ce qui fait, ou devrait faire, la spécificité du professeur documentaliste au regard de la culture informationnelle en ce qu’elle engage aussi, et surtout, notre responsabilité. C’est par ailleurs, en termes clairs, une délimitation de ce qui peut constituer les objectifs propres d’un professeur de lettre et d’un professeur documentaliste au regard d’objets distincts et complémentaires. Il me semble, par ailleurs, que cette séquence où le lien hypertexte est envisagé sous l’angle de la recherche d’information, peut aussi être envisagé sous l’angle d’une lecture-écriture documentaire. J’y reviendrai.
[MàJ 19.02.2013 : Pour un compte rendu de cette séquence.]
[1] Je pense que les différents objectifs discursifs peuvent, au sujet des liens hypertextes, être abordés dès le collège, comme cela se pratique déjà, notamment pour la cartographie des sources.
Gildas Dimier
Cactus Acide