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Utiliser un robot de sol ou un robot virtuel à l’écran séduit réellement les élèves et leurs professeurs. Cependant, le côté ludique et motivant n’est pas suffisant pour que les élèves développent des compétences et des savoirs en lien avec la pensée informatique et les connaissances spatiales. Cet article QDLR revient ainsi sur leurs usages qui peuvent être complexes.«  Les robots de sol à l’école primaire » de Francine Athias du laboratoire ELLIADD de l’université de Franche Comté et d’Aurélie Vergon Dartois, du CREAD, de l’université de Bretagne Occidentale.

De nombreuses études portent sur l’intégration des robots de sol à l’école primaire, et ce d’autant plus que l’apprentissage de l’informatique a pris place dans les programmes de l’école primaire, dans le domaine des mathématiques. L’enseignement-apprentissage de l’informatique vise à éduquer les citoyens en leur donnant les moyens de soutenir le développement d’une « pensée informatique ».

La robotique pédagogique suscite un intérêt particulier pour les élèves et les professeurs. Comment ces derniers s’emparent-ils de ces nouveaux outils ? Quelles sont les connaissances enseignées dans les différents cycles ? Que font les élèves au cours de ces séances ?

Des usages de la robotique à l'école maternelle

La robotique pédagogique est efficace dès la maternelle pour apprendre les différents concepts et travailler les capacités centrales en informatique (Komis & Misirli, 2011 ; Misirli, Komis & Ravanis, 2019), par exemple la programmation, l’apprentissage d’un code... En manipulant le robot de sol, les élèves apprennent ainsi à construire leurs premiers programmes directement sur le robot, en quelques étapes : vider la mémoire (commande CLEAR), introduire les commandes de mouvement et, enfin, faire exécuter le programme (commande GO). Les instructions fournies se traduisent par le déplacement (ou non) du robot.

Si, globalement, les élèves peuvent construire des programmes en appui sur les cartes de programmation et les vérifier sur l’interface tangible du robot de sol, cela nécessite une scénarisation pédagogique adéquate et cela implique une place essentielle du professeur (Athias, 2021). Nous faisons ici référence à un professeur ayant mis en œuvre une séquence didactique avec utilisation des robots de sol.

Des usages du robot de sol en cycle 2

Comme en cycle 1, les élèves de cycle 2 manifestent un intérêt spécifique pour les robots de sol mais la prise en main prend du temps (Nogry, 2019). Par ailleurs, des recherches ont montré les apports de la robotique pédagogique en lien avec les connaissances spatiales, les savoirs relatifs à l’algorithmique et les savoirs relatifs à l’usage de l’artefact (Millon-Fauré, Marchand, Assude, Mari, 2021 ; Mari, Million-Faure, Assude, 2022 ; Mari, 2022 ; Athias, Vergon Dartois, Jussy, 2023).

Les consignes (plus développées qu’en cycle 1) conduisent les élèves à dessiner le parcours, à écrire le programme en appui sur les cartes de programmation et à analyser l’écart entre le parcours prévu et le parcours réalisé. Là encore, la présence du professeur est nécessaire pour en permettre l’analyse, en appui sur les cartes de programmation qui représentent à la fois la touche du robot et l’effet de cette touche sur le déplacement du robot. Le professeur est amené régulièrement à montrer aux élèves l’effet de la programmation du robot, en fonction de la position du robot de sol sur le quadrillage. Par exemple, la flèche « avancer » signifie que le robot de sol avance (et ses yeux donnent la direction) et non pas que le robot avance en fonction de la place de l’élève : c’est précisément la question du déplacement relatif (du robot et non de l’utilisateur) qui est abordée. La position du professeur par rapport aux élèves pour qu’il oriente leur regard au bon endroit est alors indispensables à ces moments.

Des usages de robots virtuels en cycle 3

Pour le cycle 3, des environnements virtuels de programmation ont été élaborés. Ils permettent aux élèves d'apprendre la programmation informatique tout en travaillant sur des projets personnels significatifs tels que des histoires animées et des jeux, par exemple avec le logiciel Scratch (Iskrenovic-Momcilovic, 2019).

Il s’agit de favoriser l'apprentissage autonome par le biais du bricolage et de la collaboration avec les pairs (Temperman et al., 2014). La possibilité d'activité créative est toujours appréciée par les élèves. Cependant, peu de recherches s’intéressent à la place du professeur au sein du déroulement de ces situations pédagogiques. Les questions de prise en main des blocs de programmation ou d’orientation du robot sont des questions vives qui nécessitent une présence déterminante du professeur.

Formation

Cet état des lieux permet de montrer que, malgré l’apparente simplicité d’appropriation des robots de sol ou du robot à l’écran, les usages dans les classes nécessitent des compétences professionnelles des professeurs pour permettre à tous les élèves d’apprendre. Par conséquent, la formation et l’accompagnement des professeurs sont essentielles (Barrué, 2017). Cependant, suite à la formation, les mises en œuvre dans la classe semblent ne pas prendre en compte tous les aspects de la situation didactique.

De nouvelles perspectives

De nouvelles perspectives se dessinent lorsque les professeurs et les chercheurs coopèrent pour réfléchir aux usages du robot de sol, dans le cadre d’une ingénierie coopérative (collectif Didactique pour enseigner, 2024). L’idée est d’élaborer un dispositif didactique intégrant les robots de sol : l’écriture collective d’une séquence d’enseignement-apprentissage, mettant en évidence les savoirs en jeu et la mise en œuvre en classe. Les échanges sur ces mises en œuvre conduisent le collectif de professeurs et de chercheurs à modifier la séquence. Ces itérations successives permettent de donner à voir et à comprendre les enjeux de savoirs ainsi que les gestes d’enseignement nécessaires, mis en œuvre par chacun sur le même dispositif.

Nous allons illustrer nos propos par un exemple dont l’objectif est le décodage d’un programme (Athias, Vergon-Dartois et Jussy, 2023).

Un programme est proposé à l’élève : l’élève va anticiper l’effet de ce programme sur le déplacement du robot de sol, placé sur un quadrillage. Cette situation prend appui sur différents espaces : l’espace de la feuille où est écrit le programme et l’espace quadrillé du déplacement du robot.

Une première question se pose : quel programme propose-t-on ? Qu’écrit-on sur la feuille avec le programme ? Si l’élève doit placer seul le robot sur le quadrillage dans la bonne position et dans la bonne orientation, il est nécessaire de représenter le robot et le quadrillage dans l’espace de la feuille. Dans quel espace l’élève va-t-il anticiper le parcours : l’espace de la feuille ou l’espace du quadrillage ? Quelles sont les compétences en jeu dans l’un ou l’autre espace ? Comment est placé l’élève dans l’espace de déplacement du robot ? Comment permet-on à l’élève d’anticiper l’effet du programme sur le robot ?

Dans les classes, des mises en œuvre ont été observées et analysées au sein du collectif. Par exemple, l’élève programme le robot et regarde où il va. Dans ce cas, nous pouvons dire qu’il a décodé le programme, mais il n’y a pas d’anticipation. Nous avons rencontré un élève qui déplace le robot à la main : le programme est suivi pas à pas, dans ce cas, nous pouvons dire qu’il a décodé le programme et qu’il a anticipé le déplacement. Nous avons également assisté à des moments où l’élève prend un objet intermédiaire ou sa main, en suivant le programme pas à pas. Dans ce cas, nous pouvons également dire qu’il a décodé le programme et qu’il a anticipé le déplacement. Enfin, nous avons observé un élève qui utilise la main, depuis sa place (sans bouger le corps), sans la placer sur le quadrillage. Comme précédemment, nous pouvons dire qu’il a décodé le programme et anticipé le déplacement.

Insister sur ce point paraît essentiel : finalement, que signifie décoder un programme ? Que pouvons-nous dire du professeur ? Sa place est déterminante. En effet, lorsque l’élève anticipe (d’une manière ou d’une autre) le déplacement du robot, le fait de le programmer ensuite permet de vérifier et de donner la preuve qu’il atteint la case attendue ou non. C’est à ce moment-là que la compréhension du professeur intervient : les échanges au sein du collectif lui donnent une puissance d’agir à certains moments dans la classe, en fonction de certaines observations. Par exemple, si une instruction dans le programme a été mal interprétée par l’élève, il faut la repérer, la donner à voir, de manière à orienter le regard de l’élève au bon endroit pour corriger l’erreur. Parfois, le travail entre pairs est vu comme une possibilité intéressante pour une anticipation juste. Dans l’exemple qui nous intéresse, le travail entre pairs est rarement explicité et ne permet pas de développer une puissance d’agir adéquate pour tous les élèves.

Ainsi, forts des connaissances acquises au cours des échanges dans le collectif et dans les mises en œuvre, les professeurs et les chercheurs peuvent développer un nouveau regard sur les potentialités de la situation. Le travail au sein de l’ingénierie coopérative engage chacun vers une compréhension partagée des enjeux de la robotique pédagogique, des gestes d’enseignement partagés liés au dispositif.

Conclusion

La programmation du robot, qui peut paraître relativement simple a priori, notamment par le côté ludique de l’objet, mobilise cependant des connaissances et des capacités qui apparaissent souvent au cours de la mise en œuvre des séances d’enseignement apprentissage. L’utilisation des robots peut, par ailleurs, au-delà des questions de programmation, permettre de travailler des connaissances spatiales. Proposer des situations didactiques qui soient adaptées à tous les élèves nécessite une réflexion à la fois sur les savoirs en jeu et sur les ajustements à envisager.

Par exemple, nous allons résumer l’évolution des échanges qui ont eu lieu concernant les touches pivoter à droite et pivoter à gauche. Dans un premier temps, le collectif a orienté les échanges sur des questions de vocabulaire : le robot pivote (en restant sur place), il ne tourne pas (en avançant d’une case). Dans un deuxième temps, le collectif a échangé sur la difficulté des élèves à coder le robot après un pivot. Il a été décidé que les professeurs passeraient du temps sur le déplacement du robot dans les différentes directions (4 possibilités). Enfin, dans un troisième temps, le collectif a finalement choisi de faire programmer le robot uniquement avec la touche « avancer et reculer », en plaçant le robot dans diverses orientations par rapport à l’élève : dans le même sens que lui, dans le sens opposé, ou sur le côté (droite ou gauche). Ainsi, le problème de changement d’orientation du robot après un pivot est pris en charge en amont (et non pas en cumulant les difficultés). Ce sont les échanges au sein du collectif qui ont permis cette évolution.

Autrices : Francine Athias, Maître de conférence en Sciences de l'éducation, ELLIADD, Université de Franche-Comté
Aurélie Vergon Dartois, Doctorante, CREAD, Univeristé de Bretagne Occidentale
 

Recommandations

Cette étude nous permet de rédiger des recommandations concernant l’utilisation de la robotique pédagogique à l’école primaire :

  • penser l’organisation de la classe pour que l’élève reste dans la même position par rapport au quadrillage (surtout dans un premier temps et en cycle 2) ;
  • penser également l’organisation en petits groupes de manière à ce que chaque élève puisse programmer le robot sous l’œil vigilant du professeur et favoriser les échanges sur leur expérience ;
  • planifier des séances courtes (surtout en cycle 1 et 2) avec des moments de reprise collective en étant attentif à l’orientation des élèves, du professeur et du robot par rapport au quadrillage ;
  • travailler à plusieurs, entre pairs et avec des chercheurs, échanger sur ce qui s’est passé dans la classe, assister à des mises en œuvre.

Voir aussi

Bibliographie

  • Athias, F. (2021). Un robot de sol pour apprendre des mathématiques. In F. Vandebrouck & M.-L. Gardes (Éds.), Nouvelles perspectives en didactique des mathématiques : preuve, modélisation et technologies numériques. Volume des séminaires et posters des actes de EE21 (p. 13‑25). XXIe école d’été de didactique des mathématiques, Sainte-Marie de Ré.
  • Athias, F., Vergon Dartois, A., & Jussy, V. (2023). Représentation et déplacement d’un robot de sol. In F. Athias, D. Cariou, L. Coco-Goletto, M.-J. Gremmo, M. Le Paven, & F. Louis (Éds.), Actes du 3e congrès international TACD. Coopération et dispositifs de coopération (vol. 1, p. 97‑115). https://tacd-2023.sciencesconf.org/data/pages/TACD_2023_Actes_Volume_1_vf4.pdf
  • Barrué, C. (2017). Jouets programmables à l’école maternelle : pratiques pédagogiques de professeurs stagiaires. Grand N, n° 99, p. 69-86. https://irem.univ-grenoble-alpes.fr/revues/grand-n/consultation/numero-99-grand-n/4-jouets-programmables-a-l-ecole-maternelle-pratiques-pedagogiques-de-professeurs-stagiaires--467871.kjsp
  • Collectif Didactique pour enseigner. (2024). Un art de faire ensemble. Presses Universitaires de Rennes.
  • Iskrenovic-Momcilovic, O. (2019). Pair programming with scratch. Education and Information Technologies, vol. 24(5), p. 2 943‑2 952. https://doi.org/10.1007/s10639-019-09905-3
  • Komis, V., & Misirli, A. (2011). Robotique pédagogique et concepts préliminaires de la programmation à l’école maternelle : une étude de cas basée sur le jouet programmable Bee-Bot. Sciences et technologies de l’information et de la communication en milieu éducatif. Analyse de pratiques et enjeux didactiques, p. 271‑281.
  • Mari, E. (2022). Potentialités de la robotique pédagogique pour le développement de connaissances spatiales à l’école. Thèse de doctorat. Aix-Marseille Université (AMU), Marseille. https://amu.hal.science/tel-03872631
  • Mari, E., Millon-Faure, K., Assude, T. (2022). Programmable Floor Robots and Spatial Knowledge with 6-7-year-old Students. International Journal for Technology in Mathematics Education, 29 (2), p. 87-95.
  • Millon-Fauré, K., Marchand, P., Assude, T., Mari, E. (2021). Comment préparer les élèves à écrire un programme de construction ? Analyse de dispositifs préventifs pour des élèves en difficulté. Grand N, n° 107, p. 5-28. https://shs.hal.science/hal-03195800/
  • Misirli, A., Komis, V., & Ravanis, K. (2019). The construction of spatial awareness in early childhood: the effect of an educational scenario-based programming environment. Review of Science, Mathematics and ICT Education, 13(1), p. 111-124. https://www.researchgate.net/publication/336252136_Misirli_A_Komis_V_Ravanis_K_2019_The_construction_of_spatial_awareness_in_early_childhood_the_effect_of_an_educational_scenario-based_programming_environment_Review_of_Science_Mathematics_and_ICT_Educ
  • Nogry, S. (2019). Robotique pédagogique à l’école primaire : quelle activité des élèves de classe préparatoire (6-7 ans) et quels apprentissages dans une séquence conçue par l’enseignant ? Review of Science Mathematics and ICT Education, vol. 13(1), p. 93‑110. https://doi.org/10.26220/REV.3121
  • Temperman, G., Anthoons, C., de Lièvre, B., & de Stercke, J. (2014). Tâches de programmation avec Scratch à l’école primaire : observation et analyse du développement des compétences en mathématique. frantice.net, n° 9, p. 94‑105.
Dernière modification le jeudi, 03 octobre 2024
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Les usages du numérique éducatif : L'Agence nationale des usages du numérique éducatif est un site web de référence qui vise la compréhension des enjeux liés à l’évolution des pratiques professionnelles des enseignants dans un contexte numérique. Cette publication présente une veille sur les outils, ressources, services pédagogiques numériques pour l’Éducation, des résultats de la recherche internationale, des expériences d’utilisateurs dans la conduite des actions d’enseignement et d’apprentissage et une observation en continue des processus « usages » mis en œuvre dans le cycle de vie des projets technico-pédagogiques.

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