Ce sont des questions directes d’Alan November, sommité reconnue dans le domaine de l’éducation et de la technopédagogie, qui invitent à une introspection chez les leaders scolaires et chez les enseignants; elles veulent aider à 1. clarifier quelle est la valeur ajoutée d’un environnement numérique pour l’apprentissage et 2. déterminer si les activités d’apprentissage offertes font bon usage de cet environnement.
“If you answer no to all six questions when evaluating the design of assignments and student work, then chances are that technology is not really being applied in the most innovative ways.”
Bon, z’êtes prêts ? Un moment d’évaluation formative/diagnostique pour leaders et enseignants, genre. On va se dire les vraies choses. On devient plus transparent, on se place en posture d’apprenant, afin de mieux se positionner pour s’améliorer… Ça fera mal ? Sais pas. Au moins, on aura l’heure juste et on peut « bâtir là-dessus », comme on dit souvent par ici. November prévient même les fans de SAMR qu’il se peut que leur R soit bien moins que cela (du M ou du A…), à la lumière des constats d’un webinaire où les participants ont répondu à tête et à cœur ouverts…
(Grande inspiration, go !)
- La tâche présentée aux élèves a-t-elle permis de faire usage d’esprit critique sur le web ?
Êtes-vous témoins de ces natifs numériques qui trop souvent copient-collent : 1. Le sujet de leur travail, 2. La réponse donnée à la 1ère page du même engin de recherche, à chaque fois. On y décèle une absence de discernement, de transfert entre les matières et situations… Le regard critique sur une information du web reste une compétence importante à développer (chez tous).
- La tâche a-t-elle favorisé le développement de nouvelles formes d’enquête et de questionnement ?
Une des compétences les plus importantes c’est d’enseigner aux élèves comment poser les questions créatives, innovantes, voire même impossibles. Ewan McIntosh nous parlait desquestions googlables vs des questions non-googlables. Les questions créatives sont les nouvelles réponses d’aujourd’hui, dit Stephen Wolfram (de Wolfram Alpha).
“The new answers are the creative questions.” (@stephen_wolfram)
- Les élèves ont-ils l’occasion de clairement s’auto-évaluer ?
Des outils comme Kaizena, une extension Chrome (ou une app) pour vos documents dans Google Drive, permettent d’améliorer la qualité de la rétroaction à l’élève pour un travail soumis. John Hattie a confirmé à quel point cette rétroaction a un impact signifiant important sur l’apprentissage… Majeur.
- Est-il possible d’étendre les perspectives d’une conversation avec un auditoire authentique venant de partout au monde ?
Avoir son site web personnel, son blogue de classe, le compte Twitter d’une classe… toutes des façons de montrer au monde (ainsi qu’à ma tante qui vit dans le quartier voisin) ce que le jeune sait faire avec ce qu’il sait; le temps où on écrit que pour un auditoire de 1, c’est fini. Aujourd’hui, l’accès aux autres classes, aux spécialistes, aux dirigeants et aux vedettes, certes, mais aussi l’accès à d’autres sites de partout où il est possible de commenter, de converser, d’échanger sur des questions d’intérêt commun mais aux perspectives diverses. Plus de fenêtres, moins de murs, dit-on depuis des années…
- Est-il possible pour un/une élève de créer et de contribuer à un travail, à une cause porteur de sens pour lui/elle et pour la communauté ?
Selon November, c’est probablement une des plus grandes qualités d’une activité/tâche d’apprentissage. C’est, à mon avis, l’une des plus belles et nobles. L’élève qui s’engage dans un projet qui a un sens, qui répond à un besoin, qui fait appel à ses connaissances antérieures et à de nouvelles (qui émergeront en cours de route), qui l’amène à proposer des solutions à des questions/problèmes qui lui tiennent à cœur.
J’ai eu le privilège et le plaisir d’en voir via des projets dans nos écoles communautaires entrepreneuriales(mot-clic Twitter : #ecenb); les nostalgiques du bon vieux contenu pur et dur n’ont pas à s’en faire car connaissances et compétences sont intimement reliées; aujourd’hui elles émanent, surgissent différemment que la classique approche de donner un projet sans attache, sur un sujet imposé, recherche Google via copier-coller (voir question 1). Tout comme l’impression 3D : je n’ai pas/peu d’intérêt de voir qu’un élève peut imprimer un objet que par pure curiosité, sans valeur ou fonction aidante. Dutinkering, mais pour faire quoi, au fond ?
Comme le soutient November : « Leur engagement envers leur travail ne dépend pas d’une récompense externe ou est lié à un système de punition comme des notes, mais plutôt d’un « drive » instrinsèque nourri par le désir de faire une contribution positive. » Faire une différence, être agent de changement, tiens, tiens… ça me rappelle ceci :
- Est-ce que la tâche propose des exemples parmi les meilleurs travaux au monde réalisés par d’autres jeunes ?
Avant Internet, il était très difficile, voire presque impossible de montrer aux élèves des exemples de « meilleur au monde » d’application de la connaissance et de compétence dans différents champs disciplinaires. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Des blogues, des partages dans Twitter, Facebook, Pinterest, Google+… bref, là où sont les gens… Ces espaces contiennent de plus en plus d’exemples qui nous inspirent, nous déstabilisent parfois, et nous rappellent notre posture d’apprenant. Et puis, l’enseignant qui saura ainsi revoir et recalibrer ses attentes face au travail remis par ses élèves y verra peut-être des réalisations encore plus relevées et solides provenant de ceux-ci, par la suite. Tout le monde y gagnera.
En conclusion, ce questionnement ne peut qu’aider à mieux définir ce qu’est l’innovation pédagogique, soutenu par le numérique. Je cite souvent Hadji qui dit que le succès d’une innovation est d’abord le succès de l’élève. La clé : en quoi consiste ce « succès » de l’élève ? A-t-on failli Superman, comme nous le raconte M.-A. Lalande ?
Ça nous ramène à un profil de sortie de l’école : pensée critique, collaboration, communication, créativité, empathie, conscience, connaissance appliquée, sens de l’engagement, résolution de problèmes… Ces compétences nobles, difficiles à « mesurer » (j’ai mis le doigt sur un bobo, ici ?), qui méritent davantage de pistes d’intégration dans et au travers des disciplines qui continuent de caractériser l’organisation de l’école. On veut faire autrement mais il faudra, de façon incontournable, revoir la tuyauterie de base de l’école; horaires, régime, matières, périodes, crédits, notes. (J’abordais cette question ici.)
En attendant, George Couros, dont les propos sont dessinés par ce sketchnote de Sylvia Duckworth (merci, Sylvia !), nous rappelle les 8 choses à rechercher dans une classe aujourd’hui :
Le mot de la fin appartient à Alan November :
« Clearly, we must move our focus beyond the device and toward the design of learning. Otherwise, we may find ourselves, as Neil Postman so eloquently described in 1985 when he titled his book about the impact of the media, Amusing Ourselves to Death. »
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Article publié sur le site : http://zecool.com/2015/01/19/croyez-vous-vraiment-que-votre-ecole-innove-avec-le-numerique/
Dernière modification le jeudi, 05 mars 2015