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Témoignage...
  • Comment pouvez-vous influer sur le développement d’un « état d’esprit progressiste » dans vos cours ?
  • Comment pouvez-vous améliorer vos cours en tenant compte des commentaires (feedback) de vos élèves ?
Dans son livre intitulé « Changer d’état d’esprit : Une nouvelle psychologie de la réussite (en) [1] », Carol Dweck nous décrit sa théorie de l’intelligence déclinée en 2 versions : intelligence dite « fixe » ou « incrémentale ».
  • Dans le 1er cas, les personnes ayant une intelligence dite « fixe » penseront que leur réussite est basée sur une capacité innée (je suis intelligent dès la naissance, ou je ne le serai jamais).
  • Dans le 2nd cas, les personnes ayant une intelligence dite « incrémentale » ou « de développement » devront leur réussite à un dur labeur et un apprentissage constant ; l’effort et la motivation étant les clés du succès, le coté innéiste disparaissant de l’équation.
Il découle de cela des comportements types qui nous caractérisent sans que nous en ayons conscience. En première approche très synthétique :
  • Si vous appartenez à la catégorie des « intelligences fixes » (fixed mindset), vous craindrez l’échec qui vous renverra à vos capacités de base que vous ne pouvez faire évoluer, puisque acquises à la naissance (l’échec vous fait dire que vous n’êtes pas assez intelligent pour réussir).
  • Les personnes classées dans la catégorie des intelligences « incrémentales » ou de« développement » (growth mindset) auront une très bonne tolérance à l’échec car elles ont avant tout conscience que leurs performances peuvent être améliorées par le travail.

    Les retours (feedback) que nous faisons en tant qu’enseignant sont d’une importance stratégique pour assurer une qualité d’apprentissage mais aussi développer une« intelligence incrémentale ».
Rz 21b-d9257Les études de Carol Dweck montrent que lorsque nous complimentons les élèves en attribuant la réussite à leurs capacités (tu es intelligent, brillant…) plutôt qu’à leurs efforts (ténacité, persévérance, motivation…), nous développons progressivement chez eux un « état d’esprit fixe » ou intelligence « fixe ».
A contrario, lorsque nous mettons en avant le travail accompli et les efforts (tu as bien travaillé, tu as fait ton maximum, tes efforts ont payé…), nous renforçons l’ « état d’esprit de développement », qui produit davantage de réussite scolaire et professionnelle (meilleur développement et épanouissement personnel). Il faudra donc y porter attention !
 
Voyons les deux approches en exemples avec un positionnement égocentré qu’il s’agira pour l’enseignant de transposer au besoin :
 
 
Développer un état d’esprit « fixe ».......... Développer un état d’esprit « incrémental »
Je ne suis pas doué sur ce coup-là !..............A côté de quoi suis-je passé ?
J’abandonne…............................................Je devrais utiliser certaines des stratégies que nous avons vues…
Je suis vraiment nul en physique...................Je dois m’entrainer à résoudre des problèmes de physique.
Je me suis encore planté !.............................Les erreurs m’aident à progresser…
J’ai fait un bon devoir..................................Est-ce vraiment ce que je peux faire de mieux ?
C’est vraiment trop dur !..............................Cela va me demander beaucoup de temps et d’efforts…
Je suis « une machine »[2] en maths !...........Je suis en bonne voie en maths, je dois poursuivre mes efforts.
 
De mon expérience d’enseignant auprès d’adultes, j’ai compris avec les années qu’il fallait cesser de se focaliser sur les capacités de l’étudiant (celui-ci est bon et celui-là peu doué) pour se concentrer sur l’apprentissage et les moyens de le rendre accessible.
Les activités de classe sont donc capitales pour développer un apprentissage actif et social. En effet, ne pas faire produire en cours correspond à placer l’étudiant en situation depassivité et donc ne pas donner le gout à l’effort. De plus, isoler l’étudiant dans son apprentissage ne contribue pas à développer des capacités de coopération indispensables de nos jours. Tout cela tend à développer un comportement ou état d’esprit « fixe ».
 
Le cours magistral ou transmissif (à plus petite échelle) est assez souvent peu efficace pour ces raisons : il cloisonne et rend passif.
Je lui préfère donc des scénarios de cours basés sur des démarches de projets, ou des problèmes qui vont stimuler la créativité, l’autonomie et l’esprit d’équipe. Les résultats sont présentés devant la classe par une intervention orale de type « exposé » ou « soutenance ». La classe joue alors à un jeu de rôle.
 
Il y a un jury et un orateur :
- L’orateur doit délivrer son message du mieux possible, avec une contrainte de temps et d’usage d’outils de présentation (de type PowerPoint par exemple).
- Le jury doit évaluer la prestation sur le fond (le contenu), la forme (la manière, les outils utilisés, la qualité de l’oral, la gestuelle, la voix etc…) et doit poser des questions pour engager et approfondir le débat.
 
A l’issue de la présentation, le débat s’engage donc et permettra à la classe de découvrir un sujet à travers l’expertise d’un étudiant (les études de Keran Egan montrent qu’un apprentissage très poussé est rendu possible en plaçant chaque étudiant en situation d’expertise sur un sujet [3]). Via ce scénario, les étudiants développeront aussi des capacités communicationnelles, de coopération, un esprit critique, une bonne compréhension du système jury/soutenant qui peut devenir aussi jury/postulant dans le cadre d‘un entrainement à la recherche d’emploi lors du cours de TRE (Techniques de Recherche d’Emploi).
 
J’insiste aussi beaucoup sur la notion de « feedback » via cette pratique pour développer l’apprentissage de la critique constructive et aussi de la recherche de critique. Les étudiants sont ensuite très demandeurs de retours sur leurs travaux et se placent dans une pratique plus coopérative et de progression via le dialogue entre pairs.
Bien entendu ce « feedback » doit adopter toutes les sens possibles, de pairs à pairs, de l’enseignant vers les étudiants mais aussi des étudiants vers l’enseignant. Il ne doit jamaisporter sur un jugement subjectif des capacités de la personne mais un jugement objectif et critérié du travail fourni ! Le bon état d’esprit (de développement) est ainsi développé par le gout à l’effort.
 
DUTM-30472Je donne aussi la parole à la classe à la fin de chaque thématique de cours pour avoir un retour et percevoir ce qui a pu ne pas fonctionner, ce qui est perfectible et ce qui a été apprécié. Cela me permet d’envisager certaines séquences différemment et de conserver celles qui fonctionnent très bien.
 
Je suis persuadé via ma pratique qu’un « feedback » régulier est capital pour permettre à l’enseignant d’améliorer ses pratiques pédagogiques. De plus cela permet d’impliquer plus fortement les étudiants dans le processus d’apprentissage…
 
Great Course = GrowthMindset * FeedBack
 
Voici donc une des équations d’un cours gagnant ! ;-)
 
Texte téléchargeable sur slideshare : http://fr.slideshare.net/jf.ceci 
 
Crédit Photo : http://www.photo-libre.fret Gaelle Rey en classe multimédia 2013
 

 1 - Carol S Dweck, Mindset : The New Psychology of Success (New York : Random House, 2006).
 2 - Expression estudiantine allant avec “je suis trop bon…”, « je suis une bête… » ou « je suis un Dieu »
 3 - “The Learning in Depth Project,” accessed April 7, 2014, http://www.ierg.net/LiD/.
Dernière modification le vendredi, 10 octobre 2014
Céci Jean-François

Jean-François CECI est enseignant en Humanités et culture numérique à l'UPPA (Université de Pau et des Pays de l'Adour) et responsable pédagogique du DUTM (Diplôme d’Université Techniques Multimedia). Il encadre également une option « Ingénierie de l’éducation et de la formation » en licence 3 professionnelle « Métiers de la Formation des Jeunes et des Adultes ». Au sein de cette licence, il dispense un cours intitulé « enseigner à l’ère du numérique » à de futurs enseignants. Praticien-réflexif, il expérimente les pédagogies actives, l’évaluation par les pairs et l’usage efficient du numérique éducatif.

Il mène des recherches en sociologie du numérique et de l’éducation au sein du laboratoire PASSAGES. Il s’intéresse plus particulièrement à l’hyperconnexion et l’apprentissage, du collège à l’université.

Dans le milieu associatif pour la refondation de l’école, il est administrateur à l'An@e (Association nationale des acteurs de l'école), éditrice du site http://www.educavox.fr

Comme directeur du service numérique, chargé de mission TICE puis conseiller numérique, il a participé à la vision stratégique et au pilotage politique et technique de son université, en matière de numérique éducatif.

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