Iulian Serban, Ekaterina Kochmar et Ansona Ching sont les trois rêveurs qui ont créé, Korbit Technologies. Plusieurs recherches démontrent que le fait d'avoir un tuteur privé conduit à un meilleur engagement de l’étudiant et à une connaissance plus approfondie du sujet d’étude. L’équipe de Korbit.AI s’est donc concentrée sur l’amélioration de l’engagement des étudiants dans leur apprentissage en permettant à chacun d’avoir un tuteur personnel, une intelligence artificielle à leur disposition.
Créer une intelligence artificielle qui peut être un tuteur efficace n’est pas chose simple.
Cette approche de l’enseignement et de l’apprentissage est si nouvelle que les options sont multiples, les décisions abondantes. La première étape a été de constituer une solide équipe. Julian étudie au doctorat à l’Université de Montréal et ses recherches portent sur les systèmes de dialogue et le traitement du langage naturel par les ordinateurs. Les huit autres membres de l’équipe, postés à Montréal, aux Philippines et au Royaume-Un possèdent conjointement une vaste expérience en apprentissage automatique.
Korbi, le tuteur alimenté par l’IA est conçu avec des algorithmes d’apprentissage automatique afin de s’adapter éventuellement à des milliers de sites d’études et à des millions d’étudiants. C’est un système d’apprentissage automatique à la fine pointe de la technologie.
Korbi crée un profil de chaque étudiant grâce à une évaluation continue de toutes les interactions avec ce dernier, ce qui lui permet de comprendre l’approche pédagogique préférable à utiliser avec celui-ci. Korbi personnalise le contenu des leçons par des conseils, en proposant des diagrammes de concepts interactifs, en reformulant les concepts et en résolvant les problèmes directement avec les étudiants au moyen de conversations (écrites) interactives. «Le temps est venu pour les tuteurs d'IA de transformer l'éducation pour toujours.» disent avec enthousiasme les créateurs.
Le premier cours offert porte sur les bases de l’apprentissage profond et c’est enseigné par Korbi, le tuteur en charge de l’intelligence artificielle. Korbi a été nourri à partir des conférences et des cours de professeurs du MILA https://mila.quebec/mila/. Le programme couvre une introduction à l'apprentissage automatique, une introduction aux réseaux de neurones, des réseaux de formation de neurones et des réseaux de neurones convolutifs et récurrents. Tout le monde peut s'inscrire gratuitement au cours en ligne ici → korbit.ai/machinelearning.
Mon expérience d’étude avec Korbi
Je ne suis pas l’étudiant «type». J’ai commencé plusieurs MOOC que j’ai abandonné par ennui. J’avais de l’intérêt pour les sujets d’étude choisis mais le rythme MOOC m’ennuie. Avec Korbit.AI , le «flow» me convient très bien. Les vidéos de présentation sont courtes, une petite dizaine de minutes. La matière est présentée en petits blocs digestes. Les interactions avec Korbi, le tuteur, sont agréables et il y a une variété de types d’interactions.
L’apprentissage machine se fonde sur des approches statistiques. Les ordinateurs peuvent «apprendre» à partir des données dont on les nourrit et ils savent améliorer leur performance sans avoir été explicitement programmés pour chacune des tâches à résoudre. Michel Colle dans volle.com http://michelvolle.blogspot.com/2018/04/prendre-lintelligence-artificielle-par.html écrit : L’intelligence artificielle informatise le traitement statistique des données : il s’agit en effet, dans chacune de ses applications actuelles, d’analyse discriminante, de classification automatique ou de régression.
J’ai fait un peu de statistiques au lycée. Ce qui ne date pas d’hier. De plus, les leçons de Korbi sont en anglais. Merveille, Korbi ne s’est jamais impatienté suite à mon ignorance. Korbi m’a répété les questions sous des angles différents et m’a proposé des suggestions pour m’aider à résoudre les exercices. Je comprenais les principes mais mon ignorance des termes et des formules statistiques rendait mes échanges avec Korbi un peu difficile. Korbi parle «mathématique» et moi «plain English».
On peut lire sur Wikipédia que le sémanticien François Rastier, propose six « préceptes » conditionnant un système de dialogue évolué :
- objectivité (utilisation d'une base de connaissance par le système) ;
- textualité (prise en compte d'interventions de plus d'une phrase, qu'elles émanent du système ou de l'utilisateur) ;
- apprentissage (intégration au moins temporaire d'informations issues des propos de l'utilisateur) ;
- questionnement (demande de précisions de la part du système) ;
- rectification (suggestion de rectifications à la question posée, lorsque nécessaire) ;
- explicitation (explicitation par le système d'une réponse qu'il a apportée précédemment).
Il suggère aussi que le système devrait être en mesure de se faire par lui-même une représentation de l'utilisateur auquel il a affaire, pour s'adapter à lui.
Korbi tente de respecter ces «préceptes». Korbi est encore jeune et c’est en travaillant avec nous que ce tuteur apprendra à devenir un meilleur enseignant. Korbi est un «apprenant tout au long de la vie».
Je n’ai pas pu comparer les réponses de Korbi à un étudiant dont les connaissances générales en statistique sont supérieurs aux miennes.
Le modèle pédagogique
L’apprentissage machine avec Korbi me semble s’inspirer partiellement de la pédagogie explicite, le Direct Instruction formalisé par S. Engelmann dont le projet Follow Through, une grande étude longitudinale qui a comparé neuf approches pédagogiques, a démontré que cette méthode d’enseignement dépasse en efficacité les autres méthodes utilisées sur les trois points évalués : connaissances de base acquises, savoir-faire, estime de soi.
L’enseignement explicite est structuré et méthodique et propose plusieurs exercices d’enseignements. Sous l’appellation d’enseignement par compétences, il se centre sur l’acquisition de compétences, de comportements. Cette pédagogie de nature béhavioriste propose une composante mécanique de l’apprentissage. C’est l’une de grandes forces de ce modèle pédagogique.
L’utilisation de tuteurs animés par l’intelligence artificielle pour l’instruction sera très efficace et très utile pour offrir une pédagogie différenciée qui s’adaptera au rythme et aux capacités de chaque étudiant.
Éduquer n’est pas uniquement instruire. L’éducation des enfants, des citoyens, en ce début de l’époque informatique dépasse les exigences de l’instruction. Ce constat est la première limite de l’instruction par tutorat guidé par l’intelligence artificielle.
La deuxième question dont il faut tenir compte lorsqu’on considère ce type de mentorat est le contenu des cours offerts par cette intelligence artificielle. Mathématique, physique, chimie, géographie physique, orthographe et grammaire font généralement consensus quant au contenu à apprendre. Mais que penser de l’enseignement de l’histoire, de la littérature, de la philosophie ? Que penser de l’éducation qui fait appel à la formation de l’esprit, à l’esprit critique. Le mentorat par intelligence artificielle ne présente-t-il pas une tentation pour certains états fascinés par le totalitarisme? Ne devons-nous pas sensibiliser les enseignants de demain à ces dangers. Et au pire, jouons à l’avocat du diable. Ces mentors virtuels ne se permettront-ils pas eux-mêmes d’orienter l’éducation des jeunes humains. Science fiction ?
Selon Yoshua Bengio, récipiendaire du prix Turing 2019 (le Nobel des informaticiens), l’IA est très stupide et ne comprend pas si on sort des schémas dont on la nourrit. L’IA n’a pas la compréhension globale du monde du chat, du chien ou de l’enfant de deux ans. «Les gens ont tendance à surestimer les transformations à court terme créées par l’intelligence artificielle et sous-estimer les transformations à long terme» dit Yoshua Bengio.
La machine et ses indéniables merveilles doit être utilisée en enseignement au mieux de ses capacités. La machine et ses indéniables merveilles ne doit pas devenir responsable de l’éducation des petits humains. Les faiblesses et les imperfections humaines ne sont-elles pas essentielles à l’humanisation ?
P.S. Vais-je terminer le cours ? Le but de mon étude n’était pas d’apprendre l’apprentissage profond mais d’expérimenter l’utilisation d’un tuteur piloté par l’intelligence artificielle.
Voyage au pays informatique,