Si certains audiolivres vendus par Internet nécessitaient le déboursé de coûteux frais de transport il y a à peine quatre ans, la situation a bien changé puisqu’il est maintenant possible de se les procurer par simple téléchargement en version pour iPod, lecteurs MP3 et même téléphones mobiles.
De son côté, l’Université de Montréal se targue d’être la première université francophone à se prévaloir des opportunités de ItunesU afin d’offrir des conférences, des cours, des concerts de musique, aussi sous forme de podcasts (balados).
Dans le secteur privé ou public, l’institution cherche à rejoindre de nouvelles clientèles.
Dans le même esprit, le développement des tablettes numériques ouvre la voie à une explosion de vente de livres numériques sous format PDF. Le Centre national du livreestime que l’industrie du livre subirait également le choc de changements irréversibles dans les habitudes d’achat des consommateurs. De façon moins brutale que dans le secteur de la musique, le livre numérique percera le marché de façon notoire. Ainsi la baladodiffusion et le ebook facilitent-ils l’accès à une grande panoplie de documents éducatifs grâce à la modernisation dans les pratiques du nomadisme pédagogique.
Mais que fera-t-on de cette manne informationnelle en éducation ?
Pour s’y retrouver, je crois qu’il faut de nouveau s’en remettre à de vieux principes des domaines de la communication et de la psychoéducation, et voir les médias comme un prolongement de l’être humain et de penser en termes d’autoformation et de socioconstructivisme dans une démarche d’apprentissage tout au long de la vie. Nous présenterons ci-après une grille graduée d’usage pédagogique de la baladodiffusion.
1- De timides efforts d’usage des technologies mobiles
- Niveau 0 de la grille : L’usage grand public dans un contexte de loisir
De façon purement ludoéducative, de nombreux utilisateurs transportent sur soi le contenu de leur discographie ou de leur bibliothèque personnelle dans le métro, en automobile, au supermarché, à l’école et même au bureau, soit pour meubler les temps d’attente ou les pauses-café, ou encore pour se créer un fond d’ambiance personnelle en remplacement de la radio. Les écouteurs sur les oreilles, ils s’installent dans une bulle qui ne dérange personne ; et qui, de plus est, les isole des bruits et des discours environnants.
Nous pourrions dire que dans ce contexte, la baladodiffusion offre peu de changements en matière d’apprentissage par rapport aux moyens normalement employés, comme le CD dans une minichaîne stéréo, ou le livre imprimé. Les avantages de la miniaturisation sont davantage pratiques.
- Niveau 1 de la grille : Les études – récompenses et les exercices d’appoint
Dans le milieu scolaire et à la maison, malheureusement, les périodes de technologies de l’information et de la communication (TIC) sont souvent associées à des moments de récompense, une fois le travail sérieux effectué, c’est-à-dire, les devoirs et les leçons, les tâches ménagères, etc. De plus, l’école sait que la génération C vit à l’heure des technologies, qui forment un véritable rival au milieu de l’école. Or, plusieurs écoles du Québec interdisent même la possession d’un téléphone mobile ; ce qui, à nos yeux, illustre bien le manque de préparation du milieu scolaire à l’usage éducatif de la baladodiffusion.
Dans ce contexte, il y a fort à parier que l’on voudra tisser un pont avec les jeunes en menant quelques tentatives d’insertion de podcasts, en offrant aux jeunes du matériel d’appointsupplémentaire pour réviser des leçons données en classe, par exemple. De manière timide l’école offrirait alors un simulacre de matériel éducatif, croyant motiver les étudiants, en oubliant qu’une règle de grammaire ou qu’une opération de mathématiques insolubles demeure tout aussi compliquée si la présentation offerte reste sensiblement la même d’un support à un autre.
Bref, il faut transformer le modèle éducatif si l’on veut faire un usage efficace et efficient des outils de la baladodiffusion.
2- L’intégration pédagogique de la baladodiffusion
- Niveau 2 de la grille : le projet et la collaboration
Il est clair que le succès de la baladodiffusion en contexte scolaire découle grandement de la maîtrise de stratégies d’apprentissage reliées à l’autoformation, laquelle trouve ses sources de motivation dans le cadre de projets éducatifs. Par exemple, un étudiant pourrait être en plein voyage-études dans un pays comme le Pérou, et transformer son iPod ou son iPad en véritable guide virtuel, le remplissant de données sur les Incas, le Machu Picchu, de cours d’espagnol, etc. Un autre étudiant pourrait être en stage dans une entreprise de réparation de moteurs d’avion et se doter d’une banque de données informationnelles sous forme de PDF, de bandes audio ou de vidéo. Le iPod rempli de leçons de piano, un musicien en herbe pourrait de son côté procéder à l’observation du doigté nécessaire à l’apprentissage d’une nouvelle pièce musicale, etc.
Si l’autoformation et le projet constituent à notre avis deux dimensions clés du succès de la baladodiffusion en contexte scolaire, nous pouvons penser aussi à des scénarios de typel’arroseur arrosé. Pour couvrir des objectifs pédagogiques de matières de base comme le français, les mathématiques ou les sciences selon une approche socioconstructiviste, des équipes d’élèves pourraient être appelées à créer du matériel éducatif pour expliquer les notions apprises en classe, et le rendre disponibles à la communauté éducative (enseignants et élèves) par le biais d’une banque de podcasts et de ebooks éducatifs.
La constitution de telles banques de données audio et scriptovisuelles servirait, par ailleurs, les besoins de personnes malvoyantes, malentendantes et bon nombre d’usagers à l’extérieur du milieu scolaire, tissant ainsi un lien utile entre l’éducation scolastique et communautaire.
- La démocratisation des savoirs
Les principes de l’apprentissage tout au long de la vie impliquent la maîtrise de solides stratégies d’apprentissage autodidactes et, bien entendu, la capacité de transformer toute situation de vie en source d’apprentissage. La personne autodidacte apprendra à se construire son propre programme d’études, à y définir des objectifs personnels et ses propres critères d’évaluation. Elle devra également se doter d’outils d’apprentissage sur mesure. Or, tout ce matériel peut pratiquement tenir dans le creux de la main sous forme de téléphone mobile ou de lecteur MP3, et dans un petit sac, sous forme de tablette numérique.
L’accès au savoir est tel qu’il est possible à quiconque d’apprendre les langues par soi-même, la faune marine, le fonctionnement d’une usine de production de produits naturels, les règles de l’économie sociale ou du développement international, bref presque tout à la condition de posséder les stratégies d’apprentissages requises.
Conclusion
Les TIC ne sont que des outils, chacun offrant de grands avantages éducatifs. Dans une approche éducative misant sur le socioconstructivisme, la pédagogie par projets, l’autoformation dans un contexte d’apprentissage tout au long de la vie, la baladodiffusion (iPod, lecteur MP3, téléphone mobile, etc.) et les ebooks sur tablettes numériques (iPad) ouvrent de nouvelles voies au nomadisme pédagogique. L’école doit faire face aux nouveaux défis qui s’offrent à elle, et le citoyen faire de l’apprentissage une vision de vie. Pour conclure, nous citerons Mahatma Gandhi : Live as if you were to die tomorrow. Learn as if you were to live forever.
Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation