L'accès à la cognition symbolique, propre à l'espèce humaine, implique une correspondance entre le monde sensible et le monde intelligible. Ainsi, la transformation d'objets sensibles peut signifier une transformation de concepts. C'est pourquoi, à l'instar du langage, la notion de calcul est inscrite dans l'essence de l'humain. L’article esquisse ensuite une généalogie du calcul automatique qui conduit à la culture contemporaine, fondée sur l'alimentation et le partage en temps réel d'une mémoire numérique commune à l'ensemble de l'humanité.
Comme le dit justement Bruno Bachimont « Le numérique réduit la réalité qu’il aborde à des symboles sans signification pour la soumettre à des manipulations aveugles »[1]. Le but de cet article est d’élucider les conditions de possibilité de cette réduction et de contribuer ainsi à ce que Lise Verlaet appelle « une anthropologie du numérique »[2]. Je montrerai d’abord comment la manipulation symbolique est constitutive de l’hominisation. J’examinerai dans un second temps l’élargissement progressif de l’engrenage entre le monde sensible (les signifiants) et le monde intelligible (les concepts) au cours de l’évolution culturelle. Dans le prolongement de ces analyses, j’évoquerai pour finir quelques grands traits de la civilisation numérique contemporaine.
L’expérience sensible
Dans le règne animal, le développement du système nerveux découle des nécessités de la locomotion :
Il s’agit de mettre en boucle les sens et la motricité pour orienter le mouvement. Au cours de l’évolution, ce circuit réflexe se complexifie en simulation de l’environnement, évaluation de la situation et calcul décisionnel menant à l’action. Une émergence existentielle accompagne la nécessité cognitive puisque le système nerveux génère une expérience phénoménale peuplée d’images multimodales (cénesthésie, toucher, goût, odorat, audition, vue) incluant le ressenti des mouvements propres.
La conscience animale se rapporte à un monde hors d’elle-même : elle est intentionnelle[3]. Ses objets se conservent au-delà de la variété des perceptions immédiates. Le plaisir et la douleur polarisent la gamme des sensations, les émotions dirigent l’activité. Locomotion oblige, l’animal localise sa présence et habite un territoire. Sa conscience n’est pas seulement plongée dans l’espace et pleine de sensations actuelles, elle est aussi virtualisée par une imagination qui lui rappelle des événements passés (l’écureuil se souvient des lieux où il a caché ses noisettes), assure la continuité de ses mouvements et le projette dans un futur immédiat. Il discerne les situations où il est jeté et catégorise les objets de sa perception. Il reconnaît des proies, des prédateurs ou des partenaires sexuels et agit en conséquence.
Ceci n’est possible que parce que des circuits neuronaux (innés ou appris) codent des schémas d’interaction – ou concepts – qui orientent, coordonnent et donnent sens à son expérience phénoménale, tout en supportant une communication sociale complexe avec ses congénères[4]. Les signaux de la communication animale – cris, postures, phéromones – portent des concepts (« prédateur à l’approche », « nourriture », « c’est mon territoire », « soumission », etc.) mais ils sont biologiquement hérités, limités en nombre, en complexité et ne se réfèrent qu’à des situations actuelles.
La révolution symbolique
La station debout, la main, la fabrication d’outils et la maîtrise du feu singularisent le genre Homo.
Et puis les Néanderthaliens, les Dénisoviens et les Sapiens se mettent à parler[5]. Notre cerveau a les mêmes propriétés que celui des vertébrés supérieurs, avec les capacités cognitives et communicatives qui viennent d’être évoquées et le type d’expérience sensible qui lui correspond. Mais il possède en plus une capacité de reconnaissance et de production de symboles qui nous fait entrer dans un nouvel univers. En effet, l’évolution biologique qui mène à l’humain a transformé le cerveau du primate initial pour l’ajuster à une spécialisation symbolique unique dans le règne animal : hypertrophie du cortex préfrontal, amplification du cervelet, apparition des aires de Broca et de Wernicke, division du travail plus poussée entre les hémisphères et réorganisation générale des circuits neuronaux[6]. Interface ontologique, le cerveau humain conduit la symbiose et la coévolution d’écosystèmes symboliques avec des populations de primates parlants plongés dans la biosphère.
Qu’est-ce qu’un symbole[7]? En un mot, il s’agit de la traduction conventionnelle (variable selon les sociétés) d’un concept – c’est-à-dire d’un schème organisateur de l’expérience – en un phénomène sensible. Ajoutons que – loin d’être indépendants les uns des autres – les symboles s’organisent en systèmes qui règlent leurs compositions, leurs substitutions et leurs différences. En se projetant sur les images sensibles des systèmes symboliques, les concepts qui organisaient le monde phénoménal de l’intérieur opaque de la boîte crânienne des vertébrés deviennent explicites, partageables et se recombinent à volonté. La révolution symbolique se répercute sur l’ensemble du monde vécu. La communication se coule dans le moule de langages et de codes conventionnels, des rituels complexes organisent les relations sociales et des combinaisons d’artefacts conduisent les interactions sensorimotrices[8].
La communication
Par contraste avec la communication indicielle ou iconique des autres animaux, nous racontons ce qui nous est arrivé la veille, prenons rendez-vous pour la semaine prochaine et inventons des histoires. Les territoires de nos ancêtres évolutifs étaient peuplés d’objets et d’agents actuels. Le monde humain se compose en outre de lieux, d’êtres et d’événements invisibles, ou qui ne sont plus là depuis longtemps, ou qui n'arriveront jamais.
Une langue possède des milliers d'unités de sens élémentaires, ce qui dépasse de plusieurs ordres de grandeur le répertoire de signaux des espèces animales.
Verbes et noms communs désignent des catégories générales tandis que les noms propres étiquettent les êtres et les événements singuliers. Le langage traduit les schémas d'interaction par des phrases. Le verbe évoque l'action, les rôles grammaticaux décrivent les actants et les circonstances et le tout modélise une scène complexe[9]. Ajoutons que chaque mot d’une phrase évoque à son tour un schéma d'interaction : « don », « sacrifice », « naissance », « chasse », etc. Les symboles linguistiques s'organisent selon une grammaire récursive : les expressions se composent en séquences et s'emboîtent les unes dans les autres comme des poupées russes, ce qui permet de construire et de déchiffrer une quantité indéfinie de textes complexes pourvus de significations distinctes[10]. Les primates parlants élaborent les schémas qui organisent leur expérience avec un luxe de détail hyperréaliste. Les concepts immédiats et massifs des autres animaux font place aux généalogies, aux classifications fines, aux genres, aux espèces et à leurs différences, aux tissus de notions raffinées dont chaque nœud est à son tour un réseau. Nos récits s'enchâssent et se répondent. L’éventail des représentations mentales s’élargit indéfiniment.
Le symbole linguistique est coupé en deux puisqu’il possède (a) une partie actuelle ou signifiante : une image sonore, visuelle, tactile ou autre, comme le son “arbre”, et (b) une partie virtuelle[11] ou signifiée : un concept général, comme celui de “plante ligneuse possédant des racines, un tronc et des branches”. Le signifiant lui-même se dédouble en forme abstraite (le phonème, le caractère, le geste) sans adresse, intemporelle, et une image concrète, située, datée : ce timbre de voix, cette lettre, une main qui s’agite. Quant au signifié, il possède à son tour une part virtuelle et une part actuelle[12]. Le dictionnaire et la grammaire d’une langue définissent la partie virtuelle, générale, encore flottante, du sens d’une parole qu’on nous adresse. Notre connaissance de la langue nous permet de décoder cette séquence de phonèmes pour la traduire en réseaux de concepts, en récit suscitant des images, des émotions et des souvenirs[13]. Un rhizome[14] de sens illumine un instant le mutisme de l’expérience. Une signification s’est actualisée ainsi pour nous, mais elle s’actualiserait différemment dans des circonstances dissemblables pour quelqu’un d’autre, pourvu d’une mémoire singulière.
Bien que les parties signifiantes des symboles – des images en mouvement – n'apparaissent aux sens que dans l'espace-temps phénoménal, elles désignent pour l’intelligence humaine des signifiés qui peuplent un univers abstrait inépuisable, au croisement de structures hiérarchiques de composition (les syntagmes) et de structures symétriques d'opposition et de substitution (les paradigmes[15]). De tels arrangements – indissolublement syntaxiques et sémantiques – ne sont pas limités aux langues. Ils se retrouvent peu ou prou dans les autres systèmes de signes. Par exemple, comme les paradigmes de la langue, les harmonies de la musique organisent un ordre de la simultanéité et des choix possibles tandis que la mélodie se déroule dans le temps de façon linéaire à l’instar du syntagme en linguistique. Quant à la communication visuelle, les palettes de formes et de couleurs forment des groupes de substitution qui croisent le plan de la composition des images.
Les émotions élémentaires se diffractent en une myriade de sentiments mêlés, violents ou délicats. Les lieux sont nommés, mesurés, cartographiés. Le dense filet des heures et du calendrier capte la temporalité. Le langage ouvre l’espace de l’interrogation, du dialogue et du récit. Il supporte le raisonnement, la démonstration, le souci de la vérité… sans oublier la dissimulation mensongère et la désinformation. D’ailleurs, ce ne sont pas seulement les messages qui sont codés, mais aussi les systèmes de véridiction à savoir, selon les occasions, les manières de décider du vrai ou du beau.
La société
La personne naît de l’interlocution.
L’autoréférence implicite dans l’expérience animale se redouble chez l’humain d’une première personne explicite, un soi-même auquel fait immanquablement face l’autre d’une seconde personne et l’objectivité d’un monde supposé commun et reconnu comme tel à la troisième personne[16].
Les sociétés d’une même espèce animale se ressemblent. Par contraste, les groupes humains connaissent une grande diversité de rôles sociaux et de règles d’interaction. La parenté, l’organisation politique ou le commerce avec l’invisible (ancêtres, esprits, dieux et valeurs) relèvent ici encore de la convention. Des rituels codifient, socialisent et réifient un ordre symbolique que des systèmes de justification – morales, droits, religions, traditions – expliquent et motivent.
Les rôles sociaux ont des traits communs avec les rôles grammaticaux, dont le moindre n’est pas l’emboîtement récursif. Aux arbres syntaxiques du langage répondent les arbres généalogiques des familles et les organigrammes des administrations. Les oppositions du type « frère et sœur » en rôle de germain ou « police et armée » en rôle de garant de la sécurité, voire les partitions fonctionnelles du type « prêtres, guerriers et paysans »[17] ressemblent aux groupes de différence et de substitution des paradigmes lexicaux.
La technique
Si la symbolisation consiste à projeter dans le sensible et à systématiser des schémas de comportement, alors elle ne concerne pas seulement les codes de communication et les relations sociales mais aussi les interactions avec le monde physique. Les artefacts et les outils sont produits par des méthodes communes, ils exhibent des « affordance[18]s » (possibilités d’usage) et commandent des gestes.
Les techniques les plus matérielles participent de l’ordre symbolique par leur externalisation et leur socialisation des fonctions corporelles, par leur réification des perceptions et des mouvements. A fortiori la dimension virtuelle de nos rapports aux choses compose une part essentielle des systèmes culturels : les règles qui régissent le travail et la propriété, les procédés de l’échange et de la comptabilité. Quand les sociétés animales ne connaissent ni monnaie ni économie, les tribus les plus primitives utilisent des coquillages pour leurs trocs et gardent mémoire des dons et contre-dons.
La syntaxe vient se nicher jusque dans l’ordre de bataille des armées et l’arrangement des gestes techniques. Les structures arborescentes des phrases et des textes se retrouvent dans l’enchaînement des opérations nécessaires à la construction des bâtiments, au tissage des étoffes ou aux recettes de cuisine. Et dans la plupart des cas, l’Homo Faber pourra remplacer un matériau par un autre, modifier l’épaisseur des fils ou substituer la pomme de terre au riz tout en conservant le plan d’action général. Le même manche en bois se termine par la tête en métal d’une pelle, d’une pioche ou d’une fourche comme les mots d’un paradigme se substituent les uns aux autres dans un même contexte narratif.
La symbiose culturelle
L’ordre des signes, celui des gens et celui des choses s’impliquent réciproquement dans la tresse bien serrée de l’hominisation. Nous ne les avons examinés successivement que pour les besoins de l’exposition. Définissons la culture comme l’ensemble des systèmes symboliques (sémiotiques, sociaux, techniques), leurs produits et leurs couches d’inscriptions sédimentées[19]. Dès lors, la vie de l’esprit – qui transcende les existences individuelles – résulte d’une symbiose entre les primates parlants qui composent une société et la culture qu’ils partagent.
Les cultures codifient, mettent en commun et réifient les concepts (les schémas organisateurs de l’expérience) tandis que les individus incorporent les langages, les rituels et les pratiques techniques. Les conventions et les outils transmis par la culture ne sont mis en œuvre que si des personnes vivantes internalisent leurs usages, incarnent leur maniement et les traitent comme une seconde nature. C’est pourquoi, aussi divers – voire hétéroclites – que soient les constructions sociales et les artifices culturels en un temps et un lieu particulier, les corps vivants qui les intègrent en font, avec plus ou moins de bonheur, une unité organique.
De longues années sont parfois nécessaires pour apprendre à manier les conventions sémiotiques, pensons par exemple à l’écriture. Pour que des interlocuteurs reconstituent des réseaux de concepts à partir d’une séquence de phonèmes et traduisent des idées ou des consignes en sons, il faut que le dictionnaire qui établit la correspondance entre signifiants et signifiés élémentaires, la grammaire qui régit la composition des unités de sens, sans oublier la prosodie, les accents et la musique de la langue, soient intégrés aux réflexes et aux habitudes perceptives de l’organisme.
Il en est de même pour les relations sociales. Nous apprenons à discerner les jeux de rapports interpersonnels qui ont cours dans notre milieu, à nous identifier à des rôles, à les incarner le mieux possible et à jouer notre partie dans des scénarios conventionnels, aidés en cela par des parcours d’initiation et la répétition de mises en scène rituelles. L’usage des artefacts, le maniement des outils, la conduite des véhicules, l’exécution collective de tâches complexes suppose encore une fois l’intériorisation corporelle et mentale des techniques ambiantes.
Les personnes physiques ne survivent qu’à condition d’assimiler les systèmes symboliques et de s’approprier leurs produits. Symétriquement, pour durer, une culture doit être absorbée, mise en œuvre et transmise par des individus. Dans cette relation où chacun des deux participants se nourrit de l’autre, la culture représente le pôle virtuel, ni mort ni vif, en attente d’être actualisé par une population humaine. Quant aux personnes physiques, elles incarnent le pôle subjectif, présent, sensible, vivant et mortel de la dynamique symbolique. Et chaque génération, oublieuse ou ardente, innovante ou décadente, rejette à son tour les dès. Tel est le moteur de l’évolution culturelle. L’héritage immémorial de nos ancêtres soutient nos esprits vivants comme du fond des eaux tropicales le corail empilé par les siècles porte les poissons multicolores vers la lumière du soleil.
La stigmergie symbolique
L’intelligence collective des animaux repose largement sur une communication stigmergique [20] : les traces plus ou moins durables qu’ils laissent dans un environnement partagé leur permettent de coordonner leurs actions. La senteur des phéromones, l’écho des cris et des chants, l’image fugace des postures ou des empreintes suscitent des réactions immédiates.
Comme d’autres espèces eusociales, nous communiquons en grande partie de manière stigmergique, mais au lieu de marquer un territoire physique au moyen de phéromones ou d’autres types de signaux visuels, sonores ou olfactifs, nous laissons des traces symboliques. Le règne humain amplifie les mécanismes de la stigmergie. Ce sont des textes symboliques élaborés qui s’accumulent, se répondent, se laissent alimenter et réapproprier par les groupes et les individus.
Non seulement la mémoire commune se complexifie et s’allonge mais la synchronisation des expériences et la propagation des affects s’intensifie. Les systèmes symboliques ayant été incorporés par les individus, voici que les signifiants, les gestes rituels et les artefacts familiers déclenchent automatiquement des circuits neuronaux, avec les schémas d’interaction, les émotions, les images, les souvenirs et les impulsions motrices qu’ils évoquent. De même qu’un contact avec une molécule de phéromone provoque un comportement réflexe chez la fourmi, nous ne pouvons pas ne pas comprendre la parole qui atteint nos tympans et le moindre récit évoque irrésistiblement des représentations mentales et des sentiments. Le public d’un spectacle, les danseurs d’une rave, les manifestants qui scandent un slogan entrent en résonnance. Les membres d’une équipe d’aviron ou de football sont peut-être plus en phase que ne le seront jamais une harde de babouins ou un clan de loups.
La manipulation symbolique
Qu’il soit bien entendu que l’esprit humain ne quitte jamais l’expérience sensible.
Les combinaisons les plus complexes de la culture s’enracinent dans un monde spatio-temporel, habité d’objets et d’agents tangibles, entretissé de relations causales imaginées, animé de l’intérieur par les tropismes de l’émotion, résonnant de timbres et de rythmes, alternant l’ombre et la lumière, la douceur et la violence.
Mais cette expérience sensible, parce qu’elle est signifiante pour notre espèce symbolique, pointe vers un monde intelligible dont les rapports, les successions et les connexions sont tout autres que celles de l’espace, du temps et de la causalité matérielle. Les concepts qui peuplent le monde intelligible peuvent être situés à l’intersection de trois axes.
Un premier axe – étroitement symbolique – organise la correspondance entre les images sensibles et leurs vis-à-vis conceptuels, qu’il s’agisse des signifiés linguistiques, des relations sociales ou des fonctions techniques.
Un second axe structure les concepts selon des arbres syntaxiques dont chaque feuille peut devenir – récursivement – une racine. Dans l’ordre des signes, des grammaires composent les phrases linguistiques ou musicales, assemblent les textes et les images, disposent les œuvres selon de savantes taxonomies par époques, genres, écoles et sujets.
Les syntaxes sociales dessinent la structure des institutions, elles hiérarchisent ou symétrisent les âges, les sexes et les classes ; elles règlent les jeux, distribuent les rôles, équilibrent les pouvoirs et divisent le travail. Les syntaxes techniques schématisent les opérations en série ou en parallèle, aménagent les petits ateliers et les vastes usines, imbriquent les pièces des machines et les chaînes logistiques. Enfin le troisième axe – paradigmatique – ordonne les systèmes de différences et de substitutions dont les anneaux tournoyants occupent les nœuds des arbres syntaxiques. Le monde intelligible s’épanouit entre ces trois axes, foisonnant, divers, interdépendant, mutant, en voie d’hybridation, emporté par une évolution culturelle irréversible.
En somme, la symbolisation situe l’esprit humain à l’interface entre deux mondes, celui du mouvement physique et des images sensibles, régi par un groupe de transformations spatio-temporelles, et celui des formes intelligibles, réglé par un groupe de transformations conceptuelles. C’est pourquoi des opérations idéelles embrayent sur des opérations physiques et, symétriquement, des transformations sensibles entraînent des changements conceptuels. Le morphisme qui couple les deux univers ouvre un champ d’action inaccessible à l’animalité présymbolique puisqu’il devient possible de commander les transformations conceptuelles à partir de mouvements physiques et d’enchaîner les gestes matériels suivant des opérations conceptuelles. Le calcul est originel. Au noyau dur de l’anthropogénèse nous découvrons la manipulation symbolique. A partir du pli du conceptuel sur le sensible et de sa condition de possibilité dans le cerveau humain, l’élargissement du passage entre les deux ordres de réalité et l’efficacité croissante de leur traduction réciproque rythme une évolution culturelle qui ne cesse de reprendre et d’amplifier l’événement de l’hominisation.
Implémenté de manière distribuée dans les cerveaux des populations de primates parlants, cinq systèmes d’exploitation symbolique se sont succédés jusqu’à maintenant, chaque nouvelle version étant pleinement compatible avec les versions antérieures.
À l’oralité primaire correspondent le nomadisme, l’organisation tribale, la chasse et la cueillette, les connaissances transmises par les rites et les récits, le shamanisme pour les rapports avec l’invisible. Les premières écritures, ou l’autoconservation des symboles, accompagnent les civilisations des palais-temples, l’élevage et l’agriculture à grande échelle, l’école des scribes et la systématisation des connaissances. Le zéro[21], l’alphabet ou le papier optimisent la manipulation des signifiants dans les cités commerçantes et les empires, avec leurs élites lettrées, leurs religions universelles, leurs philosophies et leurs monnaies.
À partir du XVIe siècle, la mécanisation de l’écriture et de la mesure du temps annoncent la modernité : les sciences de la nature deviennent expérimentales et mathématiques ; les moteurs révolutionnent les industries et le transport ; les états nations, les nouvelles perspectives séculières de salut (comme le libéralisme ou le socialisme) et l’enseignement obligatoire transforment les sociétés. Enfin l’électrification, les médias électroniques et l’informatique du vingtième siècle préparent la culture numérique contemporaine, fondée sur les techniques de contrôle de l’énergie et de la matière à l’échelle des particules élémentaires, la transformation automatique des signes, la communication mondiale interactive et instantanée, l’économie de l’information. Il est encore difficile de préciser les nouvelles formes politiques, épistémiques et idéologiques qui prévaudront dans la nouvelle culture. Il est néanmoins certain que le numérique est notre système d’exploitation symbolique global, non seulement – comme il est évident – aux plans de la communication et de la technique mais aussi des relations sociales.
S’agit-il d’un retour de la fable du progrès (« Ça va de mieux en mieux ») ? Non puisqu’un système d’exploitation peut supporter diverses applications, qu’on jugera bonnes ou mauvaises selon les points de vue. La même forme politique « état nation » possède une face libérale et une face totalitaire, la même structure industrielle fabrique des voitures et des chars d’assaut, le même Internet sert l’information et la désinformation. J’ajoute que la notion générale de progrès suppose un critère d’évaluation constant du paléolithique au XXIe siècle – ce critère étant généralement celui des contemporains – alors que chaque époque, chaque culture réinvente ses valeurs ultimes.
Ma partition en cinq systèmes d’exploitation symbolique successifs simplifie un processus continu, inégalement distribué dans l’espace, soumis à de multiples décalages, retours en arrière et sauts d’étapes. De plus, les formes culturelles qui apparaissent à une époque donnée ne disparaissent pas aux époques ultérieures mais sont reprises et adaptées à un nouveau contexte. Malgré la complexité du processus, l’évolution générale semble irréversible et fermement orientée vers un engrenage toujours plus efficace entre le sensible et l’intelligible.
La numérisation de la communication
Sur le temps long d’une évolution qui s’accélère, de l’oralité à l’électronique en passant par le manuscrit et l’imprimé, les systèmes de communication portent les messages de plus en plus loin et les conservent de mieux en mieux[22]. Voici que les symboles s’allègent, se multiplient, se diffusent, se traduisent et se transforment. Mais plus les symboles se font “soft“, logiciels, virtuels, plus ils s’approchent d’une forme omniprésente et malléable échappant à l’inertie de la matière, plus leur inscription nécessite de supports “hard”, d’instruments et d’installations lourdement actuelles.
La manipulation des signes relève d’une longue histoire où la virtualisation des codes et l’actualisation des médias s’entraînent mutuellement : tablettes d’argile, rouleaux de papyrus ou de soie, réseaux de routes et de ports des empires antiques, poste à cheval, fabrication du papier, machines à imprimer, bâtiments des écoles et des bibliothèques, poteaux télégraphiques au bord des voies ferrées, antennes et satellites, jusqu’aux centres de données qui consomment l’électricité d’une centrale et aux magazines, radios, tourne-disques, télévisions, ordinateurs et téléphones crachés par des usines et qui finissent par s’entasser pêle-mêle dans des décharges.
L’intelligible et le sensible alternent, se compénètrent et compliquent leur enchevêtrement.
Chaque tour de leur spirale dépose une nouvelle couche de complexité qu’entraîne la révolution suivante. Il en est de ces deux modes d’être comme des rapports du Yin et du Yang dans la philosophie chinoise traditionnelle. Un des principaux classiques confucéens, le Yi-King[23] (ou I-Ching) représente la dynamique des transformations cosmiques, politiques et personnelles au moyen de soixante-quatre hexagrammes : six lignes empilées dont certaines sont continues (Yang) et d’autres brisées (Yin).
Ce vieux livre oraculaire présente un des premiers alignements entre structure signifiante et situation signifiée : les deux plans des hexagrammes et des configurations pratiques obéissent au même groupe de transformations. Faut-il faire remonter là le codage binaire et la manipulation réglée des signifiés au moyen des signifiants qui caractérise l’informatique ? Ou bien faut-il identifier les débuts du calcul automatique à la formalisation du raisonnement logique par Aristote[24] ? Et que dire des mathématiciens indiens qui ont inventé la numération par position avec neuf chiffres et le zéro, rendant ainsi les calculs arithmétiques simples et uniformes ? Ou du développement de l’algèbre par les mathématiciens arabophones, andalous ou persans, comme Al Khawarizmi, qui a donné son nom à l’algorithme[25] ? Dans tous ces cas, la manipulation réglée, quasi-mécanique, d’éléments visibles et tangibles entraîne un mouvement d’objets virtuels : tropismes politiques, propositions logiques ou nombres insubstantiels.
Le calcul
Examinons de plus près le calcul, qui est un cas d’école de l’embrayage entre le sensible et l’intelligible.
Il peut être défini comme l'art de mécaniser les opérations symboliques. Le calcul suppose l'adoption d'un système de codage pour les variables et les opérations ainsi que la définition de chaînes d'opérations : les algorithmes. L'application d'un algorithme à un ensemble de variables en entrée mène à la variable de résultat en sortie. Les symboles étant constitués d'une partie signifiante et d'une partie signifiée, les calculs sont d’autant plus efficaces qu’ils s'appliquent aux signifiants de manière mécanique, c'est-à-dire sans tenir compte des signifiés.
Les algorithmes sont aveugles aux contenus sémantiques des symboles qu'ils manipulent. Même lorsque nous effectuons une multiplication à la main, nous suivons toujours la même routine, quels que soient les nombres multipliés. Les signifiants manipulés par les opérations peuvent être assimilés à des pièces matérielles comme des jetons, des billes ou des cailloux. Le mot calcul lui-même vient du latin calculus signifiant galet (calculus a aussi donné "caillou" en français) parce que les anciens romains utilisaient des petits galets pour effectuer des opérations arithmétiques sur des abaques.
Le calcul est un art dans la mesure où le codage du signifié par un certain système de signifiants facilite plus ou moins la manipulation réglée des symboles. Par exemple, le système de notation des nombres des anciens égyptiens ou des anciens romains ne se prête pas à une manipulation algorithmique des nombres aussi efficace que celui de la notation par position avec zéro des chiffres indo-arabes. Essayez de multiplier de grands nombres en utilisant les chiffres romains pour vous en convaincre.
L'efficacité de la manipulation symbolique implique un compromis entre, d'une part, la généralité des algorithmes (la maximisation des cas auxquels ils s'appliquent) et, d'autre part, la minimisation du nombre d'opérations nécessaires pour arriver au résultat. Le progrès du codage algébrique et le perfectionnement des procédures automatiques de calcul marquent généralement un saut de cohérence et de rigueur dans le domaine auquel ils s'appliquent, comme le montrent les percées de la science expérimentale moderne qui ont souvent unifié des formes et des méthodes disparates au moyen de coups de filet algébriques.
Les machines à calculer
Des machines à calculer mécaniques avaient été construites dès le XVIIe siècle par Pascal et Leibniz.
Charles Babbage et Ada Lovelace ont construit des prototypes de machines à calculer complexes dans la Grande-Bretagne victorienne. Les caisses enregistreuses présentes dans de nombreuses boutiques effectuaient les opérations arithmétiques au début du XXe siècle. Mais pour atteindre des calculatrices électroniques programmables – beaucoup plus rapides et adaptables que les machines précédentes – il a fallu que plusieurs progrès théoriques et techniques soient accomplis au préalable. Du côté théorique, Turing avait dès 1937 décrit un automate abstrait capable d’effectuer n’importe quel calcul définit par un programme. Du côté technique, dès le début du XXe siècle, les diodes, ou tubes à vide, ont permis le contrôle fin des flux d’électrons. Utilisés par les premiers ordinateurs, ces composants volumineux et grands consommateurs d’énergie seront ensuite remplacés par les transistors, puis par les circuits imprimés dans la course à la vitesse et à la miniaturisation qui marque l’industrie électronique[26].
Un pas décisif fut franchi par Claude Shannon[27] en 1938, lorsqu’il démontra la corrélation entre le calcul logique et l’arrangement des circuits électriques, à la confluence du conceptuel et du sensible. Un interrupteur ouvert ou fermé correspond à “vrai” ou “faux”, un montage des interrupteurs en série correspond à l’opérateur logique “et”, un montage en parallèle à l’opérateur “ou exclusif”. Or les connecteurs non, et, ou suffisent à exprimer l’algèbre de Boole[28], à savoir la formalisation de la logique ordinaire. L’arithmétique en base deux (0, 1) se prête également fort bien au calcul électronique.
Traversant les portes logiques, courant dans le labyrinthe de circuits que forment et reforment les programmes, rapide comme l’éclair, l’électron devient signifiant. Automatiser la manipulation du sens virtuel en mécanisant celle du signe actuel, telle est la puissance du codage informatique.
Dès lors, en quelques générations, le numérique va s’imposer comme le méta-médium de la communication sociale. De 1955 à 1975, les gros ordinateurs centraux ne servent que les grandes administrations et le calcul scientifique. Moins d’un millième de la population mondiale est en relation directe avec ces « cerveaux électroniques », comme on les appelle alors. De 1975 à 1995, le courrier électronique se banalise, les ordinateurs personnels qui se connectent par l’internet augmentent la productivité de la classe créative et des cols blancs. Un pour cent de la population mondiale est désormais connectée. De 1995 à 2015, le Web s’impose comme la nouvelle sphère publique et absorbe progressivement les médias antérieurs. Le téléphone intelligent se niche dans nos poches et sur nos tables de chevet. La moitié de la population mondiale entre en résonnance dans les médias sociaux.
Dans les années 2020, les opérateurs américains et chinois des grands centres de données dominent la communication planétaire. L’intelligence artificielle occupe le poste de commande d’un milieu numérique dans lequel la quasi-totalité de la population humaine est plongée[29].
La stigmergie numérique
Moins d’un siècle après l’invention des premiers ordinateurs, la mémoire du monde est numérisée, accessible à la majorité de la population via l’internet.
Qu’une information se trouve en un point du réseau et la voici partout. Du texte statique sur papier, nous sommes passé à l’hypertexte ubiquitaire, puis à l’architexte surréaliste qui rassemble tous les symboles. Une mémoire virtuelle s’est mise à croître, secrétée par des milliards de vivants et de morts, fourmillant de langues, de musiques et d’images, grosse de rêves et de fantasmes, mêlant la science et le mensonge. Si l’échange de messages point à point a toujours lieu, la majeure part de la communication sociale passe désormais par une stigmergie électronique.
Plongés dans l’espace numérique, nous communiquons par l’intermédiaire de la masse océanique de données qui nous rassemble (communiquer par l’intermédiaire d’un environnement commun est la définition même de la communication stigmergique). Chaque lien que nous créons, chaque étiquette ou mot-dièse apposée sur une information, chaque acte d’évaluation ou d’approbation, chaque « j’aime », chaque requête, chaque achat, chaque commentaire, chaque partage, toutes ces opérations modifient subtilement la mémoire commune, c’est-à-dire le magma inextricable des rapports entre les données.
Notre comportement en ligne émet un flux continuel de messages et d’indices qui transforment la structure de la mémoire et contribuent à orienter l’attention et l’activité de nos contemporains. Nous déposons dans l’environnement virtuel des phéromones électroniques qui déterminent en boucle l’action des autres internautes et qui entraînent par-dessus le marché les neurones formels des intelligences artificielles (IA).
L’intelligence artificielle et la mémoire
Le cerveau biologique abstrait le détail des expériences actuelles en schémas d’interactions, ou concepts, codés par des patterns de circuits neuronaux. De la même manière, les modèles neuronaux de l’IA condensent les données innombrables de la mémoire numérique[30]. Ils virtualisent les données actuelles en patterns et en patterns de patterns. Conditionnés par leur entraînement, les systèmes d’IA peuvent alors reconnaître et reproduire des données correspondant aux formes apprises. Mais parce qu’ils ont abstrait des structures plutôt que de tout enregistrer, les voici capables de conceptualiser correctement des formes (d’image, de textes, de musique, de code…) qu’ils n’ont jamais rencontrées et de produire une infinité d’arrangements symboliques nouveaux. Les patterns cachés dans les myriades de couches et de connexions des cerveaux électroniques font retomber en pluie des actualisations inédites.
C’est pourquoi l’on parle d’intelligence artificielle générative. L’IA neuronale synthétise et mobilise la mémoire commune accumulée par les siècles. Loin d’être autonome, elle prolonge et amplifie une intelligence collective stigmergique. Des millions d’utilisateurs contribuent au perfectionnement des modèles en leur posant des questions et en commentant les réponses qu’ils en reçoivent. Nous semons des données pour récolter du sens.
Le calcul électronique qui simule le fonctionnement des neurones donne-t-il naissance à une conscience autonome ?
Non, parce que les machines manipulent seulement la partie matérielle des symboles et que les images, les textes, les mélodies n’ont de signification que pour nous lorsqu’elles sont émises aux interfaces.
Non, parce que l’expérience phénoménale est la contrepartie d’un organisme animal et que le sens intelligible n’apparaît qu’à la personne qui s’est imprégnée d’une culture.
Les humains participent de l’esprit parce qu’ils habitent un corps vivant.
De l’autre côté du miroir, les signifiants tourbillonnent à l’aveugle, les galets s’entrechoquent sur le grand abaque, une furie électronique insensée se déchaîne dans les centres de données.
De ce côté du miroir, les écrans nous présentent le visage d’un autre qui parle, mais c’est une projection anthropomorphe. Une bibliothèque ne se souvient pas plus qu’un algorithme ne pense : les deux virtualisent des fonctions cognitives par externalisation, transformation, mise en commun et ré-internalisation. Les nouveaux cerveaux électroniques synthétisent et mettent au travail l’énorme mémoire numérique par l’intermédiaire de laquelle nous nous souvenons, communiquons et pensons ensemble.
Derrière “la machine” il faut entrevoir l’intelligence collective humaine qu’elle réifie et mobilise.
Pierre Lévy
Membre de la Société Royale du Canada
Initialement publié dans la revue : Le numérique comme objet, le numérique comme système numéro 6 coordonné par Lise VERLAET et Bruno BACHIMONT
La revue Intelligibilité du numérique s’adresse à l’ensemble de la communauté scientifique, accueille toutes formes d’articles scientifiques (recherches fondamentales, expérimentales et prospectives, études empiriques, retours d’expérience…), lesquels pourront être traités à travers des prismes disciplinaire, pluridisciplinaire, interdisciplinaire ou transdisciplinaire.
Références citées
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Notes
[1] Bachimont, B. (2023). Manifeste pour l'intelligibilité du numérique. [En ligne] https://doi.org/10.34745/numerev_1922
[2] Verlaet, L. (2022). Le constructivisme numérique : modèle épistémologique pour concevoir des artefacts numériques. Revue Intelligibilité du numérique, 3|2022. [En ligne] https://doi.org/10.34745/numerev_1860
[3] Husserl, E. (1950) Idées Directrices Pour Une Phénoménologie. Gallimard, Paris.
Searle, J. 1983, Intentionality Cambridge University Press.
[4] Margolis, E., & Laurence, S. (sous la direction de). (2015), The Conceptual Mind. New Directions in the Study of Concepts. MIT Press.
[5] Il est même probable que des espèces d’Homo antérieurs parlaient déjà. Sur les commencements du langage voir: Bickerton D. (1995) Language and Human Behavior. University of Washington Press.
[6] Deacon, T. (1997) The Symbolic Species. The Co-Evolution of Language and the Brain. Norton and Cie.
[7] Peirce, C. (2017) Ecrits sur le signe, trad. Gérard Deledalle, Points-Seuil.
[8] Leroi-Gourhan, A. (1964) Le Geste et La Parole. Albin Michel.
[9] Tesnières, L. (1959). Eléments de Syntaxe Structurale. Klincksieck.
[10] Chomsky, N. (1957). Syntaxic Structures. Mouton. Chomsky, N. (2000) New Horizons in the Study of Language and Mind. Cambridge University Press.
[11] Lévy, P. (1995). Qu’est-ce que le virtuel? La Découverte.
[12] Saussure de, F. (1916). Cours de Linguistique Générale. Payot. Hejlmslev, L. (2000) Prolégomènes à Une Théorie Du Langage – La Structure Fondamentale Du Langage. Minuit.
[13] Melchuk, I. (2001) Communicative Organization in Natural Language: The Semantic-Communicative Structure of Sentences. John Benjamins.
[14] Deleuze, G. et Félix G. (1980) Mille Plateaux. Minuit.
[15] Jakobson, Roman. (1963) Essais de Linguistique Générale, Tomes 1 et 2. Minuit.
[16] Buber, Martin. I and Thou. New York: Charles Scribner’s Sons, 1970.
[17] Dumézil, George. L’idéologie Tripartie Des Indo-Européens. Bruxelles: Latomus, 1958
[18] Gibson, James. The Theory of Affordances. The Visual Approach to Visual Perception. Boston: Houghton Mifflin, 1979.
[19] Winkin, Y. sous la direction de (2014) La nouvelle communication, Points-Seuil. L’ouvrage présente un modèle « orchestral » de la communication. Voir aussi Bateson, G. (1972) Steps to an Ecology of Mind. 2 vol. Chandler
[20] Bonabeau, Eric. (1999) sous la direction de. « Special Issue on Stigmergy ». Artificial Life 5 (2). https://direct.mit. edu/artl/issue/5/2.
Heylighen, F. (2016) “Stigmergy as a Universal Coordination Mechanism I: Definition and Components.” Cognitive Systems Research 38: 4–13. https://doi.org/10.1016/j.cogsys.2015.12.002.
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[21] Kaplan, R. (2004) À Propos de Rien. Une Histoire Du Zéro. Dunod.
Ifrah, G. (1985) Les Chiffres Ou l’histoire d’une Grande Invention. Robert Laffont.
[22] Lévy, P. (1990), Les technologies de l’intelligence. L’avenir de la pensée à l’ère informatique. La Découverte. En particulier la deuxième partie qui retrace l’évolution des techniques de communication et qui comporte une abondante bibliographie.
[23] Wilhelm, R. Perrot E – traducteurs – (1973), Yi King Le Livre Des Transformations. Librairie de Médicis.
Javary, C. (2003) Le Discours de La Tortue. Découvrir La Pensée Chinoise Au Fil Du Yi King. Albin Michel.
Julien, F. (1993) Figures de l’immanence. Pour Une Lecture Philosophique Du Yi King. Grasset.
[24] Aristote (1947) Premiers analytiques, trad. Tricot, J. Vrin.
[25] Benoit P. et Michaud, F. (1989) « L’intermédiaire arabe » in Éléments d’histoire des sciences, sous la direction de Michel Serres, Bordas. Pages 151-176.
[26] Sur l’histoire de l’informatique des origins aux années 1950, je renvoie à mon article détaillé sur ce sujet: Lévy, P. (1989) “L’invention de l’ordinateur.” In Éléments d’histoire des sciences, sous la direction de Michel Serres., Bordas, pages 515 à 535.
[27] Shannon, C. “A Symbolic Analysis of Relay and Switching Circuits” Transactions of the American Institute of Electrical Engineers 57, no. 12 (1938): 713–23. https://doi.org/doi:10.1109/T-AIEE.1938.5057767.
[28] Boole, G. (1916) The Laws of Thought. Open Court. [1854]
[29] Lévy, P. (2017) “La pyramide algorithmique.” In Sens Public, Numéro special: Ontologies du numérique: 29.
http://www.sens-public.org/article1275.html
[30] Lévy, P. (2021) “Pour un changement de paradigme en intelligence artificielle.” Giornale Di Filosofia 2, no. 2. https://mimesisjournals.com/ojs/index.php/giornale-filosofia/article/view/1693.
DOI 10.7413/1827-5834016
Lévy, P. (2023) « Calculer la sémantique avec le langage IEML », Humanités numériques [En ligne], 8 |
URL : http://journals.openedition.org/revuehn/3836 Consulté le 06 janvier 2024.