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Dans les pratiques sociales de référence (PSR) actuelles se retrouvent notamment l’idée d’un  changement urgent de nos modes de vie comprenant également nos usages du numérique et, de  manière plus large, l’éducation citoyenne à la durabilité par des notions de sobriété et de transition numérique. Publié par Jean-François Céci - ULiège, Belgique, Laurent Heiser - UniCA, France, Audrey Raynault - Université Laval, Canada, dans la Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire -Licence Creative Commons Attribution 4.0 International-

Jean-François Céci, Laurent Heiser, Audrey Raynault :

"Cet article a pour objectif général de formaliser les idées principales de cette nouvelle forme de prudence numérique, en montrant que prudence et bien-être numériques sont intrinsèquement liés. Puis, il a pour objectif spécifique de mettre en relation les apports de la prudence numérique comme notion émergente, dans une éducation critique au numérique à visée émancipatrice.

Par conséquent, nous considérons la prudence numérique complémentaire aux cadres de référence des compétences numériques québécois (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2019) et français (Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse [MENJ], 2019) en éducation. En effet, ces derniers n’abordent pas explicitement l’aspect de sobriété, de bien-être et de prudence avec le numérique en éducation.

Cet article vise donc à présenter les bases théoriques des différents niveaux de prudence numérique et à proposer comment la communauté scolaire pourrait les mettre en pratique. De plus, nous établissons notre genèse à partir des travaux d’Astolfi et ses collègues (2008, chapitre 13) sur les pratiques sociales de référence (PSR), un concept qui alimente la construction didactique de notre typologie des prudences numériques. La prémisse est, selon eux, de coconstruire notre typologie en ne se satisfaisant pas d’une simple réduction descendante d’un savoir universitaire survalorisé, mais en considérant de manière concomitante les pratiques sociales de référence et les notions scientifiques.


Pour ce faire, en première partie, nous expliquons la portée de notre réflexion pédagogique allant de la sobriété numérique vers la prudence numérique et comment celle-ci a guidé notre recension des écrits sur le concept de prudence numérique.

Puis, en seconde partie, nous présentons les résultats de notre recension et l’aboutissement de notre réflexion didactique, sous la forme d’une typologie de six niveaux de prudence numérique placés sur une échelle croissante du bien-être numérique.

Actuellement, notre proposition de typologie est utilisée dans le contexte de la formation d’enseignants et enseignantes à l’intégration du numérique en milieu scolaire et elle fait l’objet d’un projet de recherche-action sur l’intégration d’un numérique éducatif plus durable, en France et au Québec. Plus précisément, nous procédons à sa mise à l’essai et à sa conceptualisation en impliquant des membres des communautés des écoles de manière collaborative.

De la prudence pour une sobriété numérique 

La sobriété numérique est désignée comme l’un des principaux défis du numérique dans le  domaine de la recherche en sciences de l’éducation (Descamps et al., 2023).

Or, la sobriété n’est  ni un trait de caractère ni une vertu.

Selon les perspectives de penseurs tels qu’Aristote (1994) ou  encore Comte-Sponville (2018), elle découle d’une prise de conscience agissant sur les attitudes  en faveur du bien. Cette réflexion s’est approfondie au sein de notre équipe lors du processus de  révision d’un texte (Heiser et Chiaruttini, s.d.), soumis à un comité scientifique international,  lequel a proposé initialement de substituer le terme sobriety, que nous avions utilisé dans la version  originale, par prudence.

Cette suggestion a donné naissance à une nouvelle voie nous amenant à  nous interroger de la manière suivante : comment pouvons-nous intégrer la notion de prudence  dans le cadre d’une éducation à la sobriété numérique et, plus largement, dans celui du numérique  pour l’éducation? 

De nombreux spécialistes de même que des chercheurs et chercheuses du domaine des  technologies éducatives se rejoignent pour souligner que la communauté scolaire doit cultiver un  esprit critique et éthique (Rosati, 2012) à l’’égard du numérique, compétence indispensable pour  la citoyenneté numérique (Beaudoin et al., 2022; Conseil supérieur de l’éducation, 2020). 

Nous adhérons au fait que l’école doit éduquer avec le numérique en considérant notre  rapport individuel avec autrui et la planète.

Après avoir exploré les fondements de la prudence,  notamment à travers les écrits des philosophes de la morale, notre intérêt s’est porté sur  l’application de ce concept dans le domaine de l’éducation à la citoyenneté à l’ère du numérique  (MEES, 2019; MENJ, 2019). Notre démarche visait à déterminer si la prudence numérique était  un concept existant, voire fréquemment mobilisé dans la littérature universitaire sur l’éducation,  en particulier en lien avec les enjeux numériques.

Poussée par cette réflexion se pose donc la  question qui a servi à notre recension sur le thème de la prudence numérique en éducation :  qu’apporte le concept de prudence au regard des enjeux de citoyenneté à l’ère du numérique  en éducation?

Notre initiative vise à accompagner cette communauté dans la mise en place d’actions favorisant l’acculturation à la prudence numérique pour participer à cette ambition relevant de la responsabilité collective, en nécessitant l’apport de différents professionnels et professionnelles et les croisements de points de vue multiples. La prudence numérique telle que nous la définissons relève pour le moment d’une typologie qui stimule les échanges sur l’éducation au numérique à l’ère de l’anthropocène.

Discussion : vers une première définition des types de prudences numériques

Nous définissons ainsi les types de prudences numériques, en commençant par le niveau micro
correspondant au niveau de bien-être utilitariste (au sens de Bentham, cf. ci-avant) le plus faible,
car à l’échelle la plus individuelle du bien-être.

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Cette typologie fournit le cadre fertile de cette compréhension essentielle des enjeux individuels, techniques, sociaux, environnementaux et éthiques et donne la capacité à anticiper les conséquences du numérique sur nos usages mais aussi sur nous-mêmes et sur les autres.

Dans le domaine de l’éducation, cette typologie, intégrée à une démarche de laboratoire ouvert, pourrait viser à libérer la créativité du personnel enseignant et de tous les acteurs de la communauté éducative. Elle permet d’imaginer de nouvelles situations d’enseignement-apprentissage qui intègrent la vision d’une terrienneté numérique, constituant une évolution indispensable de la citoyenneté numérique à l’ère
de l’anthropocène.

Enfin, à l’instar de Collin et al. (2015) et des pratiques sociales de référence actuelles (Astolfi et al., 2008), nous proposons des approches didactiques (accent sur les contenus disciplinaires), pédagogiques (accent sur les situations d’enseignement et d’apprentissage actives et collaboratives) et sociocritiques (accent sur le profil et contexte socioculturel des élèves) pour l’étude des usages du numérique, plus précisément dans un contexte de prudence numérique. Notre réflexion alimente ainsi l’élévation de la formation du citoyen ou de la citoyenne numérique à celle de terrien ou terrienne numérique. "

Je vous invite donc à lire l'intégralité de cette contribution qui représente, avec les regards croisés franco-québécois entre les terrains scolaires et universitaires, une proposition pour une compréhension approfondie et nuancée du numérique pour l’éducation.

Elle vise à accompagner les pratiques pédagogiques en intégrant de manière concrète les approches prudentielle, systémique et sociocritique du numérique pour l’éducation dans la formation initiale et universitaire des enseignants et enseignantes. Michelle Laurissergues

Accès à la publication

https://www.ritpu.ca/ritpu/files/numeros/122/ritpu-v21n2-10.pdf

Dernière modification le jeudi, 16 janvier 2025
Laurissergues Michelle

Fondatrice et présidente d'honneur de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.