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Auteur : Luc Renaud Collaboration : Rachel Malo

Des étudiants en FL2 s’attendent parfois à recevoir un manuel de cours comprenant des tableaux de notions grammaticales ou de vocabulaire, des exercices d’application, des extraits de textes avec des questionnaires de compréhension. À ce manuel s’ajouterait un DVD avec des exercices de compréhension orale. Le professeur de langue devient alors un sélectionneur de contenus et un applicateur de consignes prédéterminées, un correcteur d’épreuves et un évaluateur. Dans ce contexte, l’intégration des TICÉ se réduit à une simple diversification, qualifiée faussement de modernisation par certains, de moyens et d’outils mis à la disposition des étudiants comme de l’enseignant. Et souvent, cette transformation mineure dans la pratique éducative répond malheureusement à des attentes, peu ou pas innovantes.

Or, notre expérience pédagogique va à l’encontre de ces tendances réductionnistes du potentiel des TICÉ, et nous conduit à porter plusieurs chapeaux en plus de l’enseignement : penseur, chargé de projets, concepteur de matériel, chercheur, conseiller, formateur, tuteur, agent de changement, conférencier, rédacteur, etc. Et tout cela nous semble nécessaire puisque l’innovation en éducation vise à répondre à de nouveaux enjeux de la société : le apprendre à apprendre, l’apprentissage tout au long de la vie, etc.
 
Une tenue vestimentaire variée
 
De fait, comme "simples enseignants", nous vivons un constant processus de réflexion portant non seulement sur l’outillage technologique, mais bien sur les approches éducatives qui visent la responsabilisation des étudiants dans leur processus même d’apprentissage dans un contexte éducatif de relations humaines menant à l’autoformation. Comme le montrent plusieurs de nos articles, nous cherchons l’établissement de liens entre les étudiants et le reste de la société par des expériences de jumelage, mais aussi d’intégration professionnelle, etc. ; sans que le professeur soit derrière chacune des initiatives des étudiants.
Nous nous questionnons également sur la mise en place de stratégies de pédagogie par projets de nature socioconstructiviste et même humaniste ; et nous voulons des planifications pédagogiques qui tiennent compte de concepts tels que la diversité des styles d’apprentissage. Bref, on l’aura compris, nous nous cassons drôlement la tête. D’autant plus que ce processus de réflexion s’inscrit dans l’obligation de vivre au moins une vingtaine d’heures par semaine en contact direct et intense avec la clientèle à qui nous offrons notre prestation de services.
Et pour répondre à notre vision éducative, nous nous prêtons vite au jeu de la conception de matériel éducatif varié : des exercices « traditionnels » interactifs ou non et des activités de communication, mais aussi des montages vidéo, des diaporamas électroniques, des sites Internet, des grilles d’évaluation, etc. En L2, nous tiendrons compte également de stratégies propres aux habiletés langagières inhérentes à la maitrise de la langue dans la conception de nos scénarios pédagogiques. Tout ce matériel sera testé auprès de la clientèle et bonifié au cours des différentes sessions. Nous essaierons de mettre en place des dispositifs éducatifs hybrides, exigeant aussi de sérieuses habiletés en autoformation et de collaboration entre les étudiants.
 
Une approche de recherche éclectique
 
Même le regard porté sur notre expérience, ou nos méthodes recherche, subiront les aléas du métier. S’il nous arrive de construire la quasi-totalité de notre instrumentation pédagogique en fonction des objectifs des programmes prescrits et de notre planification pédagogique ; à d’autres moments, nous nous laisserons tenter par l’élaboration de devis éducatifs dans une perspective de recherche-action, mettant les gouts et l’implication des étudiants à contribution dans le déroulement du cours. À la suite de l’expérimentation de nos scénarios pédagogiques et de notre matériel éducatif, il va nous arriver de devoir réaliser d’importants ajustements en vue de satisfaire davantage les besoins de la clientèle, et de vouloir échanger avec des pairs sur ces expériences par le biais d’articles comme celui-ci ou la tenue de conférences.
 
Et pourquoi porter tous ces chapeaux ?
 
La question se pose. Pourquoi ne pas se contenter de suivre à la lettre les consignes d’un manuel de formation, déjà le fruit de pédagogues aguerris, et choisir plutôt de porter tour à tour les chapeaux de penseur, de chargé de projets pédagogiques, de chercheur, etc. ; et qu’est-ce qui nous pousse à vouloir faire preuve d’innovation dans notre domaine ? Bien des lecteurs d’Éducavox vous diront, parlant d’eux, qu’il faut y voir là des marques de passion et de la grande valeur accordée à l’éducation, vue comme l’essence même de l’avancement d’une société tout entière ; et aussi de l’intérêt manifesté à la réussite personnelle et professionnelle de la clientèle étudiante.
D’autres pourront ajouter que la science de l’éducation est encore loin d’avoir livré tous ses secrets et que nous essayons d’apporter une modeste contribution dans ce domaine. Pour notre part, il est clair que toutes ces raisons sont pertinentes ; et que la salle de classe devient pour nous un univers riche de partage d’expériences humaines et un vaste laboratoire en matière d’éducation.
Sur ce point, une question me brule les lèvres. S’agirait-il aussi d’une manière de rouvrir le débat sur les compétences essentielles à la lumière des enjeux actuels comme le apprendre à apprendre, l’apprentissage tout au long de la vie, et l’activité citoyenne : le droit, la gestion, la santé, les relations interculturelles et même l’alphabétisation numérique ? Bref, d’une manière de mieux comprendre les enjeux actuels et d’y proposer des solutions ? Si tel est le cas, il nous faudra reprendre le rôle de penseur et contribuer courageusement à une redéfinition des programmes éducatifs et à la mise en place de pratiques éducatives en conséquence. Encore faut-il savoir convaincre d’autres acteurs influents de la pertinence de cette vision éducative, ce qui n’est pas toujours évident.
 
En conclusion
 
L’intégration pédagogique des TICÉ se limite souvent à une simple diversification ou modernisation de l’outillage mis à la disposition des enseignants dans une démarche plutôt classique de transmission des savoirs. La pratique éducative qui en résulte nous semble alors peu ou pas du tout innovante, ce qui peut laisser planer un doute chez les non-initiés sur la pertinence des TICÉ comme réponses aux enjeux éducatifs actuels. Pour notre part, il est clair que la science de l’éducation, comme toute autre science, est loin d’avoir livré tous ses secrets ; même si l’éducation joue un rôle de premier plan dans l’avancement de la société.
Dans ce contexte, l’enseignant est appelé à porter plusieurs chapeaux aussi bien auprès de sa clientèle directe qu’auprès des autres acteurs de l’éducation. Notre texte voulait mettre en lumière l’importance que nous accordons à un processus de réflexion sur l’expérience éducative à ces niveaux intra et extrascolaire en vue de prendre modestement part à une discussion sur les innovations nécessaires pour répondre aux enjeux actuels de l’éducation.
 
Quelques mots sur les auteurs :
 
Luc Renaud est spécialisé en technologie éducationnelle et enseigne le français langue seconde depuis plusieurs années auprès d’une clientèle adulte immigrante. Détenteur d’une maîtrise en éducation, il a aussi été chargé de cours à l’Université de Montréal dans le domaine de l’intégration des TIC, et a participé à des projets de recherche portant sur la formule hybride et le socioconstructivisme. Il possède également une solide expertise en développement et expérimentation de formations en ligne et s’intéresse vivement à la collaboration internationale.
Rachel Malo enseigne le français langue seconde depuis plusieurs années auprès d’une clientèle adulte immigrante. Elle a fait des études en linguistique et a une bonne connaissance de l’évaluation des apprentissages. Elle a développé et travaillé à des cours expérimentaux en français avancé et en insertion au marché du travail. Elle s’intéresse vivement aux TIC et travaille à différents projets de ces technologies en salle de classe. Elle avoue un intérêt marqué pour la collaboration internationale.
Depuis plusieurs mois, Luc et Rachel ont démarré une firme de consultants en technologie éducationnelle, La boîte à idées E.T. Ideas Box et conjuguent leurs forces dans une perspective de projets à portée locale, régionale, nationale et internationale.
Renaud Luc

Luc Renaud est spécialisé en technologie éducationnelle et enseigne le français langue seconde depuis plusieurs années auprès d’une clientèle adulte immigrante. Détenteur d’une maitrise en éducation, il a aussi été chargé de cours à l’Université de Montréal dans le domaine de l’intégration pédagogique des TIC, et a participé à des projets de recherche portant sur la formule hybride et le socioconstructivisme. Il possède également une solide expertise en développement et expérimentation de formations en ligne et s’intéresse vivement à la collaboration internationale. 
Mal à l’aise dans le milieu scolaire, il croit à une remise en question continuelle de l’école ; il tient d’ailleurs un blogue, L’éduc-acteur, le Blogue de Luc Renaud, sur des thèmes variés, qui mettent de l’avant l’importance de l’autoformation.
Il est aussi entrepreneur, ayant démarré récemment une entreprise de consultant en technologie éducationnelle, La boîte à idées E.T.L.R. Ideas Boxdans la région de Montréal.


Montréal, Québec (Canada)