Voilà qui fait rêver, mais en pratique ce n’est pas si simple. Des pistes se dégagent pour une vraie prise en compte – et la facilitation- des apprentissages informels. Voici donc, sur le sujet, un premier billet. De quoi parle t’on ?
Dans le langage ordinaire, on parle habituellement d’apprentissage informel lorsqu’il se situe en dehors de la salle de classe, ou de formation. A la suite de Shugurensky (2007), on distingue différents types d’apprentissage informels. L’intentionalité est l’un des critères retenus. Denis Cristol, dans son lexique « Les mots clés de l’apprenance », explicite ainsi les trois types d’apprentissages informels distingués par Schugurensky :
1. la socialisation (apprentissage tacite, « apprentissage presque naturel des valeurs, attitudes, comportements, savoir-faire et connaissance qui se produit dans la vie quotidienne »)
2. l’apprentissage fortuit (apprentissage non intentionnellement recherché, coproduit d’une autre activité)
3. l’apprentissage autodirigé (projet éducatif entrepris sans l’aide d’un professeur) ». Je retiens, pour ma part, le schéma proposé sur le site Knowledge Jump, dans le billet « Formal and Informal Learning », qui fait état des recherches de Cofer.
Je traduis ici le schéma du billet « Informal and Formal Learning » du site :
L’axe vertical concerne la détermination des objectifs. On parle d’apprentissage « Formel » lorsque les objectifs sont fixés par l’institution (Ecole, Entreprise …). Et d’informel lorsque les objectifs sont auto-déterminés par l’apprenant.
L’axe horizontal concerne l’intentionnalité de l’apprentissage. Un apprentissage peut donc être – Formel/ intentionnel (l’entreprise envoie un salarié en formation), – Formel/ Fortuit (les objectifs de l’institution ne sont pas explicites pour l’apprenant), – Informel/ intentionnel (l’apprenant navigue sur internet pour apprendre, ou bien s’inscrit à une formation de son propre chef), – Informel/ fortuit (un enfant qui apprend sa langue maternelle, un salarié qui apprend à utiliser powerpoint en préparant une intervention).
Ce schéma a l’intérêt d’attirer notre attention sur un critère décisif de l’apprentissage informel : qui décide des objectifs, des modalités, du timing …
A ceux qui souhaiteraient disposer d’une étude vraiment complète et très éclairante sur ces concepts, leur émergence et leurs usages, je conseille la lecture de G. Brougère et H. Brezille « De l’usage de la notion d’informel dans l’éducation », Revue Française de Pédagogie 2007. Pour positionner le curseur entre « formel » et « informel », c’est moins le cadre de l’apprentissage qui compte que la direction des apprentissages. G. Brougère et H. Brezille mettent en avant l’intérêt de considérer ces notions comme un « continuum », et non comme une catégorisation absolue.
On peut ainsi se doter d’une grille de lecture des dispositifs pédagogiques en faisant bouger le curseur sur ce continuum, en fonction de différents critères :
L’intérêt d’une telle grille, c’est qu’elle nous fait tout de suite pointer le paradoxe de la « vogue » des apprentissages professionnels informels. En effet, décider qu’un apprentissage précis se fera « de manière informelle » c’est … entrer dans un dispositif formel. Accueillir les apprentissages informels, c’est accepter, dans une plus ou moins grande mesure, de » lâcher prise », de perdre le contrôle (ou son illusion). Alors comment faire ? Et dans quelle mesure les apprentissages informels « pèsent ils » réellement dans le développement des compétences ?
A suivre …
Mathilde Bourdat
(Merci pour l’autorisation de publication)
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