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Michel GUILLOU sur son blog gingko.neottia.net, nous offre son regard lucide sur les pratiques institutionnelles des réseaux. Tous les ministres ou presque ont maintenant leur compte et s’en servent assez abondamment pour faire passer un certain nombre de messages simples, trop simples et donc parfois abscons… Rares sont sans doute celles ou ceux d’entre eux qui twittent elles ou eux-mêmes. Bien souvent, on a confié cette tâche ingrate à un obscur porte-plume (normal, pour Twitter !) de cabinet. 

Même la grande et vieille maison de l’Éducation nationale s’y est mise. Si le ministre tweete peut-êtrelui-même, il le fait rarement. Son dernier message date du 15 mai dernier… En revanche, le ministère a un compte actif et certifié authentique par Twitter qui délivre, sans relâche, depuis trois ans, une information institutionnelle très formatée. Il bénéficie d’une audience de près de 88 000 abonnés. En revanche, ce compte ne s’est abonné soi-même qu’à 85 comptes qui sont tous des comptes des grands corps de l’État, les comptes des académies, des CRDP et autres grands services éducatifs.

Le ministère ne s’est abonné à aucun compte individuel ou collectif hors institution. Aucun personnel de la maison, technicien, professeur ou même recteur, aucun élève, aucun syndicat, aucune association travaillant dans le champ de l’éducation n’a donc droit de faire partie du gotha. Ni le ministre ni même l’obscur communicant qui œuvre à nourrir ce fil d’information officiel n’accèdent, à aucun moment, aux nombreuses et riches contributions de la base, aux projets de classe, aux questions ou interpellations directes, aux bonnes idées du terrain, aux simples commentaires. Une attitude assez typique et dommageable, j’y reviendrai.

Et les académies ?

Elles se sont, pour la plupart, créé aussi leur compte depuis deux ou trois ans, à l’initiative personnelle des recteurs ou de leur service de communication. Seules échappent curieusement encore à cette règle les académies d’Aix-Marseille, Amiens, Créteil, Guadeloupe, Limoges, Lyon, Nancy-Metz, Orléans-Tours et Reims. Toutes les autres, soit 21 académies, ont un compte Twitter.

Deux de celles qui se sont engagées, Clermont et Dijon, n’ont jamais produit aucune information. Leur compteur de tweets est à zéro. Cinq d’entre les académies semblent en sommeil puisqu’elles n’ont produit aucun tweet depuis la dernière année scolaire, soit la Corse, Grenoble, Montpellier, la Réunion et Strasbourg.

Toutes les autres sont actives et ont produit une information récente voire très récente. Parmi elles, on peut juste noter que dix d’entre elles, Bordeaux, la Guyane, Lille, Nantes, Nice, Paris, Poitiers, Rouen, Toulouse et Versailles, ont écrit des tweets tout récemment, en ces premiers jours d’octobre 2012.

Le graphe ci-dessous fait le point de leur activité sur Twitter. L’ensemble des académies apparaît de gauche à droite, de celles qui n’ont aucun tweet, comme Clermont et Dijon aux plus actives, Versailles et Rouen qui ont écrit près de 2 000 tweets chacune. Se référer à la courbe en bleu

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On voit assez bien que le nombre d’académies très actives — près de 500 tweets et au-dessus — sont finalement peu nombreuses (Nantes, Guyane, Besançon, Paris, Poitiers, Versailles et Rouen).

Le nombre d’abonnés au fil d’information (courbe en rouge) varie beaucoup, de la Martinique qui a seulement 25 clients aux cinq qui en ont plus de 2 000, dans l’ordre Strasbourg, Toulouse, Versailles, Poitiers jusqu’à Paris qui compte largement plus de 3 000 abonnés !

De la même manière, le nombre d’abonnements (courbe en vert), le nombre de comptes auxquels l’académie s’est elle-même abonnée, est variable mais généralement très faible, au-dessous de cent. Seules se démarquent les académies de Poitiers, qui s’est abonnée à 587 comptes et, surtout, de Paris qui suit attentivement ce que produisent 3 239 comptes !

Il s’agit là de stratégies d’utilisation complètement différentes qui ont des conséquences, heureuses dans le cas du compte de la capitale, sur la qualité de l’information échangée, les usages des « twittos » et les relations qu’ils nouent avec les académies. J’y reviendrai en fin de ce billet.

Quelle information produisent les académies ?

Là encore, il convient d’observer des différences notables selon les stratégies mises en œuvre ça et là. La plupart des académies produisent une information strictement informative, verticale et descendante. On informe, tel le garde-champêtre sur la place du village, de l’agenda du recteur, de tel ou tel événement ou visite, de telle ou telle circulaire… Une sorte de lettre d’information découpée en tranches, en quelque sorte… Quelques exemples :

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À noter que deux de ces tweets affichent des liens courts qui renvoient sur des articles détaillés sur le ou les sites académiques. Une bonne manière de mettre des infos en valeur !

L’académie de Rouen a pris l’habitude de baliser systématiquement, par une première indication en capitales, la destination des messages. Ici, par exemple, un tweet à l’attention des professeurs d’espagnol :

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L’académie de Paris, pour sa part, n’hésite pas à utiliser la globalité des services du web et à pointer sur des ressources affichées sur d’autres réseaux sociaux, ici Pinterest par exemple :

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Rares, très rares, sont les académies qui renvoient ou relaient, qui « retweetent » les informations produites par d’autres. Certaines, comme Paris encore se limitent sans prendre trop de risques à « retweeter » sur le fil académique les tweets personnels du recteur :

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D’autres, plus aventureuses, vont même jusqu’à proposer à leurs abonnés des informations de sources diverses provenant, comme dans les deux exemples ci-dessous issus du fil de l’académie de Poitiers, de la presse locale ou d’un compte personnel (en l’occurrence le mien) :

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À ce sujet, je ne remercierai jamais assez les trois académies, Nantes, Paris et Poitiers qui me font le plaisir et l’honneur de s’être abonnées à mon compte personnel et de s’intéresser à l’information que je produis ou que je partage. J’en suis d’autant plus fier pour Nantes car je fais partie des seuls 119 élus que cette académie a choisi de suivre…

Les académies ne se risquent pas, en revanche, à interagir avec leur auditoire qui les interpelle ou les questionne. Seule, à nouveau, l’académie de Paris se démarque radicalement des autres en répondant parfois directement, comme dans l’exemple ci-dessous, à ses abonnés :

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Quelles leçons tirer de tout ça ?

En introduction, je regrettais amèrement l’attitude des services en charge du compte ministériel qui n’ont pas pris la juste mesure de ce qu’est un réseau social et de ce que s’y engager implique en termes de réciprocité et d’horizontalité des flux. Cette attitude frileuse et si conforme à l’attitude générale des services de communication, habitués à délivrer des messages unidirectionnels et descendants, est aussi celle de la plupart des académies et n’est pas adéquate à l’évolution des modes d’échanges des informations et des savoirs permise par le numérique et les réseaux sociaux.

Cette absence quasi-totale de culture numérique et de formation aux usages des réseaux sociaux a pour conséquence que l’attitude frileuse et hésitante de ceux qui pilotent en haut lieu ces dispositifs peut passer pour de la morgue ou de la suffisance comme je l’ai évoqué dans mon dernier billet

Qui sont-ils, d’ailleurs, ces producteurs d’information officiels ? Le paysage, là encore, est très variable d’une académie à l’autre. Dans le pire des cas, la besogne est prise en charge par les services des DSI (directions des systèmes d’information) dont les pratiques besogneuses et utilitaristes sont bien souvent fort éloignées des enjeux du numérique. Parfois, ce sont les services de communication des rectorats. Dans tous les cas, la publication est faite sous le contrôle direct du recteur ou de son cabinet. Encore plus rarement, une personne, un enseignant, a été recrutée à temps partiel pour prendre à son compte l’animation de la communauté éducative.

Comment, aujourd’hui, faire autrement ? Les académies doivent en prendre conscience et faire évoluer leurs pratiques. Il y a des enjeux forts à être présent dans ces espaces et à fédérer, via Twitter et d’autres réseaux sociaux, les acteurs d’une académie, à susciter leur collaboration, à promouvoir et distribuer les contenus qu’ils partagent ou mettent à disposition de tous, sur le web ou ailleurs mais aussi ceux que l’institution leur offre sur les mêmes supports.

C’est le pair à pair qui va devenir la norme de l’échange. Si les comptes institutionnels veulent continuer à être utiles et fonctionnels, leur culture et leur posture doivent changer pour se mettre au niveau où sont tous les internautes. Il leur est donc indispensable de s’abonner, en retour à un abonnement ou préalablement à ce dernier, aux comptes des internautes « honnêtes » et, sans négliger l’information émise par l’institution, à relayer les contenus de qualité qu’ils proposent. Cela demande certes un peu de travail de veille et de lecture mais l’usage des listes, des « hashtags » et des outils de recherche devrait permettre d’y voir clair et d’être plus efficace. C’est juste un peu de disponibilité et de formation pour acquérir les bonnes postures et les compétences techniques idoines.

De ce point de vue, il faut observer et rappeler que le compte parisien a presque autant d’abonnés que d’abonnements, soit plus de 3 000. C’est une stratégie très encourageante et favorable et c’est évidemment une exception. C’est aussi, à ma connaissance, la seule académie qui interagit, quoique de manière encore fort limitée, avec ses abonnés. Peut-être devrait-elle, comme le fait Poitiers, pratiquer aussi le « retweet » ou le relais ? Il y a tellement de bonnes choses à valoriser et à promouvoir, à commencer par les Twittclasses !

Quant aux autres, l’avenir leur appartient !

Michel Guillou @michelguillou

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Crédit photo : Eric Bégin via photopin cc

Dernière modification le mercredi, 10 décembre 2014
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