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A Bordeaux, s’est déroulée la dixième Université d’été de la communication pour le développement durable, les 23 et 24 août sur le thème : de la communication à la co-production
Gilles Berhault Président d’ACIDD et du Comité 21, Délégué développement durable, direction scientifique de l’Institut Telecom a interrogé Marcel Desvergne, fondateur de l’Université d’été de la communication (qui a eu lieu pendant longtemps à Hourtin) et du Réseau international des universités de la communication.
 
 
GB : Est-ce que le temps s’est réellement accéléré ?
 
 
MD : Une course à la performance se met en place. Nous sommes bien dans une accélération mondiale des outils mobiles, comme nous avons connus, à une échelle moindre, une multiplication de télévisions d’infos en continu. Cette accélération est le symptôme du développement par « part de marché ».
 
Le monde extérieur nous oblige à vivre à son rythme et à celui des « acteurs » économiques, sociaux, politiques et sous la « force » des comportements de nos concitoyens. Marché et acceptation de ce marché accélèrent le temps...
Mais néanmoins nous vivons au rythme du réel tangible, le nôtre fait de temps et de repos. « Vous avez la montre, nous, nous avons le temps » disent les sages kanaks à Lifou dans les iles Loyautés de la Nouvelle Calédonie.
 
Oui à la gestion, en temps réel, des « choses complexes de la vie ».
Ce sentiment, cette perception d’une gestion tout azimut de nos relations obligent à être serein et à prendre le temps de « respirer ».
 
En d’autre termes, c’est nous qui sommes maitres de notre temps ou plus exactement nous devons nous donner les moyens d’en rester maitre ! Et cette situation en tenant compte du « temps social » c’est-à-dire des réactions, refus, blocages, accélération ou stagnation de nos relations sociales dans la famille, l’entreprise, l’école, l’association, ....
 
Le poids du temps social nous oblige à gérer d’une façon concomitante un écosystème où toutes les réalités du terrain sont reliées. C’est bien la difficulté des décideurs ou responsables à être prêts et compétents pour traiter de ces situations d’une façon transversale plus que verticale. Mais j’ai confiance dans l’intelligence collective.
 
GB : Sommes-nous en train de vivre une totale révolution bien plus importante que celle de l’invention de l’imprimerie ?
 
MD : Première réponse : Non, car la révolution numérique se rajoute et s’installe dans la continuité de la révolution de l’imprimerie et ne s’y substitue pas. Elle utilise les fondements de l’imprimerie qui a inventé successivement typographie, xylographie, presse à imprimer, rotatives, lithographie, photogravure, offset, héliogravure, photocomposeuse, publication assistée par ordinateur, flux numériques,...
Les technologies ont toujours été au cœur des évolutions.
 
 
Deuxième partie de la question : Oui, en réalité par la remise en compte des « équilibres » entre ceux qui « savent, produisent, décident » et le « peuple, les gens, les apprenants » pour reprendre des termes issus d’un temps des siècles derniers. L’invention de l’imprimerie a bien évidemment élargi le nombre de journalistes, d’écrivains, de commentateurs mais les numériques bouleversent cette matrice pour en proposer une autre qui place chacun comme « acteur actif », productifs d’informations, de jugements, d’émotions et donc de pouvoirs.
Il s’agit bien d’un pouvoir citoyen même s’il ne s’organise pas toujours.
 
 
L’invention de Gutenberg aura régné sans partage pendant plus de 400 ans, avant que la révolution industrielle du XIXème ne provoque l’arrivée de ce que nous appellerions encore de nouvelles technologies. Depuis les années cinquante, l’informatique et les TIC ont exercé une influence à la fois extravertie et introvertie, modifiant fondamentalement non seulement nos interactions avec le monde, mais également les conceptions essentielles sur ce que nous sommes.
 
 
Nous ne nous interprétons plus comme des entités autonomes mais comme des organismes informationnels interconnectés qui partagent, avec les agents biologiques, artificiels, hybrides, et les artefacts issus de l’ingénierie, un environnement global qui est au final constitué d’information - l’info sphère, comme dirait Joël de Rosnay.
 
 
La révolution numérique est bien une révolution dans le processus de dislocation et de réévaluation de notre nature fondamentale et de notre rôle dans l’univers, comme l’a écrit Luciano Florini.
Néanmoins nous sommes toujours les seuls moteurs sémantiques dans l’univers.
 
GB : Comment vivre, en même temps, en mode synchrone et en mode asynchrone ?
 
MD : Mettons nous d’abord d’accord sur les définitions en piochant toujours dans Wikipédia, un de nos nouveaux professeurs.
Le synchronisme désigne le caractère de ce qui se passe en même temps, à la même vitesse. L’adjectif synchrone définit deux processus qui se déroulent de manière synchronisée..
L’asynchronisme désigne le caractère de ce qui ne se passe pas à la même vitesse, que ce soit dans le temps ou dans la vitesse proprement dite, par opposition à un phénomène synchrone.
 
Ma perception de ses phénomènes concomitants me pousse à considérer que nous sommes à la fois synchrone et asynchrone et que les poussées des numériques nous obligent, une fois encore, de savoir gérer des rythmes et des contenus dans un temps unique.
 
Et là ce pose la place des « médiateurs », des enseignants, des journalistes, des animateurs numériques, des « professionnels des idées » devant construire messages et idéologies en « absorbant » les difficultés de la simultanéité et les rendant « explicites » et « rassurants ».
 
A cette question technique ma réponse se trouve dans l’émergence de ces nouveaux « hussards de la mondialisation numérique » ayant comme rôle d’accompagner les individus dans la fluidité et l’accélération de l’évolution numérique comme l’ont fait les « hussards de la République » pour construire la République ou les animateurs socioculturels des années 50, 1950, pour faire accepter les mutations dues au transfert de millions de gens entre campagne et ville.
 
Une fois encore à côté des réalités techniques et des situations complexes la valorisation de ces médiateurs « institutionnels » est nécessaire.
Dernière modification le vendredi, 08 décembre 2017
Laurissergues Michelle

Fondatrice et présidente d'honneur de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.