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Le corona virus est en train de bouleverser en quelques semaines toute l’organisation de la mondialisation ; il nous oblige à revisiter nos modes de production, nos chaines de valeurs et nul ne sait pour l’heure quels seront les impacts réels de cette crise planétaire sur notre économie et nos modes de vie.

Le monde de l’éducation, habituellement protégé, est lui aussi touché :

300 000 élèves ne sont plus scolarisés dans leur établissement scolaire du Haut Rhin, de l’Oise ou de la Corse. Pour assurer « la continuité pédagogique », le ministère de l’Education Nationale a prévu des dispositifs d’enseignement à distance. Le Ministre lui-même l’a annoncé : « on est préparé sur l’enseignement à distance déclenchable au cas par cas ou massif si cela devait prendre des proportions plus importantes ». Le CNED peut prendre le relais en cas de crise.

Ce n’est pas tout à fait l’avis du SNUIPP dont la secrétaire générale déclare que : « c’est prétentieux de dire qu’on est prêt ; on a des outils pour occuper des enfants de manière ponctuelle mais pas pour un véritable enseignement à distance ».

Pourtant, le site « education.gouv.fr » se veut rassurant «  le directeur d’école ou le chef d’établissement s’assure, notamment en prenant appui sur les réseaux existants (en particulier les espaces numériques de travail, messagerie électronique …), que l’élève a accès aux supports de cours et qu’il est en mesure de réaliser les devoirs ou exercices requis pour ses apprentissages. » et encore « Les professeurs accompagneront leurs élèves pendant toute la période de fermeture dans l’utilisation de ces ressources en leur adressant supports de cours et exercices via l’environnement numérique de travail (ENT) ou la messagerie électronique ». La plate forme du CNED « ma classe à la maison » peut les y aider avec ses deux volets : des exercices pour réviser les notions déjà acquises d’une part, une classe virtuelle d’autre part où le professeur peut faire cours à ses élèves par visio conférence (les connexions sont possibles par ordinateur, tablette ou téléphone).

Certes le dispositif ne concerne actuellement qu’une faible partie des 12 millions d’élèves que compte le pays, mais il s’agit tout de même d’une expérience en vraie grandeur dans laquelle les outils numériques s’imposent pour tous, sans autre alternative, avec leur pleine utilité.

Il n’est plus question ici d’équipes volontaires engagées depuis longtemps dans des innovations pédagogiques : tous les enseignants d’une même région sont concernés. Il ne leur est pas possible de se réfugier derrière des réticences même légitimes ou une formation fatalement incomplète. Ils n’ont pas d’autre choix que de se lancer, si ce n’est pas déjà fait, et d’investir des champs de possibilités pédagogiques souvent négligés : il y a urgence pédagogique et nécessaire effort de solidarité.

Côté élèves les bouleversements ne sont pas moindres : il s’agit pour eux d’investir dans les apprentissages en dehors du cadre contraint de l’établissement scolaire.

Il leur faut définir, leur propre emploi du temps et peut-être aussi passer d’un numérique ludique à un numérique formateur de façon plus systématique. Il leur faut impérativement se poser et poser les bonnes questions pour espérer trouver des réponses et avancer : ils n’ont pas d’autres choix que de devenir acteurs de leurs apprentissages.

Lors de ces changements d’habitudes imposés aux uns et aux autres par des circonstances que l’on espère les plus éphémères possible, il y a gros à parier que les échanges, partages et entraides ne seront plus des options mais des réalités devenues indispensables aux uns et aux autres.

Côté pouvoirs publics et collectivités, les difficultés rencontrées pour mettre en place cette continuité pédagogique (faible débit internet, zones blanches, manque de formation…) ne vont pas pouvoir perdurer au risque de rendre les inégalités encore plus insupportables qu’en temps ordinaire.

Alors, peut-on envisager que dans l’éducation aussi il y ait un avant et un après coronavirus…ou même que le seul virus encore résistant soit celui d’apprendre ? 

Dernière modification le lundi, 06 juillet 2020
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é