Non la crise sanitaire, ne nous a rien appris sur l’importance stratégique du numérique dans la société, et pourtant…
La crise sanitaire a permis à la société tout entière, de l’individu au collectif, de franchir un seuil dans son inclusion numérique. Le numérique ne sera plus une question que l’on met en débat, il est une nécessité vitale, un bien commun, comme la distribution de l’eau potable ou la fourniture d’électricité. On a vu le numérique comme une trame majeure du tissu social, porter le travail, garantir la communication, permettre le loisir, prolonger la formation. Le monde d’après, si souvent évoqué, se construit avec et par le numérique.
Il y a eu trois avancées déterminantes : le télétravail, les réunions et rencontres à distance, et la continuité pédagogique par les réseaux.
Notons qu’il ne s’agit pas d’innovations extraordinaires, de créations de matériels ou d’objets nouveaux ; il n’y a pas eu de pratiques fondamentalement nouvelles, mais l’appropriation massive de dispositifs, de démarches connues mais réservées ou utilisées par des publics spécifiques ou restreints.
Le monde du travail, en quelques jours, a pris en main le télétravail : il est maintenant une norme nécessaire.
Nombreux sont ceux qui ont découvert cette modalité, sans les bons outils, sans la formation requise, mais des milliers de salariés ont pratiqué leurs activités professionnelles distanciées, en tâtonnant parfois, mais surtout avec constance et efficacité.
Le télétravail ouvre des perspectives pour réduire les déplacements physiques, sources de pollutions, d’engorgements routiers et de saturation des transports publics ; le télétravail change le travail en profondeur pour tous, même ceux qui sont des acteurs de terrain, sur les chantiers, dans les usines, les espaces commerciaux et les services aux personnes.
Les réunions et rencontres à distance ont concernées toutes les catégories d’âge, de métiers et de situations.
Chacun a pu vivre la visioconférence individuelle et surtout de groupe, pour la concertation, le loisirs la convivialité. Souvent, elle a été au cœur de la communication familiale et a permis la présence à travers l’écran. On a collectivement appris la mise en image de sa personne, et malgré les cadrages approximatifs, les contre-jours, les interactions intempestives, la présence partagée en mosaïques a montré l’inutilité de certains déplacements, et la possibilité de se réunir efficacement, là aussi avec un impact carbone positif.
La continuité pédagogique par le numérique est ce troisième fondement de la société issu de la crise sanitaire.
Rien de nouveaux pour ceux qui depuis des années explorent ces formes pédagogiques, mais l’arrêt soudain des établissements scolaires, a associé en moins d’une semaine l’ensemble des institutions, des parents, des élèves et des enseignants dans une démarche inédite par son ampleur.
Les enseignants ont conçu du travail, du suivi et de l’accompagnement. Les enseignants engagés dans le numérique comme ceux qui n’avait jamais vraiment mis en œuvre ces pratiques (pourtant proposées en formations initiales et continues), ont réussi la mobilisation complète du système éducatif. La diversité des pratiques et des réponses des élèves, les implications des acteurs sont si multiples et si riches que l’on ne les analysera pas dans cet article ; mais au-delà des inéluctables faiblesses, aucun doute, la crise permet d’affirmer que le numérique assurera une continuité pédagogique pour chaque élève et pour tous les groupes apprenants.
Un autre regard sur le numérique, la crise sanitaire, sans aucun doute nous y invite :
- Il faut réfléchir à la qualité et à la sécurité des réseaux qui le portent ; que serait-il advenu, si les serveurs et les infrastructures informatiques n’avaient pu répondre aux sollicitations ?
- L’importance de la formation des acteurs a été manifeste et l’investissement dans ce domaine ne peut être négligé.
- Enfin, parce que le numérique forme l’environnement des activités sociales, économiques et culturelles, il y a une attention majeure à porter à ceux qui en sont exclus, par l’âge, la maladie ou les accidents de la vie.
On sait combien l’inclusion du numérique dans la société se décline en termes d’accès aux équipements et à l’acquisition de compétences cognitives. A cela doit s’adjoindre une réflexion déontologique sur l’usage responsable (le respect et la prudence), sur la sobriété numérique (l’efficacité sans le gaspillage), sur la création et la liberté.
Il y aura d’autres crises, sanitaires, financières, climatiques, alimentaires, peut-être même plus graves : le numérique aura encore à apporter son soutien. Nous savons maintenant que le numérique n’est pas une couche de plus à la complexité des sociétés contemporaines, c’est un fondement structurant, nécessaire à la cohésion et à la résilience. Veillons donc collectivement dans ce domaine à sécuriser nos accès, à renforcer nos compétences, et à approfondir le sens de cette mutation.
Yves Ardourel
Dernière modification le mercredi, 17 juin 2020