Article initialement publié sur mon blog Educpros
Oui, la nature « du » baccalauréat a bien changé en deux siècles
Le terme de baccalauréat désigne aujourd’hui trois types de diplômes. Sans tenir compte des options, il existe 3 baccalauréats généraux, 8 baccalauréats technologiques, et 86 baccalauréats professionnels. On a donc une extrême différenciation de l’évaluation des candidats à « ce » diplôme. Au fond la diplomation, comme disent le québécois, s’est imposée en France. Nous sanctionnons la fin d’un niveau d’étude par l’obtention d’un diplôme obtenu en passant des épreuves.
Ce qui a changé fondamentalement c’est la longue scolarisation allant bien au-delà de l’obligation scolaire des 16 ans. Aujourd’hui les jeunes se construisent, pour la quasi-totalité d’entre eux, au sein d’un espace scolaire. C’est le vrai changement qui s’est produit dans la deuxième moitié du XXème siècle.
Ajoutons que l’objectif des 80% niveau bac n’est pas encore atteint. Voir mon article Rappel des trois objectifs quantitatifs de l’Education nationale.
Oui l’Université a développé des cursus professionnels
On peut bien sûr relever la liste des diplômes « professionnels qui se sont créés au sein de l’université à partir des années 70 et les opposer aux études dites « académiques ». Mais que veut dire académiques ? Non dépendant des contraintes du travail et de l’emploi ? Admettons. Les universités se caractérisaient donc par des études à but gratuit ? Où étaient formés les médecins, les avocats, les professeurs. Ce qui a changé, ce n’est pas la fonction de l’Université, mais la nature et l’organisation du travail. L’Université a toujours « produit » des professionnels. Mais c’est la nature et la définition de ces professionnels qui ont changé et qui se sont largement différenciées.
Il n’est donc pas aussi évident de présenter les évolutions de l’offre de formation de l’Université comme une adaptation à la massification de l’enseignement secondaire.
Oui l’Université n’a plus le monopole de la formation post-bac
En effet le monopole du post-bac a sauté. On peut considérer que l’Université aujourd’hui représente seulement la moitié des places de formations post-bac. Ce qui veut dire également que la libre poursuite d’étude n’est pas réelle pour bien plus que la moitié de la population des bacheliers. L’Université sélectionne aussi à son entrée.
Mais à la naissance du baccalauréat « moderne » (1808) peut-on dire que l’Université avait le monopole de la formation ? Notre système est fondé sur une ambiguïté très particulière. Je reprends ici un passage d’un de mes articles précédent Comment améliorer l’information des lycéens sur le supérieur ?
« Antoine Prost dans une conférence à l’ESEN (Regards historiques sur l’éducation en France : XIXe – XXe siècles ) rappelait que notre secondaire fut créé pour préparer les entrées dans les grandes écoles qui fournissaient à l’époque napoléonienne les ingénieurs, les techniciens nécessaires à l’armée et au développement économique, administratif…
Curieusement ( ?) le baccalauréat est le premier diplôme de l’enseignement supérieur, et s’il donne ainsi accès aux études universitaires, le concours d’entrée en grande école est nécessaire, ce qui justifie sans doute le développement des « classes préparatoires ». Et dans ce schéma, on pourrait dire que les différents bacs préparent à l’entrée en classe préparatoire d’abord. Mais alors où et quand se fait la préparation aux études universitaires ? Et peut-il y avoir un réel investissement du lycée, et de ses personnels dans l’information sur le supérieur s’il existe dans ce fond organisationnel une telle hiérarchie de valeur entre les poursuites d’études ? »
Le baccalauréat aurait-il été créé pour donner une solution à ceux qui ne pouvaient réussir les concours d’accès aux grandes écoles ?
Conceptions de l’orientation
Le titre de l’interview de Marie Duru-Bellat reprend une des parties de sa conclusion. L’orientation vers le post-bac devrait être autoritaire. Mais elle évoque également deux autres conceptions de l’orientation.
Il y a « l’orientation active » qui repose sur l’idée d’une régulation par l’information sur soi. D’après Marie Duru-Bellat « ce dispositif n’a pas d’autre ambition que de chercher à dissuader les bacs pro d’aller à l’université ou à un élève nul en maths de s’inscrire en médecine. Ce qui est plutôt une bonne chose. Mais, au final, comme l’étudiant fait ce qu’il veut, les effets de ce dispositif restent limités. »
La troisième conception s’énonce ainsi : « Dans la plupart des pays, les étudiants passent un examen d’entrée dans l’enseignement supérieur. Selon leurs notes, ils sont orientés dans telle ou telle filière. Un système totalement ouvert comme le nôtre est très rare. » Rappelons que la sélection par l’aval est en fait majoritaire aujourd’hui en France.
Ce serait donc le principe autoritaire qui devrait s’imposer d’après la sociologue. En fait c’est la poursuite de la conception française de l’orientation dans le secondaire qui se verrait étendue à la charnière lycée-enseignement supérieur.
Et comme le dit Lionel Jeanjeau dans le commentaire qu’il a déposé suite à l’article de Marie Duru-Bellat : « L’orientation « autoritaire » qu’elle préconise pose comme présupposé que les étudiants doivent s’adapter aux structures qui leur sont proposées, telles qu’elles sont. Pourquoi pas ? Mais pourquoi ne pas plutôt lancer une réflexion de fond sur la structure de notre enseignement supérieur, de façon à l’organiser tel que les usagers l’attendent, à le rendre « tel qu’on veut qu’il soit » sans l’accepter nécessairement « tel qu’il est ». »
Bernard Desclaux