Le tour de France du numérique pour l’éducation s’est arrêté à Clermont-Ferrand, elle en a profité pour interroger un prof de maths, un prof d’école maternelle, une prof des écoles et un formateur pour le GRETA. Selon elle, « les enseignants rencontrés ont déjà compris que c’est un enjeu majeur pour l’école du 21ème siècle ».
En est-on si sûr ?
S’il est évident que les collègues présentés font un travail remarquable et remarqué qu’il serait injuste et choquant de critiquer, il n’est pas interdit de s’interroger sur la réalité du changement annoncé.
Le titre lui-même, « des cours », pourraient indiquer que le changement ne s’applique pas au modèle pédagogique. Il s’agit bien de « cours », de « faire cours ». Le maître est au centre du système, même s’il « donne – oui, il donne - à ses élèves des cours agréables à voir – oui, à voir – avec des animations pédagogiques et de l’interactivité ». Le maître « aborde la découverte du monde et la reconnaissance des lettres, mais aussi le graphisme, les maths, la lecture, la phonologie, les sciences et les rituels ». Il ou elle « utilise la réalité augmentée », c’est-à-dire la réalité sans la réalité mais mieux que la réalité pour « être plus proche du réel. »…
Evidemment, on constate partout « des progrès très significatifs, un grand intérêt des élèves et des parents, de la motivation, une amélioration du travail par deux, une plus grande autonomie, etc ». On reconnaît toutefois que « cette forme de présentation reste magique ».
En cherchant à comprendre ce qui se passe réellement dans le cerveau de l’élève, ce qui se produit en termes d’apprentissage réel, c’est-à-dire pas seulement l’attention durant le cours et le plaisir d’utiliser à l’école des outils fortement répandus hors de l’école, mais quels sont les outils mentaux utilisés et qui se construisent, en quoi l’élève est-il vraiment acteur de l’apprentissage et pas seulement utilisateur de l’outil, guidé par le maître, il est évident que l’on dérange et que l’on est rapidement suspecté de refuser la modernité. C’est pourtant un procès que l’on ne peut pas me faire.
Comment peut-on être sûr de l’efficacité, aller plus loin que l’apparence ou le perçu par le maître ? L’usage de l’outil numérique peut-il garantir une activité mentale supérieure à celle effectuée dans un cours magistral classique ?
Le modèle du « cours » avec sa « prep » prévoyant un déroulement ordinaire, est-il tellement enraciné en nous, quasiment inscrit dans nos gènes qu’il est impossible de mettre vraiment l’élève en situation, de résoudre des problèmes, de chercher, de transférer ses acquis hors de l’école ?
Je sais bien que nous n’avons pas le droit de décourager les bonnes volontés et les efforts des collègues qui refusent la stagnation. Je sais bien que les innovations sont toujours des leviers pour le progrès. Pour autant, ne faut-il pas en appeler à la lucidité et à l’exigence d’une réflexion pédagogique fondamentale ?
Pierre Frackowiak