Afin d’éviter la fraude au baccalauréat, le ministère de l’Education Nationale a annoncé que les calculatrices graphiques programmables utilisées depuis des années pour résoudre les exercices proposés en math et physique…mais également pour y enregistrer formules, citations et notes de cours… seront interdites en salle d’examen à compter des sessions 2018.
Dans une note publiée au journal officiel le 2 avril 2015, le ministère de l’Education Nationale annonce que les futurs bacheliers devront utiliser une calculatrice de collège ou investir dans un nouveau modèle équipé d’un mode examen qui bride la machine, c’est-à-dire la prive temporairement ou définitivement du contenu de sa mémoire.
On va ainsi priver les activités mathématiques des possibilités offertes par les tableurs et les traceurs de courbes, on va ainsi limiter les études statistiques à des séries de quelques nombres se battant en duel sans signification pour rendre les calculs faisables à la main…on peut multiplier les amputations ainsi occasionnées.
Mais au-delà de ces considérations une mesure aussi malvenue pose des questions de fond sur notre enseignement et ses évolutions.
Peut-on ne pas enseigner l’usage des outils actuels de calcul et de communication ? la réponse est non et elle est clairement donnée au plus haut niveau de l’état avec la mise en place du plan numérique. Dans le domaine des mathématiques et des sciences physiques, nul n’oserait maintenant vanter les mérites incomparables de la table de logarithmes et de la règle à calcul. L’utilisation pertinente des calculatrices graphiques programmables est un objectif d’apprentissage clairement énoncé dans les programmes de lycée. Mieux, l’algorithmique, c’est-à-dire la base qui sert à élaborer les programmes implantés sur calculatrices ou ordinateurs est elle-même enseignée dans ce cadre.
Peut-on alors ne pas évaluer dans l’examen terminal ces objectifs poursuivis au cours de tout un cycle d’apprentissage ? Il est impossible d’imaginer une réponse négative sauf à accepter que ces objectifs-là, malgré leur importance, soient immédiatement tenus pour secondaires par l’ensemble des élèves et vite négligés, de fait, par les enseignants.
Peut-on concevoir l’activité des élèves comme déconnectée ( c’est le cas de le dire ) des avancées technologiques qui envahissent la vie de tous les jours. Il semble difficile de montrer l’intérêt que peut avoir le tracé à la main de la courbe représentative d’une fonction en sachant qu’un tel tracé est immédiat sur l’écran d’une calculatrice.
Peut-on laisser penser que les compétences en mathématiques ou sciences physiques nécessaires à l’obtention du baccalauréat sont celles que possède une machine qui tient dans le creux d’une main et coûte moins de cent euros ? Non bien sûr, le monde d’aujourd’hui a trop besoin d’une augmentation de la culture mathématique et scientifique de ses citoyens. Faire des mathématiques ne se bornera jamais à appuyer sur des boutons…alors pourquoi se priver des dits boutons. Dire qu’il est plus important et plus difficile de savoir organiser et interpréter des calculs que de les réaliser ; dire qu’il est plus important et plus difficile de savoir utiliser à bon escient une formule ( ou une citation ) que de la connaître par cœur ne sont autres que des lieux communs.
Peut-on envisager que le même sort soit réservé plus tard aux autres outils du monde numérique lorsqu’ils auront été intégrés aux processus d’apprentissage et d’évaluation de tout un chacun ?
Le remède imposé par le ministère de l’Education Nationale semble bien pire que le mal ou fraude invoquée. En poursuivant la même logique et pour éviter que les conducteurs d’engins ne crèvent par inadvertance des canalisations de gaz ou d’eau, le ministère de l’industrie devrait décréter que seules les pelles et les pioches seront dorénavant autorisées pour le creusement des tranchées.
Dernière modification le mercredi, 15 avril 2015