Elle est identique parce que les soins qui doivent être donnés aux enfants sont les même qu’hier. Mais on est aussi parent différemment des parents d’hier parce que nous sommes confrontés à un nouvel environnement. Je commencerai par détailler ce nouvel espace que constitue l’Internet, puis je préciserai ce qu’ être parent veut dire avant de le mettre en perspective avec les mondes numériques.
Etre parent met en jeu au moins les trois axes de la parentalité qui ont été mis en évidence par le travail du psychiatre psychanalyste Didier Houzel. Chaque axe peut faire l’objet de dysfonctionnements, en excès ou en défaut.
Le premier axe est l’axe de l’exercice. Etre parent, c’est un ensemble de droits et de devoirs codifiés par une société à un moment donné. C’est devoir faire des choix pour son enfant et faire en sorte que ces choix soient au service de sa croissance psychique. C’est veiller à la protection, à l’éducation et à la santé de l’enfant. lorsque les dysfonctionnement sont en excès, les attitudes parentales sont trop rigides. Elle ne prennent pas suffisamment compte des besoins de l’enfant et de ses rythmes. Lorsque la parentalité pèche par défaut, c’est l’attitude de laisser faire qui prévaut et l’enfant est insuffisamment contenu par ses parents.
Le second axe est l’axe de l’expérience. C’est l’axe du vécu, du ressenti et du partagé avec l’enfant. Cet axe renvoie à la communication consciente avec l’enfant, mais aussi à la communication inconsciente. C’est à ce niveau que s’opèrent les transmissions et les idéalisations qui participent à la construction psychique de l’enfant. Ici, l’excès donne lieu à des vécus de fusion, empiétement, ou de confusion des places intergénérationnelles. Le défaut se manifeste par le rejet, la déception, le sentiment d’être maltraité par l’enfant ou la maltraitance.
Le troisième axe est l’axe de la pratique. C’est l’axe de la mise en œuvre des soins parentaux et des interactions techniques visant à assurer un espace de vie suffisamment bon. L’entretien courant de la maison, les réparations à apporter au logement, les soins quotidiens du corps de l’enfant, son éducation et sa socialisation entrent dans ce cadre. Le dysfonctionnement par excès se manifeste par la surprotection, la suralimentation, l‘hyperstimulation, le forcing des apprentissages. Les défauts se manifestent par des carences dans l’hygiène dans l’alimentation ou encore le manque de stimulation.
Comment ces trois axes sont ils concernés par les mondes numériques ?
L’axe de l’exercice correspond aux choix que les parents ont à faire vis-à-vis des pratiques numériques de leurs enfants. Ils ont la charge de fixer le temps de télévision, de jeu vidéo ou d’Internet de leurs enfants. Ils ont aussi la charge de veiller à ce que les médias qu’il utilisent leurs soient accessibles. Cela passe par la compréhension de la législation mais aussi par des discussions avec les enfants de leurs pratiques numériques. Pour les jeux vidéo, la norme PEGI n’est pas une interdiction mais une recommandation. Elle signale l’âge auquel l’éditeur estime que le jeu peut être joué. Il est de la responsabilité des parents de vérifier si tel jeu correspond à ce qu’ils estiment être approprié pour leur enfant. Le travail des parents ne s’arrête pas au tri des jeux qui entrent dans la maison. Les parents doivent également suivre les loisirs numériques de leurs enfants. A quoi ont-ils joué ? Pourquoi ce jeu est il un bon jeu ? En posant ce type de questions, les parents font du jeu autre chose qu’un aimable passe temps. Ils en font une occasion d’échanges et d’intelligence. La tâche la plus importante est de permettre à l’enfant d’avoir des pratiques numériques qui correspondent à son niveau de développement. Les parents doivent veiller à ce que l’enfant ne soit pas débordé par ses pratiques numériques et donc établir des mesures de bienveillances vis-à-vis de l’Internet et des jeux vidéo.
L’axe de l’expérience correspond aux échanges entre parents et enfants sur ce qui est expérimenté avec les mondes numériques. Les pratiques numériques peuvent en effet être des moments privilégiés de partage familiaux. Ce qui se joue autour d’une partie de Monopoly ou de 1000 bornes, c’est-à-dire les moments de plaisir, mais aussi de conflits, de bouderie et d’agressivité peut aussi se jouer autour de Mario Kart, Guitar Hero ou World of Warcraft. Qu’est ce que l’enfant vit au cours de ses parties. En étant attentif à cette question, et en encouragent les enfants à parler de leur expérience de jeu, les parents les aident à organiser leurs pensées et leurs émotions. Les jeux vidéo font vivre des émotions intenses en un cours moment. Les enfants passent par des moments d’élation ou ils sont le roi du monde à des moments terribles ou tout s’effondre soudainement. Ils croisent par ailleurs des contenus qu’ils ne peuvent pas décoder immédiatement car ils n’en ont pas les clé. Les jeux de guerre sont par exemple d’excellentes occasions de reparler de géo-politique et d’histoire. Enfin, le jeu est un moment ou les enfants peuvent découvrir des aspects cachés - et parfois méconnus d’eux mêmes - de leur personnalité. Faire ces découvertes accompagné par un parent compréhensif et non jugeant est une formidable opportunité de grandir.
L’axe de la pratique correspond aux manières dont les parents pratiquent et voir leur enfants pratiquer les mondes numériques. Certains rêvent les ordinateurs et l’Internet comme des machines pouvant magiquement soutenir l’enfant dans la scolarité. D’autres considèrent que leur travail est terminé une fois qu’il ont fait l’effort d’acheter la machine ou de payer l’accès Internet. Bien évidement, aucune machine ne règle magiquement un problème humain et aucun enfant ne sait se servir d’une machine s’il n’est pas soutenu par un adulte. Il est important que les parents entourent les pratiques numériques de leurs enfants. Souvent les parents se découragent par ce qu’ils ne se sentent pas compétents. Pourtant, personne ne demande parents d’être entraîneur de foot ou maître de ballet pour accompagner leur enfant sur les terrains et dans les salles de danse ? De la même manière, il n’est pas nécessaire d’être ingénieur en informatique pour accompagner son enfant dans les mondes numériques. La raison en est simple. Le travail des parents n’est pas d’apprendre aux enfants à se servir d’un ordinateur. Cela, ils peuvent le trouver ailleurs, à l’école, chez des amis ou dans la famille. Le travail des parents est d’accompagner le développement de leur enfant en lui apportant ce dont il a besoin au moment où il en a besoin.
Yann Leroux
Initialement publié sur le blog Psychologik
Dernière modification le lundi, 13 octobre 2014