Cette réflexion, je l’ai entendue texto dans la bouche de parents auprès de qui je donnais une formation le jour où le Conseil National du Numérique a rendu son rapport sur l’éducation numérique.
Et le fameux bac HN, c’est pour le moment la seule chose que vont retenir les parents, parce que c’est également ce qui ressort d’une revue de presse rapide. Mais n’y a-t-il que cela à retenir ? Je dois avouer que, pour avoir participé à deux réunions « contributives » organisées au CNNum dans le cadre de cette saisine sur l’éducation, lorsque j’ai vu débouler sur l’écume médiatique ce « bac numérique », je me suis dit « tout ça pour ça… ». Ce bac HN me rappelle furieusement le bac H proposé dans les années 80, qu’on baptisait déjà à l’époque « bac informatique ». J’ai donc eu l’impression que la montagne 3.0 avait accouché avec trente ans de retard d’une souris 0.0, alors que les débats du CNNum, menés par Sophie Pène, avaient été vifs et instructifs.
Et le fameux bac HN, c’est pour le moment la seule chose que vont retenir les parents, parce que c’est également ce qui ressort d’une revue de presse rapide. Mais n’y a-t-il que cela à retenir ? Je dois avouer que, pour avoir participé à deux réunions « contributives » organisées au CNNum dans le cadre de cette saisine sur l’éducation, lorsque j’ai vu débouler sur l’écume médiatique ce « bac numérique », je me suis dit « tout ça pour ça… ». Ce bac HN me rappelle furieusement le bac H proposé dans les années 80, qu’on baptisait déjà à l’époque « bac informatique ». J’ai donc eu l’impression que la montagne 3.0 avait accouché avec trente ans de retard d’une souris 0.0, alors que les débats du CNNum, menés par Sophie Pène, avaient été vifs et instructifs.
Je me suis donc plongée dans la lecture des 120 pages de ce rapport baptisé « Jules Ferry 3.0″… et je trouve définitivement dommage la mise en avant de ce bac HN, parce que le rapport contient des éléments de réflexion plus pertinents. Lisons donc ensemble ce rapport.
L’argument de décrypter une « pensée informatique » par le biais du code notamment ne me semble pas dénué d’intérêt, même s’il semble parfois relever d’une mode. Les coding goûters (voir le billet que j’avais écrit sur le sujet ici) sont parfaits pour cela, et il faudrait qu’ils puissent être généralisés partout en France, et non pas réservés aux grandes villes ou à quelques happy few. Question cependant : est-ce à l’Education Nationale de s’en charger ? Concrètement, comment cela se traduirait-il ?
« A l’école primaire, il faut offrir aux professeurs la formation en informatique qui les aidera à répondre aux attentes des élèves. Pour le collège, nous proposons de (sic) premières solutions accessibles : un cours d’informatique d’un an en troisième, centré sur la programmation et de l’algorithmique, sur le temps de la technologie ; et pour le lycée, la possibilité pour tous les élèves de choisir l’option Informatique et Science du Numérique en terminale. » Voilà pour les grandes lignes.
Avec un peu plus loin quelques précisions supplémentaires :
« Il est important que l’enseignement de l’informatique à l’école serve également à asseoir les enseignements du lire-écrire-compter. L’informatique peut jouer un rôle essentiel dans ces acquis, permettant de les approfondir, de les mettre à l’épreuve. Par exemple, un éditeur logiciel muni d’un correcteur orthographique peut être un outil fascinant pour approfondir la compréhension de l’écriture. Un tableur simplifié peut jouer le même rôle pour compter. Il ne s’agit cependant pas « juste » de familiariser les enfants avec ces outils, mais bien de leur faire découvrir, par le biais de l’informatique, d’autres aspects de la lecture, de l’écriture, du calcul. »
Le rapport du CNNum cite un sondage TNS-Sofres pour Inria14, selon lequel 64 % des Français pensent que l’éducation au numérique doit permettre de comprendre les langages de programmation, 50% de programmer soi-même, 62% de produire et publier du contenu sur le web. Je fais partie de ces 62%, et l’urgence me semble être plutôt de ce côté-là : les enfants d’aujourd’hui publient de plus en plus tôt, avec une variété d’outils (Twitter, blogs, jeux sociaux, forums, instagram, Youtube, etc.) à leur disposition, mais la plupart du temps sans aucun autre accompagnement que celui de leurs pairs. Je rêve d’une école qui utilise cette envie de communiquer propre aux enfants du XXIe siècle, et s’empare des « big data » pour justement, « apprendre au XXIe siècle ». C’est ce que le rapport définit dans son chapitre intitulé « Installer la littératie de l’âge numérique ». Il faut passer outre le titre pour le moins alambiqué du chapitre, pour retenir ceci, qui ouvre des perspectives :
" Les nouvelles pratiques culturelles (fanfiction, remix audio ou vidéo, sous-titrage coopératif, lectures critiques,…) qui sont largement portées par les jeunes, ont besoin de desserrer cette pression pour valoriser la créativité et l’engagement des élèves dans l’usage des nouvelles opportunités offertes par la technologie. Chaque étape de la scolarité peut être l’occasion pour l’apprenant de participer à des Communs, par exemple : en écrivant sur des Wikipédias créés pour et par des enfants (Wikimini, Vikidia), en corrigeant ou complétant un article sur Wikipédia, en contribuant à OpenStreetMap au cours d’une cartopartie qui peut être un support de cours de géographie, en collectant des données nutritionnelles dans le frigo de la maison pour documenter OpenFoodFacts qui peut constituer une support de cours de SVT, en mettant la puissance de calcul de l’ordinateur de la classe au service d’un projet de recherche en grid computing, en postant des photos de classe sur Flickr sous une licence Creative Commons etc."
Concernant plus précisément les relations parents/école, qui sont elles aussi bien entendu affectées durablement par l’irruption du numérique, le rapport parle à plusieurs reprises d’un « continuum » famille/école. Le terme est certes pompeux, mais il est juste : de plus en plus, avec le numérique, les frontières entre vie scolaire et vie familiale vont se redessiner, les parents vont pouvoir (devoir ?) s’impliquer davantage dans les devoirs et dans la vie de l’école. Le rapport rappelle cependant avec justesse que « l’école doit rester un espace juvénile, dans lequel l’enfant apprend à grandir loin de ses parents« . C’est peut-être justement là aussi un grand défi : la redéfinition de la place de chacun, élèves, enseignants, parents, à l’aune du numérique. Le CNNum préconise la création au sein des établissements scolaires (en particulier dans le secondaire) d’ « espaces de travail collaboratif » qui seraient également des espaces d’accueil de l’éducation populaire au numérique ainsi qu’un lieu de partage, avec les parents, de la littératie numérique.
Deux recommandations sont plus particulièrement destinées aux parents :
Recommandation 21 : associer tous les parents à la littératie de l’âge numérique
- Ouvrir les établissements à des formations à l’informatique et à la littératie numérique proposées par l’éducation populaire ou sur le Web, pour les élèves mais aussi pour les adultes. Accompagner chaque personne de la collectivité locale dans les apprentissages qu’elle peut être amenée à entreprendre en dehors de l’école.
- Faire des sites Web des établissements des points d’entrée dans la vie scolaire, des lieux de dialogues avec la cité.
- Passer de l’espace numérique de travail (ENT) réservé au travail scolaire à un espace numérique d’échange (ENE) plaçant les élèves au cœur d’un écosystème d’acteurs.
- Inviter parents et élèves à décrire régulièrement le travail et les découvertes faites à la maison (exercices sur le web, publications personnelles, etc.).«
A lire :
Le rapport complet du CNNum (en pdf), Jules Ferry 3.0
La critique de l’observateur Michel Guillou sur son blog Culture Numérique