Il y a de nombreuses hypothèses à vérifier par rapport au sens des activités scolaires – ce qui n’est pas un problème nouveau - , aux démarches pédagogiques, au refus de prendre en considération les savoirs des élèves qui se sont considérablement accrus depuis quelques dizaines d’années avec les changements de l’environnement immédiat, avec l’usage généralisé des outils numériques, avec l’évolution des relations humaines entre les élèves hors l’école, entre adultes et enfants… Rien que de plus normal que les choses changent avec le temps et le progrès.
Pourtant, dès que l’on aborde ce problème avec les enseignants, en particulier dans le second degré, chacun sort son bouclier et sa lance, comme si la personne de chaque enseignant était mise en cause de manière inacceptable, intolérable, voire stupide. Certes les choix des enseignants, leur personnalité, leur enthousiasme, peuvent avoir une influence sur l’attention des élèves et sur leur implication dans leurs apprentissages. Mais on sait bien que le problème n’est pas là. L’importance du charisme est discutable (cf le danger de la séduction), l’enthousiasme pour sa discipline n’est pas naturellement partagé, les choix ne concernent le plus souvent que l’apparence mais pas le fond. On peut mettre de la confiture et du numérique sur le pain, si c’est le même pain, il n’est pas sûr que la digestion sera meilleure. Un cours magistral bien préparé par un enseignant sympathique avec un zeste de technologies nouvelles reste un cours magistral.
Ce n’est généralement pas l’enseignant qui est en cause. En tout cas, s’il l’est, ce qui peut arriver, c’est dans une proportion très faible par rapport aux vrais problèmes :
- Celui de la formation des enseignants. Traite-t-on les questions de l’ennui, de la fatigue, du sens des apprentissages scolaires pour les élèves, des outils, du travail hors cours ?
- Celui des programmes disciplinaires. Articulation avec le socle ? Possibilité de réaliser tout, programmes que l’on ne réussit jamais à finir et socle ?
- Celui de la pédagogie. Prise en compte des savoirs acquis et des compétences construites hors de l’école.
L’ennui des élèves ne peut pas être un sujet tabou. Et il n’y a pas de scandale à traiter intelligemment, collectivement, avec le concours d’experts, un problème qui gangrène l’école et souvent pourrit la vie des enseignants eux-mêmes, démunis. Les savoirs disciplinaires cloisonnés à transmettre et la rigueur de la didactique des disciplines ne résoudront jamais le problème.
Article publié sur le site : http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-frackowiak/080415/lennui-un-sujet-tabou